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Le blog de Charles Nicolas
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  • Dans une société déchristianisée où les mots perdent leur sens, où l'amour et la vérité s'étiolent, où même les prédicateurs doutent de ce qu'ils doivent annoncer, ce blog propose des textes nourris de réflexion biblique et pastorale.
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29 décembre 2023

L'Archipel du Goulag

Un peu de sel, s'il vous plaît

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55. L'Archipel du Goulag

 

Ecrit entre 1958 et 1967 dans la clandestinité par l'écrivain Alexandre Soljenitsyne, L'Archipel du Goulag est publié (en 3 tomes) en 1973, il y a exactement 50 ans ce 28 décembre 2023. J'avais 15 ans et je me souviens très bien des visites d'un ami de mon père qui en parlait et en lisait de larges extraits avec une sorte de passion. Pour la petite histoire, c'est ce même ami qui nous informait de la réouverture de la Faculté de théologie réformée d'Aix en Provence, en septembre de la même année. Je devais y entrer comme étudiant deux ans plus tard.

Alexandre Soljénitsyne a lui-même vécu pendant 9 ans dans un camp de travail de l'ex-URSS, mais ce livre n'est ni une autobiographie ni une étude historique du Goulag. C'est plutôt un descriptif, à partir du témoignage de 227 ex-internés, du système concentrationnaire qui, de 1917 à 1953 (la mort de Staline) a touché entre 15 et 18 millions de personnes dont un grand nombre y sont morts. Pire que le servage du temps des stars ? Largement pire, affirme Soljenitsyne.

J'avais déjà lu Une journée d'Ivan Denissovich (qui relate l'expérience de Soljenytsine dans le camp d'Ekibastouz) et Le Pavillon des cancéreux. Il se trouve que je suis en train de lire une édition abrégée (qui compte quand-même 900 pages) de l'Archipel du Goulag. Je livre quelques trop courts extraits.

Nous ne faisons pas la guerre à des individus. Nous exterminons la bourgeoisie en tant que classe. Au cours de l'instruction, ne cherchez pas à établir par des preuves concrètes que l'accusé s'est opposé aux soviets par des paroles et par des actes. La première question que vous devez poser concerne la classe sociale à laquelle il appartient, ses origines, son éducation, les études qu'il a faites ou la profession qu'il exerce. Ce sont ces questions qui doivent décider de son sort. Le sens et l'essence de la terreur rouge sont là (Journal La Terreur rouge, 1er nov. 1918).

Lorsque nos compatriotes eurent appris par la BBC que l'existence des camps de concentration dans notre pays remontait à 1921, beaucoup d'entre nous (beaucoup d'Occidentaux aussi) furent sidérés : si tôt ! cela se peut-il ? dès 1921 ! est-il possible ? Bien-sûr que non! En 1921, ils fonctionnaient déjà à plein régime, nos camps de concentration. Réfléchissons. Prendre du retard en matière de prison était une chose rigoureusement impossible. Une note de 1918 prescrit de ''protéger la république des Soviets contre ses ennemis de classe en isolant ces derniers dans des camps de concentration''.

Dans notre existence confortable et aveugle, nous imaginons les condamnés à la peine capitale comme des individus isolés , peu nombreux et victimes de la fatalité. D'instinct, nous croyons que nous, en tout cas, jamais nous ne pourrions nous retrouver dans une cellule de condamné à mort. Aussi allons-nous devoir secouer sérieusement notre cervelle pour comprendre que par ces cellules est passée une multitude de gens tout à fait modestes, arrêtés pour des actions tout ce qu'il y a de plus ordinaire, et que peu d'entre eux furent graciés.

Les chrétiens constituent leur détachement principal. Rugueux, peu instruits, incapables de parler du haut d'une tribune ni de rédiger un appel clandestin, ils partaient pour les camps, au devant du martyr et de la mort, uniquement pour ne pas devoir renier leur foi ! Ils savaient parfaitement pourquoi ils y étaient et demeuraient inébranlables dans leurs convictions ! Ils sont les seuls et uniques, peut-être, sur lesquels n'a pas pris la philosophie ni même la langue des camps. Ne sont-ce pas des politiques ? Ah non, on n'irait pas les traiter de racaille ! (…) Ces chrétiens furent une multitude – convois et charniers –, mais qui comptera ces millions ? Ils ont péri dans l'obscurité, n'éclairant, comme une chandelle, que leur immédiate proximité. C'étaient les meilleurs chrétiens de la Russie. Les moins bons ont tous tremblé, renié, ou se sont tapis.

Certaines brigades ont disparu tout entières, brigadiers compris. A l'automne 1941, le Petchorlag (camp ferroviaire) avait sur ses listes d'effectifs cinquante mille prisonniers, et au printemps 1942, dix mille. Durant cette période, aucun transfert n'a quitté le camps : où donc sont passés les quarante mille manquants ?

Les crevards qui montent la garde, en surveillant jalousement leurs concurrents, près du perron de la cuisine, attendent qu'on porte les déchets à la fosse aux ordures. On les verra se ruer, se battre, chercher une tête de poisson, une arrête, des épluchures de légumes. (...) On verra un répartiteur 'socialement proche' à la grosse gueule tirant par les pieds un détenu de son châlit pour qu'il aille au rassemblement, mais l'autre est déjà mort, sa tête heurte le sol. ''il est crevé, la charogne ! ''. (…) Il y a une libération anticipée qu'aucune casquette bleue ne peut enlever au prisonnier. Cette libération, c'est la mort.

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Je n'en suis qu'à la page 495. Je ne vais pas commenter cela. Chacun peut y songer tout seul et repérer les similitudes qui, toutes proportions gardées, peuvent exister avec notre époque dite moderne.

Je conclue cette brève chronique avec ces quelques lignes encore, de Soljenitsyne : Que chacun se dise bien qu'il n'existe aucun lieu sur la terre où ces choses ne puissent pas arriver. [...] Oui, tu as été mis en prison pour rien, tu n’as pas à te repentir vis-à-vis de l’État, ni de ses lois. Mais vis-à-vis de ta conscience ? Mais vis-à-vis d’un tel ou d’un tel ? […] Ô Dieu de l’univers ! J’ai de nouveau la foi ! Moi, je T’avais renié, et Tu ne m’as pas fui ! […] Bénie sois-tu prison, béni soit le rôle que tu as joué dans mon existence ! 

Ch. Nicolas, 28 déc. 2023

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Commentaires
C
"Ils ont péri dans l'obscurité, n'éclairant, comme une chandelle, que leur immédiate proximité. C'étaient les meilleurs chrétiens de la Russie. Les moins bons ont tous tremblé, renié, ou se sont tapis."<br /> <br /> C'étaient les meilleurs chrétiens de la Russie. Voilà une déclaration qui m'interpelle et que j'essaie de comprendre dans son contexte. Dieu interpelle donc à lui en premier "les meilleurs". A eux, en premier, la délivrance de l'enfer fabriqué de toute pièce par les hommes, pour être enfin accueillis dans le Paradis. En lisant ces lignes de Soljenitsyne, on comprend que les temps que nous vivons nous, où la méchanceté et la cruauté humaines le disputent au mensonge et à la propagande, à l'immoralité aussi, notre fidélité au Seigneur, à sa loi et à son Évangile, peuvent nous attirer de grands ennuis. Mais le Christ veut nous rassurer: notre délivrance sera d'autant plus glorieuse que nous aurons persévéré dans Sa fidélité (la sienne plus que la nôtre).
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C
En effet.
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D
C'est étonnant ça ! Je suis justement en train de lire ce livre. J'avoue être obligée de faire des pauses tant ces histoires heurtent ma sensibilité. <br /> <br /> Je réalise à quel point l'être humain peut être cruel, mais aussi vil et lâche et je prie que le seigneur fortifie ses enfants.<br /> <br /> On aimerait se dire que ça c'était il y a longtemps mais non en fait! Et comme l'histoire se répète...!
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