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Le blog de Charles Nicolas
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  • Dans une société déchristianisée où les mots perdent leur sens, où l'amour et la vérité s'étiolent, où même les prédicateurs doutent de ce qu'ils doivent annoncer, ce blog propose des textes nourris de réflexion biblique et pastorale.
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28 septembre 2022

Confesser la Foi en multitudinisme

 

 

Confesser la foi en multitudinisme

Charles NICOLAS, le 26 mars 2022 dans le cadre de l'UEPAL à Strasbourg

[On appelle multitudinisme un fonctionnement de l'Eglise qui entend ne pas faire la disctinction entre les chrétiens qui le sont de coeur et ceux qui le sont par tradition ou pour d'autres raisons tout humaines. Dieu seul connaît ceux qui lui appartiennent, l'Eglise est ouverte à tous]

L'alternative Eglise de multitude / Eglise de professants existe bel et bien, avec beaucoup d'implications concrètes. Par exemple, le vécu et le suivi des obsèques, tout au long de l'année, ne sont pas vécus de la même manière dans un cas ou dans l'autre.

Pour autant, mon intention n'est pas de forcer la différence pour conclure qu'il y aurait un seul modèle qui mériterait d'être retenu. Chaque modèle a ses atouts et ses écueils.

Je crois utile d'évoquer une autre notion, celle d'Eglise confessante, qui met l'accent sur le contenu de la foi, ce en quoi nous croyons. La question 'Que signifie aujourd'hui 'confesser la foi' ?'pose aussi la question de la confession de foi de l'Eglise (et du croyant) et donc celle des limites du pluralisme. Sans confession de foi suffisamment explicite, on peut arriver à quelque chose comme : Nous croyons qu'il y a quelque chose au-dessus de nous, que personne ne peut définir...

___________

On a souvent mentionné ce passage de l'Institution chrétienne de Jean Calvin (IV,I.9) : Partout où nous voyons la Parole de Dieu être purement prêchée et écoutée, les sacrements être administrés selon l'institution de Christ, là il ne faut nullement douter qu'il n'y ait Eglise (Ep 2.20). Les partisans du multitudinisme disent : - Vous voyez, c'est la prédication fidèle qui fait l'Eglise véritable, et pas la foi des auditeurs : Là où la Parole est purement prêchée et écoutée. Du cœur, Dieu seul juge.

Mais juste après, Calvin ajoute : L'Eglise universelle est la multitude qui s'accorde à la vérité de Dieu et à la doctrine de sa Parole. Les personnes qui sont reconnues en être par profession de foi, bien qu'à la vérité elles ne soient point l'Eglise, néanmoins sont estimées y appartenir, jusqu'à ce qu'on les ait rejetées par jugement public.

Ainsi, dans le même passage apparaissent le mot multitude et le verbe professer !

Cela introduit la notion de discipline, souvent oubliée, et ceci à trois niveaux :

- concernant l'orthodoxie de la prédication et de l'enseignement : si je crois de toutes mes forces quelque chose de faux, ce n'est pas la Foi ;

- concernant les sacrements : on ne baptise pas les petits enfants parce qu'ils sont mignons ; le repas du Seigneur n'est pas seulement le repas de l'amitié...

- concernant les membres : si la vie d'une personne contredit ouvertement sa profession de foi, la question du témoignage est compromise.

Je n'ignore pas que la notion de discipline est généralement opposée à celle de l'amour ou à l'Evangile. Cette question mérite d'être approfondie car l'amour se réjouit de la vérité (1 Co 13.6). La question : Confesser la foi en multitudinisme ne peut pas l'éviter1.

Est-il possible de confesser la Foi (et sa foi) dans une Eglise de multitude ?

La réponse est oui ! Je vois cependant des freins qu'il me paraît utile de repérer.

a. Le multitudinisme favorise une forme de passivité : assister au culte serait déjà une forme de confession de foi. Mais est-ce suffisant ? Ceux qui écoutèrent Pierre, le jour de la Pentecôte, eurent le cœur vivement touché et dire : Que devons-nous faire ?

Dans les Eglises réformées on a souvent mis en avant la notion d'alliance pour souligner l'importance de l'accueil, de l'intégration. Mais entre-t-on dans une alliance en étant seulement là ? Je ne le crois pas. Comme dans le mariage, il faut un oui explicite, entendu par des témoins (Ro 10.10).

Celui qui n'est pas en mesure de confesser sa foi dans l'Eglise, comment le fera-t-il à l'extérieur ? En lien avec cela, la réalité du combat spirituel est difficilement appréhendée en mutitudinisme.

b. Paradoxalement, le multitudinisme peut favoriser une forme d'activisme. Comme dans n'importe quelle association, on organise des repas, des sorties, des kermesses, des actions sociales ou culturelles de toutes sortes où on est content de se retrouver. Mais est-ce confesser la foi ? Pas sûr.

c. Le multitudinisme tend à dévoyer l'exercice normal des ministères. Le rôle du pasteur est majoré, comme officiant surtout, mais aussi comme pivot central de la vie de l'église : de manière symbolique (il a fait des études) mais aussi un peu comme le permanent salarié de l'église (il a du temps). La notion de discipulat tend à s'étioler2.

d. Dans ce sens, le multitudinisme favorise l'alignement sur les valeurs admises par le plus grand nombre, à la suite des courants du moment. Sur le plan éthique par exemple... On retrouve dans les journaux et revues de ces églises les mêmes thèmes que dans les publications profanes, traités à peu près de la même manière...

Dans ce sens, le multitudinisme expose l'Eglise au risque d'un assujettissement aux pouvoirs civils ou idéologiques. On pense à l'Eglise du Reich au temps du régime nazi et au combat de Dietrich Bonhoeffer ; et à plusieurs Eglises orthodoxes au temps du totalitarisme soviétique et peut-être encore aujourd'hui...

e. Le multitudinisme peut modifier le contenu de ce qui est transmis. Si au catéchisme les deux tiers des enfants ont des parents qui ne sont pas engagés dans la foi, la transmission ne peut pas se faire comme si les enfants ont des parents engagés à la maison et à l'église3. Le risque est de s'acheminer vers un Evangile minimal ou moralisateur. Une fillette a résumé ainsi ce qu'elle a retenu de son année de catéchisme : Le pasteur a dit qu'il fallait être gentil avec ceux qui sont méchants avec nous.

Je crois que l'assemblée 'fait' le message, autant que le prédicateur. On ne prêche pas devant une église de multitude comme devant une église de professants. Pour être compris par tous, il y a des choses que l'on ne dit pas ou que l'on atténue fortement...

f. En multitudinisme, la notion de fraternité est généralement comprise de manière universelle (citoyenne, humaine, etc., comme à Protestants en fête en 2017). Les implications pour ce qui est de la compréhension, de la transmission et de la mise en pratique de l'Evangile sont innombrables. En multitudinisme, on applique volontiers à l'ensemble des hommes ce qui concerne les chrétiens, comme le Aimez-vous les uns les autres de Jean 13, par exemple. C'est un sujet délicat mais d'une grande importance.

De ce fait, la notion de communauté n'est pas facile à concrétiser. Il y a le groupe des actifs qui se réunit souvent, et puis... une assiette sociologique large plus ou moins anonyme... Or, la communauté – non seulement conviviale, mais fraternelle – est une manière de confesser la foi notamment vis-à-vis de ceux du dehors, de ceux qui sont en recherche et qui doivent voir la différence (Jn 13.34-35).

g. Enfin, le multitudinisme risque d'être “anachronique” en période de post-chrétienté : il prépare peu les chrétiens à vivre les situations d'opposition, voire de persécution et, éventuellement, à souffrir à cause de la foi. Or, Jésus et les apôtres évoquent souvent ce risque inhérent à la vocation chrétienne (Mt 5.11-12 ; Jn 15.20 ; Ac 5.40-42 ; 13.49-50 ; Ro 8.17 ; 1 Co 4.12-13 ; 2 Co 4.9 ; 2 Tm 3.12...).

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Comment confesser la foi en multitudinisme ?

Je suggère trois pistes :

1. Maintenir une prédication théocentrique et christocentrique : mettre Jésus-Christ en premier, pas l'Eglise. Les Réformateurs ont fait ainsi.

2. Ne pas éviter la dimension de l'appel à la repentance et à la consécration4.

3. Favoriser les cellules de maison, où chacun peut s'exprimer et grandir.

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Annexe 

Juger / ne pas juger

L'injonction de ne pas juger est souvent entendue pour dire que personne n'a rien à dire sur quoi que ce soit ou sur qui que ce soit. On pourrait en parler longuement. Je veux dire seulement que le même mot (en grec) peut avoir le sens de mépriser, de se mettre à la place de Dieu (ce qu'il ne faut absolument pas faire) ou le sens d'exercer un discernement (ce qu'il faut absolument faire). Juste après avoir dit de ne pas juger, Jésus recommande de ne pas donner de perles aux pourceaux, et d'ôter la paille de l'œil de son frère (après avoir ôté la paille de son propre œil). Nous ne devons pas exercer de jugement à la place de Dieu ; nous devons exercer un jugement de la part de Dieu, ce qui n'est pas la même chose. Cf. 1 Co 6. Cf. le bon grain et l'ivraie, mais le champ c'est le monde.

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Notes :

1Voir en annexe : Juger ou ne pas juger ? Ici, la comparaison avec ce qui se vit dans une maison peut légitimement être faite (1 Tm 3.4-5, 12-13).

2 Cela concerne aussi les conseillers qui, parfois, sont choisis en fonction de leur niveau d'étude et pas nécessairement en fonction de leur maturité spirituelle.

3Cf. Jean-Jacques von Allmen, Pastorale du baptême.

4Une vie transformée par l'Evangile confesse la Foi autant ou plus que bien des paroles.

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