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Le blog de Charles Nicolas
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  • Dans une société déchristianisée où les mots perdent leur sens, où l'amour et la vérité s'étiolent, où même les prédicateurs doutent de ce qu'ils doivent annoncer, ce blog propose des textes nourris de réflexion biblique et pastorale.
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5 avril 2024

L'espérance chrétienne et la fin de vie (1)

 

 

I. L'espérance chrétienne face à la fin de vie

 

Un soir de brume en plein hiver, dans le camp militaire de Bitche près de la frontière allemande, un adjudant dirigeait un entraînement pour un groupe de jeunes soldats qui grelottaient. C'était au bord d'une espèce d'étang. Moi j'étais là en tant qu'aumônier. Comme la nuit tombait, pour secouer un peu ses soldats, l'adjudant a crié : Quand il y aura la guerre, en plus vous aurez peur ! Cela m'a frappé. Il n'a pas dit : Si un jour il y a la guerre, mais : Quand il y aura la guerre ! Pour lui, c'est bien une réalité inéluctable.

Autrement dit, ce n'est pas une fiction. Autrement dit, nous sommes provisoirement en paix – exactement comme nous sommes provisoirement vivants sur cette terre. Cela est bien plus réaliste que la parole du pape Paul VI à la tribune de l'ONU en octobre 1965 : Plus jamais la guerre ! Jésus ne dit pas cela.

Bien sûr, nous pouvons prier pour qu'il n'y ait pas la guerre ou pas de persécution, ou que nous ne soyons pas malades – et sans doute devons-nous le faire. Mais cela peut bien arriver quand même. Alors, que ferons-nous ?

Je pense à cette citation de François de La Rochefoucauld (1613-1680) : Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement. Et à ce qu'ont écrit les docteurs Jérôme Alric et Jean-Pierre Bénézech1 : Il y a une sorte de cécité devant la mort. Et encore ce mot de l'écrivain Jacques Lacarrière : J'ai un mot du médecin. Je ne supporte pas la mort.

 

1. La foi fait-elle une différence ?

 

Nous comprenons que notre sujet n'est pas un sujet pour rire. J'ai écouté il y a quelques jours une interview d'Alain Finkielkraut, philosophe et académicien. Il voit avec l'âge (il a 74 ans) l'inquiétude grandir en lui. D'origine juive, il se dit athée complet. Son immense culture ne lui est d'aucun secours à ce niveau. Dans un moment de crise, a-t-il dit, je croquais du Lexomil comme un lapin croque des carottes.

La foi fait-elle une différence ? En un sens, il n'y a pas de différence. Un vase de terre, c'est un vase de terre, qu'on soit croyant ou pas. Avec un caillou on l'ébrèche ou on le brise. Un croyant peut être saisi de vertige et même d'angoisse (Jésus l'a vécu), ce qui est peut-être l'inconfort suprême ; en tout cas c'est l'exact contraire de la paix à laquelle chacun aspire. L'apôtre Paul était-il un geignard ? Pourtant il écrit : Nous gémissons dans cette tente, désirant en revêtir une meilleure (2 Co 5.2). Remarquez qu'il parle en 'nous' et au présent, ce qui signifie qu'il n'était pas seul dans cette situation, et c'était une situation qui pouvait durer. Soyons encouragés de savoir que d'autres sont passés par là avant nous.

Quand Jésus (parlant des bruits de guerre) dit à ses disciples : Gardez-vous d'être troublés (Mt 24.6), cela signifie que les circonstances peuvent effectivement être troublantes, c'est-à-dire nous paraître contraires à ce que nous avons demandé, à ce qui était promis. Il peut même arriver que le trouble du croyant soit plus grand que celui de l'incroyant – en tout cas pour un temps – car sa foi est troublée (tandis que la foi de l'incroyant n'est pas troublée !).

[A cela, on peut ajouter la question du tempérament. Cela paraît terre-à-terre, mais c'est une réalité. Le Seigneur ne choisit pas forcément pour disciples ceux et celles qui ont un tempérament optimiste et paisible. J'ai connu un anesthésiste incroyant qui m'a dit un jour : Je ne sais pas ce que c'est qu'être inquiet. Tandis que moi, l'aumônier, je m'inquiète pour un oui ou pour un non. Peut-être était-ce ainsi parce qu'il était en bonne santé et avait de l'argent. Je ne connais pas la suite...].

Gardez-vous d'être troublés. Une différence existe donc qui, finalement ne tient pas aux circonstances, mais à une Parole qui, animée par le Saint-Esprit qui rend possible la Foi et l'Espérance (et donc l'Amour) qui n'ont aucun rapport avec les raisonnements naturels2.

 

2. Le manque l'espérance

 

Paul le montre bien qui, après avoir évoqué sa détresse (il ne faut pas la cacher, mentir – cf. les Psaumes), parle des légères afflictions du temps présent (2 Co 4.17). Sont-elles légères ? Mais non ! Cependant elles le sont au regard des choses à venir. Je reviendrai sur l'espérance demain, mais je formule déjà quelque chose qui me paraît avoir une grande importance : la foi ne suffit pas. Il faut aussi l'espérance3. Quand les circonstances sont absolument contraires – et cela peut arriver à tout moment – l'espérance secourt la foi, l'espérance comme une ancre de l'âme solide et sûre, qui pénètre au-delà du voile, là où Jésus est entré pour nous comme précurseur (Hé 6.19-20)4.

Mon sentiment est celui-ci : chez beaucoup de personnes, il reste la foi (ou un peu de foi), mais l'espérance a presque disparu. Cela se manifeste d'innombrables manières : la surconsommation, les addictions, l'accroissement de l'iniquité (non seulement faire le mal, mais appeler le mal bien, ce qui est pire) ; à quoi on peut ajouter l'anxiété, la baisse de la natalité, etc. Pourquoi rappeler tout cela ? Parce que cela a évidemment une incidence sur la manière d'appréhender la fin de vie et la souffrance d'une manière générale – et même la douleur physique. Et là, il faut rappeler que cette question a certes une dimension éminemment personnelle (j'y reviendrai) mais aussi une dimension sociale : nous, chrétiens, qui vivons dans cette société-là et nous ne pouvons pas en être totalement indemnes. Je pense à ce qu'écrit Rod Dreher : Le seul Evangile que nous ayons appris est un Evangile sans larmes5.

Je donne une illustration avec l'évaluation de la douleur : pour une même douleur physique, une personne dépressive cochera 8/10 tandis qu'une personne en bonne santé psychique cochera 3/10. L'espérance ou l'absence d'espérance produira le même genre de différence sur le ressenti de la souffrance, la manière de vivre les contrariétés, sur ce qu'on appelle 'les pertes'6. Je pense souvent à cette Rachel dont parle l'Evangile : Elle refusa d'être consolée parce que ses enfants n'étaient plus (Mt 2.18).

Et donc, il y a quand même une différence entre les chrétiens et les autres. Le pasteur Dietrich Bonhoeffer, issu d'un milieu cultivé et aisé, a été pendu par les nazis dans un camp de concentration, quelques jours avant la fin de la guerre. Après sa mort, son ami Payne Best écrit à la sœur de Dietrich : Bonhoeffer avait toujours craint de ne pas être assez fort pour faire face à une telle épreuve, mais maintenant il savait qu'il n'y avait rien dans la vie dont on ne devait avoir peur, rien7.

Cela me rappelle ce que m'a dit un chrétien âgé, un jour (j'étais pasteur à Vauvert) : Ne priez pas pour que j'aille mieux, priez pour que je sois fidèle. C'est la maturité de la foi. 

(A suivre).

___________

 

Notes :

1La mort ne s'affronte pas, Sauramps Editions (2011). J-P Bénézech est le responsable du service des Soins palliatifs du CHU de Montpellier. Jérôme Alric est psychiatre.

2Dans son livre Pascal et la proposition chrétienne (Grasset, oct. 2022), Pierre Manent écrit : Si Dieu existe ou s'il n'existe pas, cela fait une grande différence. Pourquoi la question est-elle toujours repoussée à plus tard ?

3C'est ainsi que sera conservé l'Amour, l'Amour qui bannit la crainte (1 Jn 4.18). C'est pour cela que Paul dit que les trois demeurent (1 Co 13.13)

4Charles Peguy a écrit de très beaux vers sur ce sujet.

5Résister au mensonge, Rod Dreher (Artège, 2021).

6Voir l'annexe 1. L'impact de la dimension spirituelle.

7Lettre de Payne BEST à la sœur de Dietrich Bonhoeffer, Sabine. Cité dans Bonhoeffer : Pasteur, Martyr, Prophète, Espion, d'Eric Metaxas (2019).

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Commentaires
P
"l'Espérance secourt la Foi" : c'est tellement vrai...<br /> Merci Charles, j'attends avec impatience la 2ème partie !
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C
Merci pour cet article. Je ne m'étais jamais arrêté à la différence entre la foi et l'espérance, considérant jusqu'ici que la vraie foi (ou disons la foi accomplie) est toute d'espérance... et d'amour ! C'est sans doute le cas, mais ton texte m'invite à me pencher sérieusement sur les subtilités que renferment 1 Corinthiens 13:13.
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C
La foi saisit maintenant ce qui est pour maintenant. L'espérance saisit maintenant ce qui est à venir. La foi suffit quand c'est plat ; quand ça monte, il faut l'espérance !
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