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Le blog de Charles Nicolas
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  • Dans une société déchristianisée où les mots perdent leur sens, où l'amour et la vérité s'étiolent, où même les prédicateurs doutent de ce qu'ils doivent annoncer, ce blog propose des textes nourris de réflexion biblique et pastorale.
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11 janvier 2023

Laïcité : annexes 8 à 10 (7)

 

 

La laïcité : principes, crispations, application pratique


L'application pratique ne peut pas aller de soi quand on ne s'est pas d'abord accordé sur les principes, sur la finalité, et quand on n'a pas bien repéré la cause des crispations qui peuvent exister.

 

Annexes 8 à 10

 

8. La loi sur les séparatismes

Comment les organisations représentatives des cultes vivent-elles le projet de loi « confortant le respect des principes de la République », la réponse législative du gouvernement contre le séparatisme ? Assez mal à en juger par leurs représentants, qui ont fait part de leurs craintes lors de leur audition le 27 janvier 2021 par les sénateurs.

La Fédération protestante « n’aurait jamais imaginé devoir défendre la liberté de culte » en France !

Auditionnée fin janvier par la commission des lois du Sénat en amont de l’examen du projet de loi confortant les principes républicains, la Fédération protestante de France (FPF), par la voix de son président François Clavairoly, avait émis de grandes inquiétudes sur les dispositions et les nouvelles contraintes du projet de loi confortant les principes républicains.

La loi renforçant le respect des principes de la République est également pointée du doigt par le Conseil National des Evangéliques de France (CNEF) qui évoque un « passage vers une ‘laïcité de surveillance’ des cultes qui pourrait atteindre à la liberté de religion ». L’organisation évangélique recommande d’alléger certaines mesures de cette loi qui pèsent « en ressources humaines et financières sur les associations qui exercent un culte public ».

Le CNEF et ses partenaires dénoncent également » la suspicion des pouvoirs publics à l’égard des cultes » qui se dévoile, selon eux, « par des prises de paroles publiques de responsables politiques, élus ou membres du gouvernement ». Ils recommandent de veiller à une parole publique plus respectueuse, et surtout, qui n’alimente pas le sentiment antireligieux.

La place de la liberté de religion dans les politiques liées à la jeunesse fait partie des faiblesses pointées par le rapport, notamment en ce qui concerne l’enseignement du fait religieux dans le cadre scolaire.

Le déclin du pluralisme de convictions, notamment religieuses, en France est aussi mis en lumière dans le rapport. Le CNEF estime qu’il est menacé « par une forme de culture dominante dans laquelle l’expression d’opinions minoritaires devient de moins en moins acceptée ou possible ».

Les croyants « ne doivent pas craindre » d’exprimer leurs opinions religieuses « en public ou en privé », poursuit l’organisation évangélique.

Dans un communiqué commun du 12 octobre 2022, l’association "Coexister" et "l’Institut de Recherche et d’Étude de la Libre pensée" rappelaient leurs engagements communs en faveur de la liberté de conscience et de la laïcité, telles que formulées par la loi de 1905. Les deux associations expriment leurs vives inquiétudes concernant les limitations apportées à la liberté d'association par les Contrats d'Engagement Républicain.

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9. Une loi, plusieurs positionnements

Au début du XXème siècle, deux figures illustrent ce clivage : la première est celle d'Aristide Briand (1862-1932), député socialiste, président du Conseil et ministre sous la Troisième République. Il est l'initiateur et le rapporteur de la loi de séparation de 1905. Son pragmatisme et son talent de négociateur ont permis une application mesurée et un accord de fait entre la République laïque et une partie du clergé français. Le 22 mars 1905, lors de la présentation du projet de loi à la chambre des députés, Aristide Briand déclara :Dans ce pays où des millions de Catholiques pratiquent leur religion les uns par conviction réelle, d’autres par habitude, par traditions de famille -, il était impossible d’envisager une séparation qu’ils ne puissent accepter.Ce mot a paru extraordinaire à beaucoup de républicains qui se sont émus de nous voir préoccupés de rendre la loi acceptable.[…] Nous n’avons pas le droit de faire une réforme dont les conséquences puissent ébranler la République.

Emile Combes (1835-1921), sénateur radical-socialiste, deviendra président du Conseil et ministre. Déiste, il mènera une politique fortement anticléricale qui contribuera à façonner la loi de séparation de 1905 et l'école laïque en France. Tout en finissant par se rallier à la Loi de séparation,Emile Combes n'était pas véritablement opposé au Concordat napoléonien (1901-1905) qui plaçait l'Eglise sous la tutelle de l'Etat : il estime avoir besoin d'un instrument de pression sur le clergé. Symbole de la politique anticléricale et prologue à la séparation de l'Église et de l'État, l'expression « combisme » s'impose dans le vocabulaire politique d'alors.

Tels sont les deux principaux inspirateurs de la loi de 1905. Aristide Briand veut une loi libérale, qui ne soit ni indifférente ni vexatoire à l'égard des consciences, dans un but de conciliation, après 25 ans d'affrontements violents. Le philosophe des Lumières Baruch Spinoza (1632-1677), dans son Traité théologico-politique, utilise à maintes reprises le verbe latin accommodare, pour préserver la paix de la République. Loin de cette position, Emile Combes sera obligé de démissionner le 18 janvier 1805 après l'affaire des Casseroles : il s'agissait d'un réseau de fichage des officiers catholiques sur la base de leurs convictions philosophiques et religieuses. Révélé par la presse, le scandale sera immense.

On peut citer également Ferdinand Buisson (1841-1932), co-fondateur de la Ligue des Droits de l'Homme (1898), président de la Ligue de l'Enseignement, militant pour l'Ecole laïque et Franc-maçon. En 1905, il préside la commission parlementaire qui rédige le texte de la loi de Séparation. Il revendique une 'Foi laïque' : ce qui peut paraître comme un oxymore revêt un sens profond, cette religion (au sens du lat. religare, relier) lie les hommes entre eux et est ainsi composée : « Morale, art et science, voilà la substance même de la religion de l’avenir » (Buisson). Le philosophe Vincent Peillon a fait revivre la pensée de Buisson dans un livre de 2010, et voit dans la foi laïque de Buisson « une religion pour la République ».

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10. Laïcité et sécularisation

Il y a sans aucun doute un lien entre ces deux notions qui, cependant, ne doivent pas être confondues.

La laïcité est un principe de séparation entre l'Etat et le religieux, un principe de non-ingérence, un principe d'égalité devant la loi et un principe de liberté : liberté de conscience, de culte et d'expression de ce qu'on croit.

La sécularisation est une évolution sociétale qui voit se retreindre l'influence de la religion dans les mentalités, les mœurs et les institutions, quelles que soient les raisons de ce recul d'influence.

Dans son livre Comment être chrétien dans un monde qui ne l'est plus ? (Artège, 2017), Rod Dreher mentionne plusieurs causes de la sécularisation en Occident :

- la Réforme du XVIème siècle introduit l'émancipation d'une partie de l'Eglise, mais aussi (progressivement) du politique et de la démarche scientifique vis-à-vis de l'institution romaine ;

- les Lumières, à la fin du XVIIème et au XVIIIème siècles, accentueront cette émancipation, réduisant Dieu au Grand Horloger ou à l'Etre suprême, compatible avec le primat de la raison humaine. Dès lors, le religieux tend à être relégué à la sphère privée ;

- la Révolution française (fin du XVIIIème) promeut la démocratie avec son exigence de liberté sur un fondement humaniste : l'Homme est le commencement et la fin de toutes choses.

- le Romantisme (XIXème s.) tend à corriger le rationalisme froid et désincarné des Lumières en cherchant des échappatoires dans l'art, la nature, la culture ;

- l'essort scientifique et industriel du XIXème siècle provoque un bouleversement du mode de vie, avec l'exode rural, etc.

- des chercheurs, philosophes, écrivains (Darwin, Nietzsche, Renan, Marx, Freud...) combattent de plus en plus ouvertement l'idée de Dieu ;

- le Socialisme, qui tient lieu d'Evangile sans Dieu, et qui nourrira une forme d'espérance dans le cœur de beaucoup.

L'hebdomadaire catholiqueLa Viea publié récemment un article qui évoque l'inculture des hommes et femmes politiques sur les questions religieuses. On y lit cette citation du député de Toul, Dominique Potier : Quand l’esprit des grandes spiritualités et la connaissance du fait religieux s’effacent, il n’y a plus de barrages au retour de l’idolâtrie et de la confusion.

On l'avait remarqué.

Dans ce contexte, on peut et on doit rappeler que la laïcité n'est pas une opinion : elle est un principe républicain défini par des lois. Il n'empêche que les clivages ne cessent de se manifester, paisiblement ou pas, portés par des a priori et des visions du monde qui ne sont pas accordés.

Charles NICOLAS

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