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Le blog de Charles Nicolas
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  • Dans une société déchristianisée où les mots perdent leur sens, où l'amour et la vérité s'étiolent, où même les prédicateurs doutent de ce qu'ils doivent annoncer, ce blog propose des textes nourris de réflexion biblique et pastorale.
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14 mars 2023

La transmission de la foi dans l'Eglise (2)

 

LA TRANSMISSION DE LA FOI DANS L'EGLISE  (2)

La notion biblique de parentalité

 

Annexes

 

1. La maison, un lieu de résistance

La gestion des écrans est devenu une question majeure aujourd'hui. C'était déjà le cas avec la télévision, mais cela a atteint des proportions inimaginables il y a peu de temps encore, et les conséquences sont importantes1.

Dans son livre Résister au mensonge, Rod Dreher parle de la famille comme d'une cellule de résistance. C'est dans la famille que l'on apprend à aimer l'autre. Pour les plus chanceux, c'est là également que l'on apprend à vivre dans la vérité2. Le relâchement des liens familiaux et du mariage traditionnel nous prive du refuge privé dont disposaient les dissidents anticommunistes. Les chrétiens occidentaux, hélas, ne diffèrent pas tellement des incroyants.

Je le cite encore : Tout le mal ne vient pas de la gauche. Avec l'avancée du consumérisme et de l'individualisme, nous avons construit un écosystème social dans lequel la fonction de la famille a été réduite à produire des consommateurs autonomes, sans aucun sentiment de connexion ou d'obligation à une quelconque réalité supérieure autre que la satisfaction du désir. Les parents conservateurs n'ont pas de mal à repérer dans le discours des idéologues progressistes les menaces qui pèsent sur les valeurs de leur famille, mais ils acceptent souvent sans esprit critique la logique et les valeurs du marché libre, quand ils n'abandonnent pas carrément le cerveau de leurs enfants aux smartphones et à Internet.

Un des chapitres du livre s'intitule : Ne pas avoir peur de paraître bizarre aux yeux de la société. Dans le soft totalitarisme qui vient, les chrétiens devront redoubler d'attention pour la vie de famille. La famille chrétienne traditionnelle n'est pas simplement une bonne idée : c'est une stratégie de survie de la foi par temps de persécution.

Dans ce livre encore, l'auteur, sans dénigrer les églises établies, montre l'utilité, voire la nécessité de vivre aussi la foi dans de petits groupes qu'on pourrait appeler cellules de quartier ou églises de maison. Je le cite : Les chrétiens occidentaux ne courent pas le risque de se voir défendre la pratique de leur religion, mais il est possible et même fort probable que les Eglises institutionnelles et leurs responsables continuent d'être inadaptés au défi de former efficacement leurs fidèles à la résistance. Voilà pourquoi de petits groupes très engagés, comme ceux de l'ère soviétique, sont indispensables.

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2. Le principe de délégation

Quel que soit le sujet que nous abordons, il faut toujours partir de Dieu. C'est la meilleure manière de s'orienter et d'offrir en retour à Dieu ce qui lui revient – c'est-à-dire tout, y compris nos enfants. C'est ce que dit Paul pour conclure la partie doctrinale de sa lettre aux Romains3. C'est aussi ce que nous enseigne le Notre Père. Les Réformateurs ont appliqué ce principe.

Au sujet des enfants, Martin Luther a écrit ceci : « C'est Dieu qui lange l'enfant et lui donne la bouillie. Mais il le fait par les mains de la mère ». Jean Calvin dit la même chose avec d'autres mots : Dieu met l'enfant dans les bras de la mère et dit : Prends soin de lui de ma part, maintenant. Cette parole a une portée immense. Elle dit que tout ce qui est juste et bon, sur cette terre, procède de Dieu. C'est le principe de la grâce ! De Dieu procède « la vie, le mouvement et l'être » (Ac 17.28), mais Dieu confie aux parents les soins dont l'enfant a besoin, depuis les langes et la bouillie jusqu'à l'éducation avec tout ce que cela comprend. Calvin dira cela aussi, avec d'autres mots : « Dieu met l'enfant dans les bras de la mère et lui dit : Prends soin de lui de ma part, maintenant ».

Nous comprenons sans peine ce que cela implique. En un sens, le rôle des parents est second : ils n'ont pas à prendre la place de Dieu. En même temps, ce rôle revêt une très grande importance... parce qu'il est confié par Dieu4 ! Voilà qui est susceptible de nous aider à trouver la juste place, ce qui n'est pas si facile... Voilà qui va nourrir l'attitude de serviteurs et de servantes mandatés : humbles, dévoués, désintéressés (ne cherchant pas leur propre intérêt. Cf. 1 Tm 3.3 ; 1 Pi 5.2-3), persévérants. Tout ne se passe pas sur le registre de l'affection ! Mais cette humilité du service n'amoindrit pas l'autorité légitime, car celui qui est envoyé détient une partie de l'autorité de celui qui l'envoie.

Cette posture distingue l'enfant de ses parents. Mais elle les associe également. Quand le papa ou la maman lisent la Bible aux enfants, le soir, et prient avant d'éteindre la lumière, ils démontrent qu'ils sont en position de responsabilité de la part de Dieu, mais aussi qu'ils sont avec leurs enfants et comme eux dépendants, obéissants et reconnaissants envers Dieu. Ainsi, l'enfant reconnaît que l'autorité des parents n'est pas usurpée : elle est bienveillante et renvoie à une autorité plus grande5.

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3. Un père et une mère

Si possible les deux. Je cite le livre des Proverbes : Ecoute, mon fils, l'enseignement de ton père et ne rejette pas l'instruction de ta mère, car c'est une couronne de grâce pour ta tête (1.8 ; 6.20 ; 23.22, 25). Il y a bien une vocation commune, un mandat commun, un même honneur dus au père et à la mère : Tu honoreras ton père et ta mère (Ex 20.12).

La présence des deux parents apparaît joliment dans le seul récit que nous ayons de l'enfance de Jésus. Jésus a 12 ans. Son père et sa mère sont là, et Luc écrit que Jésus descendit avec eux, et il leur était soumis (Lc 2.51). On voit que la soumission de cet enfant à son père et à sa mère est favorable à sa maturité : Jésus croissait en sagesse, en stature et en grâce, devant Dieu et devant les hommes (2.52).

La présence des deux parents est superbement rappelée aussi par Paul : Enfants, obéissez à vos parents selon le Seigneur, car cela est juste. Puis, il cite le Décalogue : Honore ton père et ta mère (c'est le premier commandement avec une promesse), afin que tu sois heureux sur la terre (Ep 6.1-3).

Certains diront que la Bible décrit des situations idéales... Pas vraiment : les parents de Jésus ont cherché leur enfant de 12 ans pendant 4 jours ! - Oui, mais les deux parents étaient là. C'est vrai. Cependant, il est beaucoup question de veuves et d'orphelins dans la Bible... Pour les situations où un des deux parents est absent (physiquement ou moralement), la notion de maternité et de paternité partagée que nous avons évoquée6, la notion de discipulat qui a aussi été mentionnée, sont des éléments de réponse importants.

La complémentarité. Paul en parle en référence à son propre ministère, en disant que lui, apôtre, a tour à tour été comme une mère et comme un père : De même qu'une nourrice prend un tendre soin de ses enfants, nous aurions voulu, dans notre vive affection pour vous, non seulement vous donner l'Évangile de Dieu, mais encore nos propres vies, tant vous nous étiez devenus chers (1 Th 2.7-8).

Nous entendons les mots qu'il utilise : tendre soin, vive affection, donner nos propres vies. Il s'agit de porter dans les bras, de veiller à ce que rien ne manque en termes de subsistance, de chaleur, d'affection, de soins. On reconnaît le rôle maternel. N'y a-t-il que cela ? Non, mais la maman, par son attention, est garante de cela en premier. Il ne faudrait pas l'oublier...

Trois versets plus loin, le même Paul écrit : Vous savez aussi que nous avons été pour chacun de vous ce qu'un père est pour ses enfants, vous exhortant, vous encourageant, vous conjurant de marcher d'une manière digne de Dieu, qui vous appelle à son royaume et à sa gloire (2.11-12). Remarquons les termes : exhorter, encourager, conjurer, marcher d'une manière digne, c'est-à-dire qui a du poids !

On pourrait dire – de manière schématique – que la mère est du côté des droits, tandis que le père est du côté des devoirs. Tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut les deux. Tout le monde est d'accord pour dire que la mère peut aussi rappeler les devoirs (elle le fait aussi, heureusement) et le père se préoccuper des droits (prendre la défense). Cependant, il sera plus difficile pour la mère d'assumer la responsabilité du père et moins aisé pour le père d'assumer celle de la mère.

Faut-il ajouter que les deux parents devraient être accordés dans leur similitude et dans leur différence, en fonction de leurs vocations et de leurs personnalités ? Les droits de l'enfant comme ses devoirs vont forger sa personnalité et sa maturité.

La carence de paternité. Tout le monde est d'accord pour reconnaître que l'être humain, par nature, est davantage soucieux de ses droits que de ses devoirs, et que notre époque l'est peut-être plus que toute autre. Ce n'est pas sans rapport avec la "féminisation des pratiques", ou encore le réflexe de “victimisation” qu'on observe actuellement. Cette féminisation, cette victimisation, ont pour arrière-plan l'humanisme qui conçoit le monde sans Dieu, c'est-à-dire sur un plan strictement horizontal7.

Mangeons et buvons... Cela donne une impression de liberté pendant un moment, mais les carences sont considérables. Par exemple, comment l'enfant va-t-il répondre au commandement biblique d'obéir à ses parents si les parents ne font que dialoguer avec lui et ne donnent jamais d'ordres ?

On a interrogé à ce sujet Aldo Naouri: Nous vivons dans une société qui manque de pères et c’est la cause du désarroi actuel [des enfants]. Sous prétexte du rejet de l’antique 'Pater Familias', l’autorité paternelle est aujourd’hui battue en brèche (...). Les pères préfèrent plutôt endosser un rôle de copain à l’égard de leurs enfants. Leur positionnement de mère est encouragé par notre société de consommation. Celle-ci crée sans cesse de nouveaux besoins et nous incite chaque jour à les satisfaire (...). De ce fait notre société est devenue très maternante (...) Si l’on veut s’en sortir, il faut que les pères réintègrent leur place afin que les enfants, moins maternés, apprennent à composer avec l’adversité et la non-satisfaction (...) Aujourd'hui, le père est paumé : il n'a plus de statut, il est une mère de substitution.

Le principe de réalité, dans la Bible, est très clair : La folie est attachée au cœur de l'enfant ; la baguette de la correction l'en délivrera (Pr 22.15). Du mot 'correction', nous n'avons retenu que la dimension négative ; et pourtant... Qu'advient-il si on ne corrige pas ce qui dévie ? C'est pourquoi le livre des Proverbes dit aussi : "Le Seigneur réprimande celui qu'il aime, tout comme un père le fils qu'il chérit" (3.12). Pourquoi ? Parce que celui qui ne corrige pas ment, faisant croire qu'il n'y a pas de conséquences, que tout revient au même, ce qui est faux.

Nous lisons dans la lettre aux Hébreux : Mon fils, ne méprise pas la correction du Seigneur, ne te décourage pas lorsqu'il te reprend. Car le Seigneur corrige celui qu'il aime, il châtie ceux qu'il reconnaît comme ses fils... Nous avons eu des pères terrestres pour éducateurs, et nous nous en sommes bien trouvés. Nos pères terrestres nous corrigeaient pour un temps ; Dieu nous corrige pour notre profit, en vue de nous communiquer sa sainteté. Toute correction, sur le moment, ne semble pas un sujet de joie, mais de tristesse. Mais plus tard, elle produit chez ceux qui ont été ainsi exercés un fruit de paix et de justice(Hé 12.5-11).

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4. La niche sensorielle

Dans son livre :La nuit, j'écrirai des soleils (Odile Jacob, 2020), le neuropsychiatre Boris Cyrulnik explique que pour se développer, l'enfant a besoin d'un environnement favorable, rassurant, qu'il appelle la niche sensorielle.

Dans nos sociétés occidentales, cette niche est finalement très restreinte, avec les deux parents et les enfants. Si un des deux parents vient à manquer, la carence est presque inévitable.

Dans les cultures asiatiques ou africaines, la niche sensorielle est plus étendue, comprenant les oncles et tantes et parfois une partie de la tribu. Qu'un des parents vienne à manquer, la carence sera beaucoup moins douloureusement ressentie.

Le fait que les parents de Jésus aient marché toute une journée avant de s'apercevoir que leur enfant de 12 ans n'était pas avec eux semble montrer qu'au Proche-Orient, la 'niche sensorielle' était aussi assez large. Cela n'empêche pas de lire que Jésus était soumis à ses deux parents (Lc 2.51).

Cette observation va dans le sens de ce que j'ai appelé une parentalité partagée : dans la communauté (ecclésiale), tout homme a une certaine vocation paternelle, même s'il n'est pas père, et toute femme a une certaine vocation maternelle, même si elle n'est pas mère.

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Notes :

1file:///C:/Users/Client/Documents/TEXTES/MI-TEMPS/MI-TEMPS-2023/10-EEL-Castres-LeNum%C3%A9rique/Joudes/LaHouletteSpi/Gestion%20des%20e%CC%81crans,%20quelques%20pistes.pdf

2Sur la capacité de résistance, on peut voir le film Une vie cachée (2021).

https://www.youtube.com/watch?v=o8NT2u14eiE&ab_channel=UGCDistribution

3« Tout est de lui, par lui et pour lui. A lui la gloire dans tous les siècles ! Amen ! » (Ro 11.36). Cette vision diffère de celle de l'humanisme pour lequel tout est “de l'homme et pour l'homme”.

4Les parents sont en quelque sorte les lieu-tenants de Dieu. De ce fait, ils ne devraient pas trop facilement déléguer à d'autres ce que Dieu leur confie... Cf. L'Association Vaudoise de Parents Chrétiens.

5Ce principe est 'créationnel' et relève de la grâce générale : il s'applique même en dehors du peuple de Dieu.

Je recommande la lecture avec les enfants de La Bible racontée aux enfants, d'Anne de Vries, dont le texte est d'une très grande qualité. La lecture du livre des Proverbes est également très riche pour la lecture en famille. Le culte de famille a forgé des générations de chrétiens.

6Voir l'annexe 4 sur la niche sensorielle.

7 Je recommande le livre de Larry Crabb, Le silence d'Adam. Devenir des hommes de courage dans un monde chaotique. Ed. La Clairière, Québec, 1993, 2003.   

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