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Le blog de Charles Nicolas
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  • Dans une société déchristianisée où les mots perdent leur sens, où l'amour et la vérité s'étiolent, où même les prédicateurs doutent de ce qu'ils doivent annoncer, ce blog propose des textes nourris de réflexion biblique et pastorale.
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4 juin 2020

Se préparer pour prêcher (2)

 

1er cours

I. LE PREDICATEUR

1. Exercice

Tracer une ligne droite verticale au milieu d'une feuille de papier. Dans la colonne de gauche, inscrire les caractéristiques d'une mauvaise prédication, puis les effets, les conséquences. Faire de même dans la colonne de droite avec une bonne prédication.

 

2. Le prédicateur et la prédication

Il existe deux écoles à ce sujet. L'école calviniste dit que la puissance réside essentiellement dans la Parole de Dieu fidèlement transmise. Si un incroyant annonçait un jour un message fidèle à l'Ecriture, ce message pourrait transformer le coeur des auditeurs. L'école méthodiste affirme, quant à elle, qu'un prédicateur ne pourra jamais amener ses auditeurs plus loin que là où est est parvenu lui-même. Si le prédicateur est brisé, son message occasionnera le brisement ; si le prédicateur voit la sainteté et la gloire de Dieu, ses auditeurs les verront également. Sans aucun doute ces deux écoles disent vrai l'une et l'autre.

Voici ce qu'écrit, au XIXème siècle, Edward McKendry BOUNDS, homme de prière et prédicateur méthodiste1 : "Nous sommes sous une tension perpétuelle pour trouver de nouvelles méthodes, de nouveaux plans, de nouvelles organisations pour faire avancer l'Eglise de Christ et assurer une multiplication et une efficacité plus grandes à l'Evangile. Pendant que l'homme cherche de meilleures méthodes, Dieu cherche de meilleurs hommes. "Il y eut un homme envoyé de Dieu : son nom était Jean". Cette vérité urgente et vitale est l'une de celles que cet âge mécanique oublie très facilement. Son oubli est aussi pernicieux pour l'oeuvre de Dieu que le serait le déplacement du soleil dans son orbite : les ténèbres, la confusion et la mort s'ensuivraient. Ce dont l'Eglise a besoin aujourd'hui, ce n'est pas : plus de mécanique ou de meilleurs outils, non plus que de nouvelles organisations ou de nouvelles méthodes ; mais elle a besoin d'hommes dont le Saint-Esprit puisse se servir, des hommes de prière, des hommes puissants dans la prière. Le Saint-Esprit ne se répand pas au travers des méthodes, mais au travers des hommes. Il ne vient pas oindre la mécanique, mais les hommes. Il ne revêt pas les plans, mais les hommes, les hommes de prière".

Nous ne pouvons qu'être sensibles à ce discours. La prédication n'est pas d'abord le fruit d'un travail de bureau, elle est le fruit d'une marche docile et courageuse avec Dieu.Elle est un témoignage vécu de ce que Dieu a dit.

 

3. Quatre exégèses

a. L'exégèse est l'étude attentive d'un texte pour en comprendre au mieux le sens. C'est une part importante du travail de préparation si je ne veux pas prêcher n'importe quoi. Nous y reviendrons. Mais aussi importante soit-elle, cette étape ne suffit pas.

b. Il y a aussi, pour le prédicateur, l'exégèse de son propre coeur. Qu'est-ce qui y est clair, qu'est-ce qui y est obscur, en chantier, en bataille, en refus d'entendre ce que Dieu dit. Tout cela va impacter grandement la prédication. Il ne s'agit pas pour le prédicateur d'être parfait, il s'agit de marcher dans la lumière, d'écarter toute dissimulation, d'être vrai. Il s'agit du travail de Dieu dans le coeur et la vie du prédicateur. En réalité, c'est cela qui va se voir et s'entendre surtout.

c. Il y a encore l'exégèse de l'assemblée qui écoute. La prédication, en effet, n'est pas une simple étude de texte, aussi bien faite soit-elle. La prédication est la présentation de la pensée révélée par Dieu dans un passage biblique donné, dans un lieu donné, à un moment donné, c'est-à-dire aux personnes qui sont ici maintenant et non à d'autres (Ro 13.11)2.

d. Il y a enfin, l'exégèse "du temps dans lequel nous sommes", pour reprendre l'expression de Paul (Ro 13.11). Ce temps, c'est le contexte culturel et idéologique dans lequel nous vivons, avec les idôles, les séductions, les pressions, les intimidations qui sont les siennes, véhiculées tous les jours par les médias, notamment. Notre prédication n'est pas idéologique ou militante ; elle est néanmoins incarnée et prend en compte les défis et les enjeux du moment.

La manière de communiquer dépendra grandement de la qualité de ces exégèses : le choix des mots, l'expression du visage, de la voix, les illustrations, les implications... Le secours de l'Esprit est sollicité pour chacun de ces aspects. En sommes, le prédicateur va-t-il éclairer le sens du texte ou le rendre plus confus ? Va-t-il encombrer l'esprit des fidèles ou va-t-il les aider à avancer ?

 

4. L'humilité et le courage

a. L'humilité. L'Encyclopédie du Protestantisme3 dit : "En tradition protestante, la prédication consiste en une lecture actualisée d'un passage de l'Ecriture". Le mot 'lecture' dit l'humilité du prédicateur, la sobriété, la retenue. Pas de bavardages, pas de légèreté, pas de mots inutiles. Parfois, une simple lecture du texte biblique, bien faite, suffirait semble-t-il, comme au temps d'Esdras (Né 8.3, 9).

Paul dit être dans une faiblesse extrême quand il prêche (1 Co 2.1ss), n'usant d'aucun artifice de sagesse humaine, de telle sorte que la foi des auditeurs s'appuie entièrement et seulement sur Dieu4. Ailleurs, il se présente comme le premier des pécheurs5 (1 Tm 1.15). Ailleurs, il demande qu'on prie pour lui pour qu'il puisse ouvrir la bouche avec hardiesse (Ep 6.19). Dans ce sens, l'excès d'assurance ou d'autorité ne convient pas. Paul parle de mesure (2 Tm 1.17)6.

b. Le courage. Il faut en même temps passer beaucoup d'obstacles pour oser se présenter devant une assemblée et apporter la parole de Dieu : choisir le texte, choisir la pensée qu'on doit retenir, choisir la manière de la présenter, choisir les illustrations, choisir les implications pratiques, sans égard pour personne et en ayant égard à tous. Dans ce sens, la timidité ne convient pas (2 Tm 1.7). Ecarter les motivations ambigües (1 Th 2.3), dépasser de multiples craintes, tout cela peut prendre des heures. En un sens, cela prend toute la vie.

Prêcher nécessite une écoute docile. Prêcher implique aussi un travail assidu (Ac 6.4 ; 1 Tm 4.16 , 5.17) qui exige une réelle disponibilité.

c. Une autre disposition accompagne les deux précédentes : le désintéressement. Cela ne signifie pas que l'on ne s'intéresse pas à ce que l'on fait, mais qu'on ne le fait en aucun cas dans la recherche d'un intérêt personnel (1 Tm 3.3 ; 1 Pi 5.2 ; Jc 2.1-4).

 

5. Solitude et communauté

a. En un sens, celui qui prêche est seul : une mission lui est confiée, il ne peut se dérober. Seul devant Dieu, seul devant le texte, seul devant l'assemblée.

Jésus a commencé son ministère au désert et son enseignement a été ponctué par de nombreux moments de solitude. Cela était nécessaire. Celui qui ne sait pas être seul (Mt 6.6 ; 14.23), quelle sera sa prière, quelle sera sa maturité, qu'aura-t-il à dire ?

De même, ceux qui écoutent seront invités également à être "seuls devant Dieu", oubliant tout le reste, "entrant en eux-mêmes" comme le fit le fils prodigue (Lc 15.17). Cette solitude, c'est le contraire de la distraction, de la comédie, des faux raisonnements.

b. En même temps, celui qui prêche parle au nom de Dieu et au nom de l'assemblée7. Dieu est avec lui, le premier concerné ; l'assemblée est (normalement) avec lui, participante, partie prenante. Le prédicateur n'est qu'un envoyé, un serviteur. Il n'est donc pas seul. Ce qu'il dit n'a pas à être original ou particulier : il dit ce que l'assemblée devrait dire elle-même et qu'elle redira après lui. Il ne fait que le rappeler à un moment donné, le plus clairement possible. Il rafraîchit la mémoire !

Les chrétiens auditeurs n'imaginent généralement pas à quel point la qualité du message dépend d'eux aussi. La consécration du prédicateur est capitale ; celle de l'assemblée tout autant. Selon le cas, le prédicateur a devant lui un mur, des broussailles ou un chemin.

 

6. Quelle autorité ?

a. Le principe d'autorité, dans la Bible, est lié au principe de délégation, comme le montrent les paroles du centenier de Luc (7.7-8). Le prédicateur ne s'est pas envoyé lui-même. Il est appelé à accomplir une tâche : par le Seigneur, par l'assemblée. C'est là le double fondement de sa légitimité, de son autorisation, de son autorité. Il peut parler avec une certaine autorité (ce qui n'implique pas de parler avec un esprit de supériorité) car il ne le fait pas de sa propre initiative : il accomplit une mission. C'est pour cette raison que Jésus parlait "avec autorité" (Mt 7.28-29), sans chercher à plaire, sinon à Celui qui l'avait envoyé (Ga 1.10 ; Ep 6.6 ; 1 Th 2.4 ; 2 Tm 2.4).

b. Le degré d'autorité est lié au degré de soumission et de fidélité. Autrement dit, personne ne peut s'attribuer lui-même tel ou tel niveau d'autorité. Ce sont les autres qui le reconnaissent. L'aventure des fils de Scéva (Ac 19.13ss) le démontre : on peut tromper les hommes, mais pas les démons. L'autorité est compatible avec l'humilité8.

c. La notion d'autorité, contrairement à ce qui est généralement perçu, est donc liée à celle de service. Jésus est venu "non pour être servi mais pour servir" (Mt 20.28). La notion de service rend l'autorité pure et bienveillante. Jésus est décrit par Esaïe comme le Serviteur souffrant (Es 53). Matthieu précise : "Pour donner sa vie en rançon" (20.28). La notion d'autorité inclut celle de sacrifice : l'importance de la mission et l'intérêt des bénéficiaires priment sur le confort et même sur la vie de l'envoyé. C'est ce que Jésus a vécu.

d. Personne ne s'attribue telle ou telle autorité lui-même. Par contre, chacun devrait évaluer sa réelle autorité et parler en conséquence. Il est préférable de ne pas se dévaluer soi-même, ni de se sur-évaluer. Si mon autorité est à 3, je dois parler au niveau 3, c'est-à-dire avec mesure, avec précautions. Si mon autorité est 7, je peux m'exprimer d'une manière un peu différente. L'humilité est de mise dans tous les cas.

 

7. La délivrance du message

1. La manière. Calvin a déclaré dans son discours d’adieu aux pasteurs de Genève : « Je me suis toujours exercé à la simplicité ». Le prédicateur ne devrait pas se servir de la prédication pour faire étalage de son érudition. Partagez les fruits, et non la sueur de votre travail ! Tous devraient comprendre le message, y compris les enfants.

2. La voix. Pour régler le volume, adressez-vous à ceux qui sont au dernier rang. Veillez à ne pas baisser le volume en fin de phrase. Certaines personnes sont malentendantes : elles devraient entendre correctement chaque mot sans avoir à faire un effort. L’utilisation du micro ne vous autorise pas à parler à voix basse.

3. Le rythme. Il est très important de varier le rythme : certaines personnes ont tendance à parler trop lentement, d’autres trop rapidement. Apprenez à utiliser les silences pour mettre en valeur vos réflexions. Parler trop vite parce qu'on a trop de choses à dire n'est pas une bonne manière de servir.

4. La gestuelle.Des études ont montré que l’on communique autant par les gestes (la posture physique) que par les paroles. Laissez votre visage exprimer ce que vous ressentez. Le contact visuel est très important. L’orateur qui ne regarde pas les gens dans les yeux est jugé distant. C’est pourquoi il est déconseillé de lire sa prédication.

5. Les supports de prédication9 :

- Sermon entièrement rédigé : lu ou restitué de mémoire10. Les mots-clés sont soulignés en rouge, les phrases-clés colorées en jaune. Le prédicateur ne lit pas son message.

- Sermon partiellement rédigé : le plan, les idées clés, les illustrations, les applications. Votre véritable allié : les mots-clés ou les phrases-clés qui définissent clairement le sujet du message, le ou les points retenus et le but !

Un bon test consiste à vous demander, avant de prêcher, si vous avez vous-même une idée claire du sujet et de son application. Cela est élémentaire.

6. La longueur de la prédication. Entre 25 et 30 minutes semble être la norme occidentale. John Stott écrit : « Tout sermon devrait paraître durer 20 minutes, même s’il est plus long ». Le prédicateur qui s’est bien préparé a toujours trop de choses à dire. Il faut donc qu’il garde une partie de sa préparation pour d’autres occasions : études bibliques, visites. Trop n'est pas mieux que pas assez.

Un enfant de 12 ans devrait pouvoir restituer l'essentiel d'une prédication correctement présentée, quel qu'en soit le sujet. Dans ce sens, je voudrais terminer avec cette exhortation de Charles Spurgeon à ses étudiants, qui dit son désir d'atteindre chacun, exhortation qui devrait nous accompagner toujours : "Faites tout pour qu'on vous comprenne. Rendez impossible qu'on ne vous comprenne pas !"

________________

Notes.

1Je recommande la lecture de ces livres de E.M. BOUNDS : Puissance par la prière, et Splendeur dans le secret.

2Voir l'annexe 1 : Les besoins de la commuauté, et l'annexe 2 : Quel texte choisir ?

3. Labor et Fides, 2006. Page 1112.

4"Nous ne falsifions pas la parole de Dieu, comme font plusieurs ; mais c'est avec sincérité, mais c'est de la part de Dieu que nous en parlons, en Christ, devant Dieu" (2 Co 2.17). C'est là la posture humble et courageuse du témoin.

5Le pasteur Stuart Olyott dit souvent : "Dieu a appelé un grand pécheur pour vous apporter sa Parole, ce matin". Voir un extrait de son livre Prêcher comme Jésus, dans l'annexe 3 : L'exemple de Jésus, et l'annexe 4 : Caractères et qualités d'un bon prédicateur.

6Voir l'annexe 3 : L'exemple de Jésus, et l'annexe 4 : Caractères et qualités d'un bon prédicateur.

7Dans ce sens, Luther appelle le ministère du pasteur "ministère public", il compris lors des visites à domicile.

8Voir l'annexe 5. La prière dans la vie du prédicateur.

9Voir l'annexe 6. Divers types de prédications.

 

10L'évangéliste Emiliano Tardif a écrit : "Si vous, qui avez travaillé votre message, n'êtes pas en mesure de le retenir sans avoir vos notes sous les yeux, comment vos auditeurs pourront-ils le faire, eux ?". Le professeur Pierre Courthial recommandait de rédiger entièrement le message, mais de ne pas le lire ensuite, et de prêcher à partir d'un plan ou des phrases-clés.

 

 

 

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