LA TRANSMISSION DE LA FOI DANS L'EGLISE (1)
La notion biblique de parentalité
Beaucoup pensent qu'il n'est pas facile d'être parents aujourd'hui. Croyez-vous que c'était simple d'être les parents de Caïn et d'Abel, d'Ismaël et d'Isaac, de Jacob et d'Esaü ? Et les parents de Jésus ? Marie dit : Mon enfant, pourquoi as-tu agi de la sorte avec nous ? Voici, ton père et moi nous te cherchions avec angoisse. Et quand l'enfant Jésus leur répond, ses parents ne comprennent pas ce qu'il leur dit(Lc 2.48-50).
Certains pensent que l'erreur de Dieu a été de confier à des êtres humains une tâche aussi difficile que celle d'éduquer des enfants, de faire d'eux des adultes. En réalité, la seule explication de cette difficulté, c'est le péché ! Le péché chez l'enfant, c'est vrai ; le péché dans la société bien sûr, et le péché chez les parents, naturellement. Si nous pouvions nous accorder sur ce constat, nous aurions déjà fait un pas important1.
Lecture : 1 Th 2.7b-8, 11-12. Dans ce passage, l'apôtre Paul (qui n'était pas marié et n'avait pas d'enfant) se compare tour à tour à une maman, puis à un papa, cela pour définir la nature même de son ministère.
1. L'importance de la maison
Dans la Bible, la réalité de la maison revêt une très grande importance.Le cœur vient en premier. Ensuite, c'est la maison. Ces commandements que je te donne aujourd'hui seront dans ton cœur. Tu les inculqueras à tes enfants, et tu en parleras quand tu seras dans ta maison, quand tu iras en voyage, quand tu te lèveras et quand tu te coucheras (Dt 6.6-7). On ne devrait jamais parler de l'église sans évoquer ce qui se vit dans les maisons. Remarquer dans ce passage que la maison n'est pas un lieu clos. Elle ouvre au vaste monde : et quand tu iras en voyage, c'est-à-dire partout !
Souvenons-nous du sang de l'agneau sur le linteau des portes des maisons, en Egypte. Les enfants étaient là. Je lis : Lorsque vos enfants vous diront : que signifie pour vous cet usage, vous direz : (Laisse-moi tranquille, je n'ai pas le temps !)- Non, vous direz : C'est le sacrifice de la Pâque en l'honneur de l'Eternel, qui a passé par-dessus les maisons des enfants d'Israël lorsqu'il frappa l'Egypte et sauva nos maisons (Ex 12.26-27).
On pense aussi à ces paroles de Josué : Moi et ma maison, nous servirons l'Eternel (Jos 24.15). Calvin écrit que chaque maison de chrétiens doit être gouvernée comme une petite église. Doit-on y lire la Bible ou chanter des cantiques du matin au soir ? Non, mais on doit toujours y chercher ce qui plaît à Dieu (1 Th 4.1)2.
L’Eglise n’est pas une réalité située à côté des maisons : l’Eglise est le prolongementdirect de ce qui se vit dans les maisons. Ainsi, je me demande si on peut réellement prier avec l'église, chanter des cantiques et écouter la Parole de Dieu, si on ne l’a pas d’abord fait à la maison, tout seul ou en famille. En famille, cela signifie avec les enfants. Allez, servez l'Eternel ; et vos enfants pourront aller avec vous, dit Pharaon (11.24).
L’écoute, le respect, l’obéissance, le pardon, où cela va-t-il s’apprendre, si ce n’est dans la maison ? La responsabilité, la générosité, l’hospitalité, où cela va-t-il s’exercer d’abord, si ce n’est dans les maisons ? Les dons reçus de Dieu, le devoir partagé, le souci des autres, l'esprit de service, où cela va-t-il se développer en premier, si ce n’est dans la maison ? Pas seulement dans la maison, mais d’abord à la maison3 !
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Le sujet de la maison est délicat pour plusieurs raisons, notamment à cause de la notion de vie privée. C'est ma maison, c'est ma femme, c'est mon mari, ce sont nos enfants... Cela n'est pas faux ! Mais cela pose question cependant.
Dans la Bible, la notion de propriété privée existe bien, mais ce n'est jamais quelque chose d'absolu : le propriétaire est plutôt un gérant responsable de ce que Dieu lui a confié. Il devra rendre compte. Luther le dit joliment : C'est Dieu qui lange l'enfant et lui donne la bouillie, mais il le fait par les mains de la mère. Calvin dit la même chose avec d'autres mots : Dieu met l'enfant dans les bras de la mère et dit : Prends soin de lui de ma part, maintenant. Vous voyez se dessiner la notion de vocation, avec ce qu'elle a de modeste, mais aussi ce qu'elle a de grand.
C'est un peu comme le capitaine d'un navire qui se dit seul maître à bord après Dieu ! Le 'après Dieu' change beaucoup de choses et fait du capitaine un serviteur, finalement : il a une mission à remplir qui dépasse sa propre personne. Il exerce une autorité, mais au nom de quelqu'un d'autre. Autrement dit, je ne fais pas ce que je veux, si je veux, comme je veux4. Je fais ce que Quelqu'un me demande de faire, et je le fais comme il me le demande. Ce Quelqu'un, c'est Dieu5.
Quand Jean Calvin dit queles parents sont comme des pasteurs dans leur maison, il dit exactement cela. Ce n'est pas seulement donner à manger, c'est aussi prendre soin, et c'est aussi diriger, c'est-à-dire donner la direction6.
Je reviens à la notion de propriété privée. Certes, ce n'est pas aux autres de gérer ma maison, mon couple si je suis marié, mes enfants si j'ai des enfants, mon budget, etc. Mais l'opacité qui entoure parfois tout cela pose problème. Je reconnais que c'est une question délicate, mais qui doit être posée.
Aujourd'hui, les pasteurs, les anciens, les diacres ont devant eux des barrières et des sens interdits tous les 3 mètres ; et les prédicateurs restent généralement dans des généralités pour ne pas se faire rabrouer après le culte... Quand on les appelle pour un problème, c'est souvent bien trop tard.
Beaucoup de problèmes dans l'église sont sans solution. Pourquoi ? La cause est dans la maison. C'est comme si une voiture était en panne, mais qu'on ne puisse pas ouvrir le capot du moteur...
Je le redis : une grande partie des difficultés rencontrées dans l'Eglise ont leurs racines dans le vécu au niveau des maisons. C'est dans les maisons que les solutions ou les résolutions doivent être trouvées, bien souvent.
2. Les enfants sont de petits disciples
J'ai dit que le vécu à la maison avait un fort impact sur le vécu de l'église. L'inverse est également vrai. Tout ce qui concerne l'éducation des enfants – à quelques points près – est assez semblable à ce qui concerne le discipulat dans l'Eglise. En un sens, nous en avons un exemple avec ces paroles de Jésus : Le Fils ne fait que ce qu'il voit faire au Père, et tout ce que le Père fait, le Fils le fait pareillement (Jn 5.19).
Ainsi, dans une église qui pratique un vrai et bon discipulat (écoute, respect, esprit de repentance et de pardon, obéissance de la foi, marche dans la lumière, soumission aux autorités, sens des responsabilités, esprit de service, pédagogie des modèles, etc.), il n'est pas vraiment nécessaire de faire de l'éducation des enfants un sujet à part : la chose découlera naturellement du vécu.
En d'autres termes, plus une église sera conséquente dans sa dimension de “communauté de disciples”, plus l'éducation des enfants sera naturelle et féconde7. Ce que les enfants observeront les enseignera, plus que tous les discours. Plus une église s'éloignera de ce modèle, plus l'éducation des enfants sera fastidieuse et aléatoire.
Que peuvent observer les enfants dans la maison, dans l'Eglise ? Est-ce que cela les touche profondément ? Est-ce que cela les enseigne ? Est-ce que cela leur fait envie ? Est-ce qu'ils ont envie d'en parler à l'extérieur ? Est-ce qu'ils peuvent assumer d'être différents ?
Quand nos enfants (ou petits-enfants) vont à l'école, ils peuvent en revenir avec de mauvaises habitudes. Nous pouvons leur dire : Pas dans cette maison ! Vous imaginez, ensuite, un enfant qui, dans la cour de l'école, est capable de dire à ses camarades : Oui, oui, oui, mais là non. Quel témoignage, quel appel aux consciences !
3. Nous sommes tous des pères et des mères
Même ceux qui n'ont pas d'enfant ? Oui. Même les célibataires ? Oui. Ce point est très important. Jésus n'a pas eu d'enfant, mais il dit au paralytique qu'il guérit : Mon enfant... Paul n'avait pas d'enfant, mais il appelle plusieurs fois Timothée : Mon enfant ! et Timothée n'était pas un enfant. Jean n'avait pas d'enfant, mais il écrit plusieurs fois : Petits enfants, je vous écris ces choses... et il n'écrivait pas à des enfants ! Il y a donc une paternité et une maternité qui dépassent le cadre restreint de la famille8.
Déjà, Eve porte un nom qui signifie mère de tous les vivants (Gn 3.20). Abraham n'a eu qu'un héritier, mais il est appelé père d'une multitude (Gn 17.4-5). Dans le cadre de l'Eglise, Paul écrit à Timothée : Ne réprimande pas rudement le vieillard, mais exhorte-le comme un père, les femmes âgées comme des mères (1 Tm 5.1-2). Nos frères et sœurs africains le vivent ainsi.
Autrement dit, chacun de nous peut avoir un ou plusieurs pères ou mères spirituels dans l'église, et peut le devenir pour un ou plusieurs autres. Un enfant de 10 ans qui donne la main à son petit frère ou à sa petite sœur de 6 ans pour traverser la route n'est-il pas en train de développer une sorte de paternité ou de maternité de la part de Dieu ?
Cette illustration avec l'enfant de dix ans rappelle qu'il ne s'agit pas que de paroles : il s'agit surtout d'exemples de vie. Les enfants sont plus observateurs qu'on le pense. En fait, rien ne leur échappe. Surtout, ne trichons pas.
La vocation paternelle et maternelle ne concerne pas seulement ceux et celles qui ont des enfants. En tant que fonction déléguée, elle appartient à tout homme, à toute femme et elle peut commencer à s'exercer très tôt, d'une manière bienveillante qui est le reflet de la bienveillance de Dieu.
Il va de soi, sauf cas particuliers, que personne ne prend littéralement la place des parents directs. Il ne s'agit pas de cela.
Plus une église comprend d'hommes et de femmes qui, quels que soient leur âge et leur statut familial, développent cette dimension paternelle ou maternelle de manière juste, équilibrée (ni déficiente ni excessive), plus l'éducation des enfants sera facilitée, notamment celle des enfants qui vivent avec un seul parent.
Enfin, je poserai cette question : Assurer le rôle que Dieu nous confie devrait-il nous faire peur ou nous faire envie ? Il est normal que cela nous fasse peur, parfois ; mais avec la grâce et avec les promesses de Dieu, cela devrait aussi nous faire envie !
Ch.N.
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Notes :
1Remarquer que c'est la même chose dans les relations souvent difficiles entre les hommes et les femmes, je ne vous apprends rien. Le problème, ce n'est pas l'homme, ni la femme. C'est le péché dans la vie de l'un et de l'autre.
2Voir l'annexe 1 : La maison, un lieu de résistance. Les annexes paraîtront dans la séquence suivante.
3 Il y a un souci familial de Dieu, écrit Henri Blocher. Pour Dieu, la famille est une communauté dans laquelle une contagion de la grâce est possible. La foi qui est en Timothée habita d'abord sa mère et sa grand-mère (2 Tm 1.5).
4Je pense au slogan du Planning familial : Un enfant si je veux, quand je veux.
5Voir l'annexe 2 sur la notion de délégation.
6Voir l'annexe 3. Un père et une mère.
7 Certains aspects, il est vrai, appartiennent en propre à l'éducation des enfants : l'obéissance prompte (Ep 6.1), la répréhension immédiate (Hé 12.9-11), la correction physique (Pr 23.13 ; 29.15).