Laïcité : les crispations (2)

3 janvier 2023

La laïcité : principes, crispations, application pratique

L'application pratique ne peut pas aller de soi quand on ne s'est pas d'abord accordé sur les principes, sur la finalité, et quand on n'a pas bien repéré la cause des crispations qui peuvent exister.

2. Pourquoi les crispations ?

a. Le réflexe religieux. Dans Les Nouveaux possédés (1973), Jacques Ellul dit que la société postchrétienne n'est pas devenue areligieuse^¹. Quelle est la situation de la religion dans le monde technicien ? demande-t-il. Elle est plus florissante que jamais.

Le Siècle des Lumières (XVIII^ème) donne le jour à une nouvelle religion, l'humanisme athée ou déiste avec l'avènement de la Franc-maçonnerie, le culte de la déesse Raison et la naissance du Socialisme (1820) qui, avec sa belle générosité, ressemble à une sorte d'Evangile sans Dieu^². Il se pourrait que ce soit là une des causes des crispations.

Lors d'une conférence de presse le président Macron affirme : Il n'y a rien au-dessus de l'être humain^³. Pourquoi dit-il cela ? Qu'est-ce qu'il en sait ? Est-ce son rôle ? Dans une société qui évacue Dieu, l'Etat peu à peu prend la place de Dieu^⁴. On pense aux régimes communistes, nazi, à la Chine, à la Corée du Nord, etc.

La loi de séparation de 1905 est une loi d'apaisement, mais elle est adoptée dans un climat extrêmement conflictuel où les partis se traitent de tous les noms. L'esprit revanchard est toujours à l'ordre du jour (cf. l'anticléricalisme des Libres penseurs).

b. La notion de tolérance, contrairement à ce qu'on pense généralement, n'est pas une idée si généreuse que cela. Les Protestants le savent bien qui ont été au bénéfice d'un édit de tolérance en 1598 (l'Edit de Nantes) qui leur permettait d'exister dans des espaces limités et surveillés. Peu à peu ces espaces se sont rétrécis jusqu'au moment où, pensant qu'il n'y avait plus de Protestants, le roi Louis XIV a révoqué l'Edit de Nantes : les temples ont été détruits et les pasteurs ont dû prendre la fuite ou être tués^⁵. Le mot tolérance suppose un rapport du fort au faible, du légitime au toléré. On est loin des principes d'égalité et de liberté^⁶ ! Mieux vaut le respect que la tolérance !

c. Le clivage public/privé. Si E. Macron se permet de dire qu'il n'y a rien au-dessus de l'être humain, l'instituteur ou l'institutrice peuvent se le permettre aussi. La foi est alors tolérée (!), au même titre que le Petit chaperon rouge : dans l'espace privé, et avec condescendance. Georges Sérignac, grand maître du Grand-Orient de France, parle de conviction privée. Je ne sais pas ce que cela veut dire, ni comment c'est compatible avec la liberté de conscience et la liberté d'expression.

Sans confondre le public et le privé, la dignité d'une personne se démontre par la continuité et la cohérence de ses convictions, en conformité avec sa conscience.

(à suivre)

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Notes :

1Voir l'annexe 2 : Notre société est-elle areligieuse ?

2 Il est sans doute significatif que le socialisme politique en France s'unifie précisément en 1905 sur injonction de l'Internationale, au congrès du Globe, avec la fusion des différents courants socialistes (SFIO).

3https://www.youtube.com/watch?v=8RLel4oO3tY&ab_channel=LeParisien. Pourtant, E. Macron avait affirmé durant sa campagne : Je ne promets ni le bonheur, ni la transcendance. Je laisse cela aux religions. Autrement, ce seraient des projets totalitaires (Journal Réforme, 28 février 2017). Voir l'annexe 3. Omnipotence de l'Etat ?