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Le blog de Charles Nicolas
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  • Dans une société déchristianisée où les mots perdent leur sens, où l'amour et la vérité s'étiolent, où même les prédicateurs doutent de ce qu'ils doivent annoncer, ce blog propose des textes nourris de réflexion biblique et pastorale.
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17 avril 2024

Quel fondement pour travailler ensemble ? (1)

 

 

 

Quel fondement pour travailler ensemble ? (1)

 

Quelle légitimité les Unions d'églises ont-elles  ?

 

Charles NICOLAS

 

 

Il ne s'agit pas ici de définir les contours de l'Eglise – ce que ne cherche à faire aucune dénomination, d'ailleurs. Il s'agit de formuler les conditions pour un travail et un témoignage communs, la base qui permettrait d'honorer tout à la fois la teneur de la révélation biblique dans ses axes majeurs et les défis du temps présent1.

 

1. Le constat

 

1. La plupart des dénominations actuelles sont nées dans des contextes qui n'existent plus ou qui ont considérablement évolué. Bien qu'elles aient évolué elles aussi, elles demeurent marquées par leur origine et connaissent des problèmes d'identité et donc de vocation. Elles réunissent des églises locales, des responsables d'églises et des chrétiens qui ne sont pas toujours accordés sur une base claire et féconde, ce qui a pour effet une importante déperdition d'énergie et trop peu de pertinence2.

 

2. En quelques décennies, le contexte socio-culturel dans lequel nous vivons a considérablement changé. Les références chrétiennes, connues pendant des siècles, y compris par ceux qui n'y adhéraient pas, sont maintenant bafouées ou tout simplement ignorées par la majeure partie de la population de nos contrées, notamment par les personnes influentes (média, éducation, etc.)3. C'est un constat unanimement partagé, mais dont nous n'avons pas encore tiré toutes les leçons. Des défis nouveaux s'imposent, auxquels nous ne sommes pas nécessairement préparés.

 

3. Dans ce contexte, deux tentations se présentent naturellement : la recherche du consensus et la radicalité.

 

- La recherche du consensus est le choix de l'humanisme, de l'universalisme, du multitudinisme, du pluralisme, du relativisme, du subjectivisme, de l'inclusivisme. Ce ne sont que des mots, mais ils décrivent l'inclinaison (naturelle ou contrainte) d'un très grand nombre de personnes aujourd'hui, y compris au sein des Eglises. La base d'accord est généralement réduite à une formule minimale, mal définie, du genre : Nous avons besoin de spiritualité, ou : Tous les hommes sont frères4.

 

- La radicalité peut être le choix d'un protectionnisme, d'un séparatisme, d'un complotisme, d'un élitisme, d'un essentialisme. Le but, alors, n'est pas d'abord d'être nombreux mais d'être fidèles à des principes communs. La base d'accord est généralement bien définie, contenue dans quelques formules claires, pas toujours fondamentales, tout à la fois rassembleuses et excluantes. Nous connaissons des personnes et des milieux qui portent cette préoccupation, avec la tentation de se croire les seuls défenseurs de la vérité. Plus je me sépare, plus je suis fidèle...

 

4. Ces deux réactions naturelles se trouvent dans la société et dans l'Eglise. En un sens ce n'est pas étonnant. Certains privilégient les relations, d'autres les principes, c'est bien connu. Cela pose question cependant, car on pourrait en déduire que les jugements s'exercent principalement en fonction de critères tout humains : qu'est-ce qui correspond le mieux à mon tempérament, à mes valeurs, à ma vision, à l'urgence perçue, ressentie.

 

Une question se pose : la prédication est-elle en mesure de débusquer et, quand il le faut, de déloger les principes et les réflexes naturels que nous avons hérités de nos pères (1 Pi 1.18), de nos circonstances, de notre culture ? On pourrait en douter parfois. En d'autres termes, comment conjuguer l'unité (le consensus ?) et la fidélité (la radicalité ?) d'une manière qui soit proprement chrétienne, c'est-à-dire conforme à l'enseignement de l'Ecriture pris dans sa globalité et réellement centrée sur Jésus-Christ ?

 

2. Tous sont-ils apôtres ou prophètes ou docteurs ?

 

En rappelant la réalité du sacerdoce commun des croyants – c'est-à-dire le ministère de chaque chrétien – les Réformateurs du XVIème siècle n'ont pas aboli les ministères établis qui ont la charge du gouvernement des églises, principalement les ministères d'ancien et de diacre. L'Ecriture tout entière montre qu'il ne s'agit ni d'exagérer ni de minimiser l'importance de ces ministères ordonnés qui veillent sur nos âmes comme devant en rendre compte (Hé 13.17) et qui seront jugés plus sévèrement (Jc 3.1)5.

 

L'action souveraine de Dieu et la participation de chaque chrétien sont-elles amoindries par l'engagement des ministères ordonnés ? Normalement non ! L'apôtre Paul rappelle leur vocation spécifique : l'équipement des saints, jusqu'à ce que nous soyons tous parvenus à l'unité de la foi (Ep 4.10-13)6. Professer la vérité dans l'amour (4.15) sera le signe de la maturité ; on ne peut choisir entre les deux.

 

Quels sont les ministères attachés à l'enseignement ? Ils sont quatre ou cinq (selon qu'on dissocie ou pas les deux derniers) : apôtres, évangélistes, prophètes, pasteurs et docteurs. Apparaît-il qu'ils ne soient donnés que pour un temps ? Certains le pensent, qui voient dans l'achèvement du canon de l'Ecriture (après la mort du dernier apôtre désigné par Jésus-Christ) ce qui va garantir l'unité de la foi. Cet argument n'est pas insensé : personne ne se hasarderait à ajouter un chapitre à la révélation biblique. Cet argument est-il pleinement convaincant ? Pas sûr. Pour l'heure, il est donc prudent de considérer que ces ministères-là, dont les missions conjointes ont une telle importance, demeurent. Bien des livres s'attachent à définir leurs vocations respectives ; je ne le fais pas ici.

 

3. Des équipes de ministères

 

La notion d'équipe de ministères apparaît assez clairement dans l'Ecriture. Il est probable que nous gagnerions à la restaurer si nous désirons autre chose qu'entretenir ce qui existe déjà ou nous lancer dans des aventures hasardeuses. Nous n'imaginons pas des soldats (ni même des ouvriers) agir seuls ou en ordre dispersé.

 

Selon le conseil de Jéthro, Moïse a choisi parmi le peuple des hommes capables et craignant Dieu, intègres et ennemis de la cupidité, et les a établis sur le peuple comme chefs de mille, chefs de cent, chefs de cinquante et chefs de dix (Ex 18.21). C'est l'origine du ministère des anciens. Ces hommes agissaient-ils chacun de son côté ? C'est peu probable. Etaient-ils alors tous et en tous temps réunis ? Pas nécessairement.

 

Dans ce sens, nous voyons Jésus être parfois seul, être entouré de trois disciples ou des douze, ou des soixante-dix. Ces soixante-dix, Jésus les envoie deux à deux (Lc 10.1). A chaque format pouvait correspondre un mode de communication et un engagement particulier. S'agissait-il d'une hiérarchie ? Pas à proprement parler. Plutôt de cercles concentriques forgés sur la base d'un accord. Nous voyons Paul enseigner Timothée, puis charger Timothée et Tite de nommer des anciens et de les reprendre quand il le fallait. La règle d'égalité ne nivelait pas tout. Chacun devait rendre compte.

 

Dans ce sens encore, l'apôtre Paul, accompagné de Barnabas, prend avec lui Marc (Ac 12.25). Puis, un désaccord survenant, ils se séparent, Barnabas prenant Marc avec lui, tandis que Paul prend Silas comme compagnon d'œuvre (15.39-40). Etait-ce par esprit de division ? Non, ils ont demandé la prière des frères avant de partir. Etait-ce au détriment de l'unité de l'Eglise ? C'était tout simplement se donner les moyens de mettre en pratique la règle de l'accord. Si deux s'accordent... ce n'est pas n'importe quoi ; et on le fait à deux ou à cinq autrement qu'à 20 ou 30.

 

Jean Calvin considérait que deux conditions devaient être réunies pour que la Réforme progresse : l'unité doctrinale au sein du corps pastoral et l'engagement pastoral des anciens7. Cela mérite d'être retenu avec attention. Rappelons ici que l'engagement pastoral inclut la veille et l'application doctrinales. Les doctrines ne sont certes pas le tout de la foi, mais il n'y a pas de foi sans fidélité doctrinale. Que servirait-il de croire de tout son cœur quelque chose de faux ? (1 Co 15.1-2).

 

A suivre

_________________________

 

Notes :

 

1Le pasteur Maurice Longeiret a proposé une semblable réflexion intitulée Cinq fondements pour une collaboration féconde, publiée dans le journal Nuance en mars 2009. Cela se situait dans le cadre d'une démarche nationale entre l'ERF et les EREI, appelée Pour une réconciliation des mémoires. Je résume cette page de M. Longeiret en annexe.

2On peut mentionner à titre d'exemple l'union qui s'est constituée en 2004 entre les églises méthodistes du Midi de la France (congrégationalistes) et celles de l'Est de la France (épiscopales) : elles portaient le même nom, mais n'avaient pas la même origine ni le même fonctionnement, ni les mêmes réseaux de relation... Cette Union s'est défaite en 2023.

3J'ai abrégé en quelques pages le livre de Jean-François Braunstein, La religion woke (Grasset 2022). Disponible.

4On se souvient de la manifestation Protestants en fêtes organisée en 2017 à Strasbourg par la Fédération protestante de France. Le thème en était : Les fraternités. Il s'agissait de faire danser ensemble toutes les fraternités : en humanité, religieuses, citoyenne, chrétienne... On y parlait de fraternité XXL : mieux que la Bible !

5Voir l'annexe 2 sur les anciens et les diacres. Voir aussi, dans le même esprit que celui-ci, le texte intitulé Des pasteurs et/ou des anciens ?

6Le mot équipement est important (plutôt que perfectionnement) car il a une portée communautaire et vise l'engagement fidèle de chacun dans son service en vue de l'unité et de la maturité. L'unité des chrétiens, c’est le Seigneur qui en est le garant, comme en témoigne sa prière (Jn 17.21). Il revient cependant à chaque chrétien d'y contribuer, de participer à sa manifestation (Ro 12.6-8 ; 1 Co 12.4-11 ; 1 Pi 4.10).

7Jean-Marc Berthoud, Calvin et la France. Genève et le déploiement de la Réforme au XVIème siècle (1999).

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