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Le blog de Charles Nicolas
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  • Dans une société déchristianisée où les mots perdent leur sens, où l'amour et la vérité s'étiolent, où même les prédicateurs doutent de ce qu'ils doivent annoncer, ce blog propose des textes nourris de réflexion biblique et pastorale.
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16 février 2014

Le mal principal

 

Le mal principal...



Matthieu 2.1-8, 16-18 ; 1 Pierre 3.10-17




La langue française est une belle langue, tout le monde le reconnaît !
Malgré cela, bien des termes que nous utilisons demeurent ambigus.

Par exemple, le verbe AIMER est employé avec des sens qui n'ont parfois rien à voir entre eux...
Il y a l'amour qui désire et qui prend ; et l'amour qui donne et se donne.
Ce n'est pas tout à fait la même chose !

De même, le mot MAL (que nous venons d'entendre dans cette lecture) peut renvoyer chacun de nous à des réalités bien différentes.

Je voudrais illustrer ce que je veux partager avec le récit du "massacre des innocents".

Qu'est-ce qui est mal dans ce récit ? Que des enfants de deux ans et au-dessous aient été massacrés, évidemment. Des innocents, comme on dit ! Ce n'est pas rien. Que des mères aient été privées de leu(s) enfant(s), bien-sûr. Rachel en a au moins perdu deux... Les pères aussi, d'ailleurs, même si on n'en parle pas. Ce mal là, c'est le mal subi.

Mais le texte nous montre autre chose : Rachel a refusé d'être consolée, car ses enfants n'étaient plus. Ainsi, le mal subi par Rachel a produit un autre mal, de nature différente, une forme d'endurcissement ou de révolte...  On peut le comprendre, mais elle n'était pas obligée. Espérons qu'elle n'en est pas restée là. Le texte ne dit rien...

Est-ce tout ? Non. Un autre mal est encore mentionné : celui qui conduit le roi Hérode à donner un tel ordre à ses soldats ! Cruauté, orgueil, soif de pouvoir. Mais aussi, et surtout peut-être, rebellion contre Dieu – car il sait que l'enfant qui vient de naître vient de Dieu (2.3-4).

Il y a donc, dans ce récit, une palette de maux, si on peut dire.
Que va-t-on retenir principalement : le mal subi ou le mal pratiqué ?
C'est le thème de ce message.

Ce qui est sûr, c'est que la Bible n'occulte aucun des deux. Curieusement, elle indique même que cela était annoncé par le prophète, ce qui rappelle le principe de la souverainteté de Dieu sur le bien et sur le mal... Mais quelle est la pointe du récit ? La pointe, c'est la méchanceté d'Hérode (méchanceté dans le sens biblique du terme).

Ainsi, la Bible parle clairement du mal subi, mais ce qu'elle souligne, c'est le mal pratiqué, et elle le fait d'une manière telle qu'il me semble possible de parler d'un mal secondaire – même s'il est très grand – c'est le mal subi ; et de parler d'un mal principal – même s'il demeure voilé parfois – c'est le mal pratiqué.

Accepter cela, c'est accepter que s'opère une sorte de révolution dans notre pensée, par rapport aux réflexes habituels, je pense que vous en êtes conscients.

Un autre épisode des Evangiles confirme cela. Je le relate rapidement (Luc 13.1-5). On rapporte à Jésus deux faits marquants. Le premier s'apparente à un meurtre ou à un attentat. La méchanceté en est le mobile, et c'est Hérode, de nouveau, qui en est l'instigateur : il a fait assassiner des Galiléens qui offraient des sacrifices, de telle sorte que leur sang s'est mêlé à celui de leurs sacrifices.


Question posée à Jésus : ces hommes – des victimes assurément – étaient-ils plus pécheurs que les autres ? Ont-ils mérité ce qui leur est arrivé. Non, répond Jésus. Mais aussitôt, on relate un autre événement : la tour de Siloé s'est écroulée, et en tombant, elle a tué 18 personnes qui se tenaient là, à l'ombre. Des victimes assurément ; d'un accident, cette fois. Etaient-ils de plus grand pécheurs que les autres, ces 18 ? Non, répond Jésus, qui ajoute en regardant ses interlocuteurs : Mais vous, si vous ne vous repentez , vous périrez de la même manière.

Quel retournement ! Il semble vraiment que Dieu ne fixe pas la réalité exactement de la même manière que nous. Il ne retient pas exactement les mêmes choses. Et du coup, sa réponse est décalée. Il ne nie pas le mal subi. Mais ce qu'il retient, c'est le mal pratiqué... par ses auditeurs – c'est à dire, aujourd'hui, par nous qui sommes là.

C'est ce que j'appelle un changement d'optique.

En effet, il est assez facile de dire : Oh ! Ce méchant Hérode ! Oh ! Ce méchant Hitler ! Mais Jésus dit à ses auditeurs : Si vous ne vous repentez pas, vous périrez de la même manière ; c'est à dire, vous serez emportés sans comprendre comment.

Ainsi, Jésus est en train de dire : Personne n'échappe à ce diagnostic. Victime ou bourreau, coupable ou innocent, le mal que je subis est peut-être important (et Dieu le voit), mais en un sens, le mal principal est le mal que je commets.


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Accepter cela me paraît à peu près impossible sans une conversion du coeur. C'est ce que Jean écrit au début de son Evangile : La lumière est venue chez les hommes, mais les hommes ne l'ont pas reçue parce que leurs oeuvres sont ténèbres.
Vous voyez : l'obstacle n'est pas le mal subi, c'est le mal pratiqué.

C'est pourquoi Jérémie le prophète écrit : "Pourquoi l'homme vivant se plaindrait-il ? Que chacun se plaigne de ses propres péchés" (Lam 3.39).
C'est aussi cela, la révolution de l'Evangile  - et je parle bien de l'Evangile de la grâce.

L'Evangile des droits de l'homme ne peut supporter cela, bien-sûr. L'Evangile des droits de l'homme fait principalement de l'homme une victime – au point où on parle aujourd'hui d'un "syndrôme de victimisation", une sorte de prison de laquelle on ne sait plus comment sortir !

L'Evangile biblique nous invite à sortir de cette prison-là. Il ne nie pas le mal subi, mais il révèle que les véritables chaines qui m'entravent nuisent à ma liberté, à ma vocation et à mon bonheur, ce ne sont pas celles du mal que je subis – même si elles existent aussi – , ce  sont celles du mal que je commets.

Bibliquement et chronologiquement, le premier mal n'est pas une blessure, c'est une transgression.

Certains penseront peut-être que ce message est plus accablant que libérateur.
Frères et soeurs : Jésus a-t-il été accablant ou libérateur ? Et Jean-Baptiste ? Et les apôtres ?
Disons-le : Ils ont été libérateurs – même quand leurs paroles ont pu être ressenties comme accablantes, car l'amour autant que la vérité les conduisaient à pointer les vrais besoins et les vrais obstacles. Et ceux qui ne se sont pas retirés en arrière, ceux qui ont laissé la lumière mettre le coeur à nu, ceux-là ont été affranchis.


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Je voudrais, pour terminer, illustrer cela par un exemple.

Imaginons un couple qui vit une relation conflictuelle. Cela peut arriver, de telle manière même qu'on ne sait plus comment s'en sortir. C'est redoutable. Le pasteur va voir l'épouse (accompagné par son épouse, peut-être) ; elle se plaint de ce qu'elle subit et accuse son mari. Il va voir le mari (tout seul) : il se plaint du mal qu'il subit et se plaint de son épouse. Les deux sont parfaitement convaincus et convainquants. Comment faire ? Comment avancer ?

Il n'y a qu'une seule manière : il faut que l'un des deux – peu importe lequel – accepte de changer d'optique et reconnaisse ouvertement un manquement vis-à-vis de son conjoint. Celui-là recevra la paix dans son coeur. Celui-là introduit la grâce dans son couple. Celui-là brise une chaine même dans le coeur de son conjoint !

L'évangéliste anglais Roy Hession a dit : Le coeur endurci dit : C'est de ta faute. Le coeur brisé dit : C'est la mienne. Quand Dieu remporte une victoire dans la vie d'une personne, elle avoue : C'est moi qui ai tort. C'est tout simplement l'esprit des Béatitudes.


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C'est aussi ce que dit l'apôtre Pierre : "Il vaut mieux souffrir –  Paul dit : Il vaut mieux se laisser dépouiller, en 1 Co 6 –  si telle est la volonté de Dieu, en faisant le bien qu'en faisant le mal".

Pierre parle bien là d'un mal secondaire (souffrir si Dieu le veut) – même s'il est important – et d'un mal principal (le mal que je commets) – même s'il paraît comme peu de chose, excusable...

C'est ce que Paul fait aussi quand il dit que "les légères afflictions du temps présent sont peu de chose comparées aux choses à venir" (2 Co 4.17). Il sait que ces afflictions ne sont pas forcément légères ! Mais il les appelle légères en rapport avec la joie qui nous est réservée, en rapport avec la gloire à venir. Oui, le mal subi est passager. De plus, dans la foi, il ne constitue pas un obstacle à la paix, à l'espérance et même à la joie, ni au Royaume de Dieu.

Par contre, tout mal pratiqué est porteur de tristesse et de mort. "Quoi, pècherions-nous parce que la grâce abonde ? Loin de là !"

Cela me rappelle la remarque d'un chrétien âgé qui m'avait dit, alors que je le quittais : Ne priez pas pour que j'aille mieux ; priez pour que je sois fidèle.

Que Dieu nous accorde le désir profond d'être fidèles avant toute chose.


Charles Nicolas



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