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Le blog de Charles Nicolas
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  • Dans une société déchristianisée où les mots perdent leur sens, où l'amour et la vérité s'étiolent, où même les prédicateurs doutent de ce qu'ils doivent annoncer, ce blog propose des textes nourris de réflexion biblique et pastorale.
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29 avril 2024

L'Evangile est-il inclusif ?

 

 

 

L'Evangile est-il inclusif ?

 

 

Il n'est pas fréquent qu'on entende des religieux ou des religieuses sur France Inter, mais ce matin l'invitée était sœur Albertine, 28 ans, influenceuse avec 100 000 abonnés sur les réseaux sociaux. Etonnement des journalistes qui, sans le dire explicitement, sont obligés de constater un intérêt chez les jeunes générations pour les questions spirituelles. Qui l'eut cru ?

C'est une bonne nouvelle, et je crois que le témoignage de cette jeune sœur catholique est, à bien des égards, pertinent. Elle montre que l'Evangile n'a pas changé et que des personnes qu'on a imaginées très éloignées de l'Eglise se posent et posent des questions. En ce sens, l'Evangile est inclusif, n'en doutons pas !

 

1. Accueillir tout le monde ?

 

Une des paroles les plus sévères que Jésus a prononcées (Mt 18.6) ne concerne-t-elle pas ceux ou celles qui feraient obstacle à l'accueil de personnes nouvelles, peut-être de celles qu'on n'attendait pas. On pense bien sûr aux disciples qui empêchent les enfants de s'approcher de Jésus (Mc 10) ou encore aux amis du chef de la synagogue : N'importune pas le maître (Lc 8.49). Les chrétiens peuvent-ils faire obstacle à la venue de personnes que Dieu a touchées ou est en train de toucher ? La réponse est oui. La sœur Albertine le dit, et cela ne concerne pas que l'Eglise catholique.

Que dit-elle encore ? Je fais partie de la communauté du Chemin Neuf, une congrégation catholique née à Lyon, qui œuvre pour l'unité des hommes et des femmes sur cette terre. Je ne connais pas le contexte de cette phrase et ne voudrais pas faire un procès d'intention. Cependant, dite comme cela, cette affirmation pose question. Œuvrer pour l'unité des hommes et des femmes sur cette terre ? De quoi s'agit-il ? Il se peut que ce soit une manière maladroite de dire que l'Eglise doit accueillir des personnes provenant de toutes les nations et de toutes les conditions. Là, nous sommes d'accord, bien sûr. Il se peut aussi que ce soit une manière d'affirmer ce qu'on appelle aujourd'hui l'amour inconditionnel de Dieu : Dieu aime tout le monde, Dieu accueille tout le monde, Dieu sourit à tout le monde... Un peu comme dans les pubs.

 

2. La philanthropie

 

Il est possible – et peut-être nécessaire – de nuancer cette approche philanthropique de l'Evangile. Je le fais en quelques lignes ici.

Le ministère de Jésus est précédé par celui de Jean-Baptiste qui prêche non pas sur la place publique, mais dans le désert. Curieusement, beaucoup viennent l'écouter. Qu'annonce-t-il ? Une bonne nouvelle et un jugement : le Royaume de Dieu est en train de s'approcher, mais Jésus va séparer le grain de la paille. On n'entend pas le mot amour dans la bouche de Jean-Baptiste ; le mot colère oui : Qui vous a appris à fuir la colère à venir ?(Mt 3.7). L'Evangile est-il inclusif ?

Peu après, une grande foule suit Jésus (Mt 4.25). Voyant la foule, Jésus monte sur la montagne et, après qu'il se fut assis, ses disciples s'approchent de lui et il les enseigne (5.1-2). On imagine Jésus prêchant devant la foule, mais non. On ne prêche pas pour une foule en étant assis sur une pierre. Jésus enseigne une poignée de disciples. Certes, la foule n'est pas loin (5.28), mais la voyant, Jésus commande de passer de l'autre côté du lac (8.18). L'Evangile est-il inclusif ? Il l'est, mais peut-être pas de la manière qu'on entend aujourd'hui.

Mais Jésus n'a-t-il pas côtoyé des pécheurs ? Il l'a fait, mais c'était pour dire que parmi eux se trouveraient des hommes et des femmes contrits, prêts à confesser leurs fautes, à les abandonner et à donner gloire à Dieu. Mais l'apôtre Paul n'est-il pas appelé l'apôtre des païens (Ro 11.13) ? C'est vrai, mais c'était parce que parmi eux se lèveraient des croyants touchés par la grâce de Dieu. En ce sens, l'Evangile est inclusif, mais cela n'englobe pas tous les païens !

 

3. Faire acception de personnes ?

 

Mais ne lit-on pas que Dieu ne fait pas acception de personnes (Ac 10.34 ; Ga 2.6), et que nous devons agir de même (Jc 2.1), c'est-à-dire sans établir de différences ni de préférences ? C'est écrit en effet, mais cela concerne les différences extérieures, d'appartenance ou d'apparence. Supposons qu'il entre dans votre assemblée un homme avec un anneau d'or et un habit magnifique, et qu'il y entre aussi un pauvre misérablement vêtu... (Jc 2.2). Paul rappelle cela quand il écrit qu'il n'y avait parmi les chrétiens ni beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de nobles (1 Co 1.26). Dieu ne construit pas son Eglise comme un entraîneur choisit les membres de son équipe de foot, mais il n'inclut pas pour autant tous les hommes et femmes de la terre.

Mais n'est-il pas écrit que nous ne devons pas juger (Mt 7.1) ? Ici aussi il s'agit de l'apparence. Juste après avoir dit cela, Jésus commande de ne pas jeter les perles aux pourceaux (7.7). Il y a donc bien un discernement à opérer. Mais pour cela, il sera nécessaire d'ôter la poutre qui est dans mon œil : cela me permettra d'ôter la paille de l'œil de mon frère (7.3-5), ce qui implique bien une forme de jugement. Le jugement que Jésus condamne, c'est celui qui méprise et se met à la place de Dieu (Ro 14.10). Par contre, tout chrétien sage et mature doit être propre à juger, c'est-à-dire à distinguer entre ce qui est juste et ce qui ne l'est pas, entre ce que Dieu approuve et ce qu'il réprouve.

Mais si Dieu réprouve le péché, n'accueille-t-il pas le pécheur ? Dieu accueille le pécheur contrit qui se repent. Je ne vois pas où la Bible dirait autrement. Dieu déteste le péché mais il aime le pécheur est un adage trompeur à cet égard.

 

4. Un Evangile agréé par tous ?

 

Mais Paul ne commande-t-il pas de bénir et de ne pas maudire (Ro 12.14) ? C'est vrai, mais il s'agit de bien comprendre ce qu'il dit. On ne voit pas Jésus (ni Paul d'ailleurs) bénir tout et n'importe quoi, ni tout le monde du reste. Jésus, priant pour les siens, ne dit-il pas qu'il ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que le Père lui a donnés (Jn 17.9) ? A cet égard, la bénédiction du pape à la ville et au monde, chaque année, est pour le moins équivoque. Il se pourrait que cette pratique remonte au temps où la population de la ville se confondait avec celle de l'Eglise, sous le nom de paroisse. Nous n'en sommes plus là.

De nombreuses églises investissent une part importante de leur temps et de leurs forces dans l'action sociale aujourd'hui. Si c'est pour corriger l'entre soi dont on les a parfois accusées, cela peut être une bonne chose. Oui, l'Eglise doit être en mesure de rejoindre tous ceux que Dieu appelle à lui et, en un sens, Dieu appelle tout le monde. Mais il est à craindre que d'autres motivations entrent en ligne de compte parfois, et que ce qui est demandé dans le cadre de la communauté fraternelle : le secours pour les pauvres de l'Eglise (Ro 15.25-26), l'assistance destinée aux saints (2 Co 9.1), le soutien et l'amour pour les frères dans la foi (1 Jn 3.17 ; 4.20-21...), soit tout simplement appliqué aux hommes en général1.

En réalité, l'amour fraternel tel que la Bible en parle est, au mieux incompréhensible aux yeux de la société, au pire choquant. Cela n'est pas forcément facile à vivre. Donner à manger aux pauvres n'est choquant pour personne. D'ailleurs bien des non-chrétiens le font ! Est-ce une raison pour ne pas le faire ? Non, à condition de ne pas faire croire que c'est cela l'Evangile, comme beaucoup le croient aujourd'hui.

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Note : 

 

1Le CNEF rappelle qu'une association, d'inspiration chrétienne ou d'une autre confession ou conviction, peut tout à fait entrer dans les critères de l'intérêt général et bénéficier d'une subvention publique. L'intérêt général s'apprécie au regard de l'objet philanthropique, éducatif, social, humanitaire de l'association ainsi que de sa gestion désintéressée, son activité non lucrative et l'absence de fonctionnement au profit d'un cercle restreint de personnes. Que penser de cela ?

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