Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le blog de Charles Nicolas

Le blog de Charles Nicolas
  • Dans une société déchristianisée où les mots perdent leur sens, où l'amour et la vérité s'étiolent, où même les prédicateurs doutent de ce qu'ils doivent annoncer, ce blog propose des textes nourris de réflexion biblique et pastorale.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Pages
Newsletter
114 abonnés
Visiteurs
Depuis la création 90 042
31 décembre 2024

Noël pour le Président des Etats-Unis

 

60 - Un peu de sel s'il-vous-plaît

_______

 

 

 

 

 

Noël pour le Président des Etats-Unis

 

 

J'espère ne pas choquer en disant cela, mais il me semble que Donald Trumpp, à certains égards, ressemble bien à un 'personnage biblique'. Je veux dire : ignorant, mal dégrossi, imprévisible, impulsif, faillible, excessif, touchant, contradictoire, etc.

 

Et avec tout cela, le voici qui lit un message de Noël bien plus explicite que bien des prédications poético-symboliques qui auront été dites en bien des lieux de culte. Même si ce n'est pas lui qui l'a écrit, c'est lui qui l'a lu, à la face du monde.

 

J'en retranscris une partie : Pour les chrétiens, Noël est une saison sacrée, la célébration de la naissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. Il y a 2 000 ans, l'ange Gabriel est apparu à Marie... Là, D. Trumpp relate les faits transmis dans les Evangiles, et il les relate comme des faits historiques. Puis il continue : Quelles que soient nos croyances, nous savons que la naissance de Jésus-Christ et l'histoire de cette vie ont changé à jamais le cours de l'histoire humaine. Il n'y a presque aucun aspect de nos vies aujourd'hui que sa vie n'ait pas touché : art, musique, culture, loi, et notre respect pour la dignité sacrée de chaque personne partout dans le monde. Nous reconnaissons que le véritable esprit de Noël ne réside pas dans ce que nous avons. Il s'agit de qui nous sommes. Chacun d'entre nous est un enfant de Dieu.

 

Tout cela me paraît très juste, très important, et donc il est bien que ce soit dit. Tout, sauf la dernière phrase. Là, le président passe du témoignage évangélique au domaine de l'utopie, de l'idéal, du rêve, ce que la Bible ne fait jamais.

 

Il n'est pas exclu qu'il s'agisse d'une erreur de langage, je veux dire une manière maladroite de dire que chaque homme, sans exception, est créé à l'image de Dieu, et qu'à ce titre il a une valeur incommensurable. Dans ce sens, l'apôtre Pierre écrit : Honorez tous les hommes (1 Pi 2.17), ce qui signifie : Donnez de la valeur, valorisez toute personne, quelle qu'elle soit. Cela relève du domaine de la Création et de la grâce générale.

 

Le statut d'enfant de Dieu, lui, relève du domaine de la rédemption et d'une grâce particulière. C'est différent. Il suppose la régénération par l'Esprit de Dieu, la foi en Jésus-Christ et l'adoption par Dieu comme Père. Jusqu'à preuve du contraire, cela n'est pas le statut des êtres humains d'une manière générale. En France, où toute forme de discrimination est punissable d'une amende, on ne peut plus dire cela publiquement. Je pensais qu'aux Etats-Unis, cela était encore évident. Il semble que non.

 

Revenons à la France. J'ai lu ce titre ce matin : Les crèches, acte de résistance ! On en est là, avec plusieurs procès à la clé.

Ch. Nicolas

L'allocution du président Trumpp est accessible avec ce lien :

https://x.com/Trump_Fact_News/status/1871689528433668493?t=WMpP4CgHKqbunnC5Ya0KBQ

__________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Publicité
Publicité
19 décembre 2024

 

 

 

59. Mazan

 

Je ne sais combien de fois je suis passé par là avec mon vélo de course quand j'étais lycéen à Carpentras. C'était pendant la première moitié des années 70. On pressentait quels seraient les acquis de Mai 68. Révolution féministe, Mai 68 ? Pas vraiment. La “déconstruction” des hommes viendra plus tard. Mai 68, révolution “libertaire”, plutôt. Interdit d'interdire ! Sous les pavés, la plage ! Tout tout de suite !

 

Dans son essai publié à l'automne 1968, Le Gauchisme. Remède à la maladie infantile du communisme, Daniel Cohn-Bendit a clairement résumé la vision de la jeunesse libertaire dont il était devenu le visage : “Le processus révolutionnaire des mois de mai-juin ne fait que renforcer la certitude qu'un jour nous organiserons nous-mêmes notre vie. Nous ne le ferons pas pour nos enfants (le sacrifice est contre-révolutionnaire et résulte d'un humanisme stalino-judéo-chrétien), mais pour enfin pouvoir “JOUIR SANS ENTRAVES” (cité par Pierre-André Tardieff dans le Hors-série n°5 de Front populaire).

 

Les hommes (et les femmes) ne sont pas devenus pécheurs en 1968. Relire le chapitre 3 du livre de la Genèse. Mais si, par la grâce de Dieu, des barrières empêchent les effets du péché de se répandre et de tout dévaster, plusieurs de ces barrières ont été volontairement abattues à ce moment-là. Ainsi, nous avons progressé... dans la perte des références, dans la perte des repères, dans la perte du sens. La crainte de Dieu a baissé de plusieurs crans. Or, elle est et demeure le commencement de la sagesse.

 

Admettons ce fait : Celui qui déplace les bornes fait plus de mal que celui qui les transgresse.

 

Cet automne, empruntant les petites routes au pied du Mont Ventoux en attendant l'heure d'un rendez-vous, je suis passé par Mazan. Là, mes pas m'ont conduit au monument aux morts. Il m'a beaucoup touché. On y voit une femme voilée qui tient sur ses genoux un homme blessé.

 

 

Le soldat, protecteur des femmes et des enfants, est couché, son casque par terre, sa tête dans les mains d'une femme. C'était avant 1968, en plein 'patriarcat', donc.

 

 

Image d'Epinal ou vocation inscrite dans le fond des âmes ? Quelle alternative, en tout cas, à la consternante lutte des sexes alimentée chaque jour par les féministes, partout dans les médias et jusque dans les écoles !

 

 

La Bible serait-elle fautive ? On demande à voir. Quand Dieu voit que l'homme est seul, il dit : Je lui ferai une aide semblable à lui (Gn 2.18). Semblable à lui, c'est l'égalité, c'est la réciprocité, c'est la correspondance. Une aide, cela signifie qu'il a besoin d'aide. S'il n'est pas aidé, il n'y arrive pas. Qui est le plus fort, celle qui aide ou celui qui est aidé ? Il n'y a pas de plus fort : il y a celui qui protège et donne du repos (Ru 1.9), et il y a celle qui prend soin et qui console. Est-ce mal parler que de dire cela ?

 

Nous ne minimiserons en aucun cas la gravité de ce qu'ont fait les hommes violeurs. Nous ne minimiserons pas non plus la responsabilité collective : les médias progressistes, le cinéma, etc. Nous ne minimiserons pas non plus les conséquences du féminisme revanchard. Elles le paieront très cher, malheureusement.

Ch.N.

 

18 décembre 2024

Ceux qui croient et ceux qui réfléchissent (58)

 

 

 

 

Ceux qui croient et ceux qui réfléchissent

 

Nous connaissions l'expression : Celui qui croyait au ciel, celui qui n'y croyait pas. On la trouve dans le poème d'Aragon La Rose et le Réséda, publié dans la revue Mot d'ordre en 1943, puis dans le recueil La Diane française en 1944. Ce sont deux vers qui reviennent comme un leitmotiv. Quant au poème, il célèbre le courage des hommes qui réussissent à dépasser leurs petites convictions personnelles de religion et de politique en vue d'oeuvrer ensemble pour une noble cause. La rose rouge c'est le communiste, le réséda blanc c'est le catholique.

 

Après avoir participé à la création du mouvement surréaliste en 1918 avec André Breton, Louis Aragon devient communiste en 1930. Surréalisme, communisme... Pour Aragon, croire au ciel ou ne pas y croire relève des ''petites convictions personnelles'' qui ne font de mal à personne et qui ne changent rien à la réalité. On pourrait parler d'une attitude tolérante, ou condescendante. Que met Aragon derrière le mot ciel (sans majuscule) ? On se le demande. Des croyances, des superstitions, des légendes sans doute.

 

L'expression entendue récemment dans les médias va plus loin : Ceux qui croient et ceux qui réfléchissent. Tel quel ! Bon, alors que va-t-on choisir ? La radio de service public ne craint décidément pas de se positionner et de placer ses auditeurs devant un choix qu'ils n'avaient peut-être pas imaginé jusque là. Il était temps !

 

Il paraît que le journalisme professionnel doit annoncer des faits, vérifier ses sources, et adopter une attitude objective certifiée par la science. Donc c'est ainsi : il y a ceux qui croient et ceux qui réfléchissent, que cela plaise ou pas. J'imagine un lycéen qui entend ce diktat. Comment va-t-il organiser son jugement ? En fait, on lui dit que la question est déjà réglée. Soit il ouvre les yeux et il avance, soit il s'inscrit dans le groupe des minables. Tant pis pour les 'grands esprits' croyants qui ont pu exister : Pascal, etc.

 

Ce genre d'intimidation est loin d'être un fait isolé. L'autre jour, lors d'une conférence sur la laïcité, j'ai pu constater à quel point ce principe (la laïcité n'est pas une valeur, c'est un principe) était aisément confondu avec le laïcisme qui est une idéologie qui considère tout discours religieux comme obscurantiste. La laïcité n'est pas 'la religion de ceux qui n'en ont pas' ; elle s'applique à tous, croyants et non croyants, dans le respect des convictions de chacun. Je dis respect, le mot tolérance ne convenant pas. Le laïcisme est bel et bien la religion de ceux qui n'en ont pas. Par le biais d'associations militantes comme l'UFAL, elle investit les écoles et entend imposer sa loi.

 

À l’occasion des 20 ans de la loi de 2004 encadrant le port de signes religieux à l’école, et dans ce même esprit de surveillance, la présidente de la région Occitanie a présenté, le printemps dernier, les grandes orientations du futur « Conseil régional de la laïcité et des valeurs républicaines » Il est à craindre que ceux qui ont choisi de croire soient bientôt priés de se cacher.

Ch.N.

 

16 décembre 2024

La solitude dans l'Eglise (3)

 

 

 

La solitude dans l'Eglise (3)

 

 

1. Impossible d'être seuls !

 

Si je n'avais que 3 minutes pour parler du problème de la solitude, je recommanderais simplement de lire le Ps 139 tous les matins en se levant. (Le Ps 23 n'est pas mal non plus).

 

Pour celui ou celle qui se sent seul dans sa maison ? Eternel, tu me sondes et tu me connais, tu sais quand je m'assieds et quand je me lève ; tu sais quand je marche et quand je me couche.

Pour celui ou celle qui se sent seul dans ce vaste monde ? Où irais-je loin de ton Esprit, et où fuirais-je loin de ta face ? Si je prends les ailes de l'aurore et que j'aille habiter à l'extrémité de la mer, là aussi ta main me conduira.

Pour l'embryon qui se sent seul dans le ventre de sa mère... Quand je n'étais qu'une masse informe, tes yeux me voyaient et sur ton livre étaient tous inscrits les jours qui m'étaient destinés avant qu'aucun d'eux n'existât.

Et pour celui ou celle qui sent sa mort proche... Si je monte aux cieux, tu y es ; si je me couche au séjour des morts, là aussi ta main me conduira et ta droite me saisira.

 

Impossible d'être seul pour un chrétien, quand bien même il le voudrait !1

 

Quelqu'un dira peut-être : C'est facile d'aligner des versets comme cela ! Ces versets n'existent pas pour faire joli ! Ils existent pour nous servir de témoignage : d'autres ont vécu cela, et le savoir nous laisse moins seuls ! Et si nous prenons ces textes au sérieux, ce qu'ils décrivent peut dessiner un paysage devant nos yeux : une réalité porteuse de lumière sur notre âme, qui peut transformer notre ressenti.

 

Je ne vais pas dire que cela dans mon message, mais cela, il faut le dire : être adulte, c'est accepter d'être seul sans se sentir seul – sans se sentir abandonné.

 

Quand, à la fin du Psaume 23, David dit : J'habiterai dans la maison de l'Eternel tous les jours de ma vie (ou : jusqu'à la fin de mes jours), il ne parle pas que de la présence de Dieu : il évoque aussi la présence de ses frères et sœurs dans la foi. Il dit : Je ne suis jamais sans mes frères et sœurs dans la foi, même quand je suis seul.

 

En d'autres termes, la réalité de la communion n'est pas intermittente, elle est continue !

 

2. Le repas du Seigneur

 

Le repas du Seigneur dit cela. Et je pense que vous serez d'accord si je dis que ce repas exprime en même temps notre faiblesse et notre force, ce que nous avons déjà et ce qui nous manque encore. Je ne mangerai plus ce repas avec vous, dit Jésus (Lc 22.16). N'est-ce pas notre solitude ? Avec une communion dès maintenant, et une promesse.

Après avoir dit qu'il était impossible à un chrétien d'être seul (même s'il le voulait), je dirai que le sentiment de solitude est inévitable : à certains moments pour certains, plus souvent – voire très souvent – pour d'autres.

 

* La question personnelle est : Est-ce que je le vis comme un orphelin/une orpheline, ou est-ce que je le vis comme un fils/une fille de Dieu, comme un adulte dans la foi ?

* La question pour l'assemblée est : Que devons-nous à ces personnes en particulier 2?

 

La cène est un engagement de communion. Cela signifie que je pose ma signature au bas d'un texte qui est également signé par le Seigneur et par mes frères et sœurs. La notion d'alliance permet de parler en ces termes : Où que je sois, dès maintenant, je ne suis jamais sans mon Sauveur, ni sans mes frères et sœurs dans la foi. Est-ce tout ?

 

Non. Aussi importants que soit la prédication, l'étude biblique, la réunion de prière ou le repas du Seigneur, ils ne remplacent pas les moments de communion vécus en dehors des réunions, notamment dans les maisons, et pas seulement entre amis. Il y a des chrétiens chez qui personne ne va pour faire une visite fraternelle ; et il y a des chrétiens qui ne mangent jamais à la table de quelqu'un d'autre...

 

3. Les maisons

 

La réalité de l'alliance demande qu'on dise un mot sur les maisons. Souvenons-nous que la première Pâque a eu lieu dans les maisons, en Egypte.

 

Quand on fait des visites à l'hôpital, le désir principal qui s'exprime n'est pas de guérir, c'est de rentrer à la maison. La maison, la Bible permet de le dire, est également un lieu de toute première importance aux yeux de Dieu. Le Dieu de la Bible est un Dieu des maisons avant d'être un Dieu des temples ou des salles de culte.

 

Tout le monde a une maison. Les célibataires, les veufs et les veuves, les personnes divorcées aussi. Bien sûr, le vécu n'est pas identique, mais dans tous les cas, la maison – grande ou petite – est le lieu numéro 1 de la vie chrétienne.

 

Pour la prière évidemment : Prie ton Père qui est là dans le lieu secret (Mt 6.6). On pourrait ajouter pour le chant des cantiques, pour la lecture de la Bible, je ne vous apprends rien. Lire la Bible tout seul, c'est être en compagnie des centaines de milliers qui ont lu ces mêmes passages avant moi. La maison est donc le premier lieu pour écouter ce que Dieu veut me dire, pour apprendre à le mettre en pratique, et pour remporter des victoires (que je sois seul ou en famille, en un sens, cela ne change rien)3.

 

Maintenant, je dois ajouter ceci : manger seul devant son assiette tous les jours, ce n'est pas la fin du monde ; mais ce n'est pas pareil que d'être deux, ou trois, ou plus. Et si nous ne devons pas convoiter la situation des autres, nous n'y sommes pas indifférents !

La communion est une réalité sensible : un rien la réjouit, un rien l'attriste ; comme l'Esprit. Si la coupe est fissurée, elle aura du mal à déborder.

 

La maison, qu'elle soit grande ou petite, riche ou pauvre, c'est le lieu privilégié pour recevoir des visites et pour aller visiter. Franchir le seuil d'une maison n'est jamais banal4. En un sens, c'est faire en plus petit ce que Jésus a fait en venant sur la terre.

 

4. L'assistance destinée aux saints

 

Parmi les implications du repas du Seigneur, il y a aussi l'assistance destinée aux saints (2 Co 9.1). Les saints, c'est qui ? Ce sont les chrétiens. Tous ! Cette assistance ne concerne-t-elle que la nourriture ? Pas du tout !

 

Quand Jacques écrit : Si un frère ou une sœur manquent de la nourriture de chaque jour, ou sont nus... (2.15), il nous rend sensible à des besoins qui peuvent être très divers. Quelqu'un dira peut-être qu'un évier bouché ou une porte qui ferme mal, ce n'est rien. Ce n'est rien si on va bien et si on a une caisse à outils, mais ce n'est pas le cas de tous !

 

Là, il est important de placer les limites au bon endroit. Une personne seule ne peut pas exiger que quelqu'un vienne passer une heure avec elle tous les jours. Et s'il le fallait, cela suppose une organisation qui relève du ministère des diacres, en lien avec les anciens. L'apôtre Paul dit cela : Il ne s'agit pas de vous exposer à la détresse pour soulager les autres, mais de suivre une règle d'égalité : dans la circonstance présente, votre superflu pourvoira à leurs besoins (2 Co 8.13-14).

 

Dans une église en bonne santé, personne ne devrait se sentir surchargé et personne ne devrait se sentir inutile ou abandonné. Les dons de la grâce sont normalement répartis dans ce but. Et Dieu ne se trompe pas !

 

* Frère et sœurs, si un chrétien gémit tout seul dans sa maison, même si personne ne le sait, toute l'église souffre.

 

* Il y a autre chose : le bien que je fais à un chrétien ou une chrétienne, c'est à Christ que je le fais. La parabole de Matthieu 25 le dit clairement5. C'est beaucoup plus grand qu'il n'y paraît. Et c'est Christ qui le fait à travers moi.

 

Le secours de cette assistance, dit Paul, non seulement pourvoit aux besoins des saints, mais il est encore une source abondante de nombreuses actions de grâces envers Dieu ! (2 Co 9.12).

 

Même si c'est fait en secret, cela signifie de la joie dans le ciel !

Ch.N.

__________________

 

Annexes

 

1. Orphelins ou fils ?

 

Je ne vous laisserai pas orphelins, dit Jésus à ses disciples (Jn 14.18). Un orphelin est un enfant dont les parents sont morts. Beaucoup de chrétiens vivent comme des orphelins6.

 

Les orphelins se sentent toujours seuls ; les fils et les filles jamais !

Les orphelins obéissent par crainte, par calcul ; les fils et les filles par amour !

Les orphelins sont perfectionnistes ; les fils et les filles sont dans le repos !

Les orphelins redoutent les échecs ; les fils et les filles sont confiants !

Les orphelins veulent plaire aux hommes ; les fils et les filles veulent plaire à Dieu !

Les orphelins doutent toujours de l'amour ; les fils et les filles en sont certains !

Les orphelins s'inquiètent pour eux ; les fils et les filles aident les autres !

Les orphelins se vantent ; les fils et les filles sont reconnaissants !

Les orphelins peinent dans la prière ; les fils et les filles prient avec spontanéité !

_______________________

 

2. La niche sensorielle

 

Dans son livre : La nuit, j'écrirai des soleils (Odile Jacob, 2020), le neuropsychiatre Boris Cyrulnik explique que pour se développer, l'enfant a besoin d'un environnement favorable, rassurant, qu'il appelle la niche sensorielle.

 

Dans nos sociétés occidentales, cette niche est finalement très restreinte, avec les deux parents et les enfants. Si un des deux parents vient à manquer, la carence est presque inévitable.

Dans les cultures asiatiques ou africaines, la niche sensorielle est plus étendue, comprenant les oncles et tantes et parfois une partie de la tribu. Qu'un des parents vienne à manquer, la carence sera beaucoup moins douloureusement ressentie.

 

Le fait que les parents de Jésus aient marché toute une journée avant de s'apercevoir que leur enfant de 12 ans n'était pas avec eux semble montrer qu'au Proche-Orient, la 'niche sensorielle' était aussi assez large. Cela n'empêche pas de lire que Jésus était soumis à ses deux parents (Lc 2.51).

Cette observation va dans le sens de ce que j'ai appelé une parentalité partagée : dans la communauté (ecclésiale), tout homme a une certaine vocation paternelle, même s'il n'est pas père, et toute femme a une certaine vocation maternelle, même si elle n'est pas mère. Cela doit constituer un soutien pour les parents seuls.

 

Il est évident que, dans cette perspective, la communauté chrétienne constitue une précieuse niche sensorielle.

____________

 

3. Exercez l'hospitalité !

 

Ah ! Si vous saviez comme on pleure de vivre seul et sans foyer, quelques fois devant ma demeure vous passeriez, a écrit Sully-Prudhomme (Poésie, Prière).

 

Exercez l'hospitalité ! écrivent les apôtres (Ro 12.13 ; Hé 13.2 ; 1 Pi 4.9). Ils se situent dans le cadre de la communauté chrétienne – comme d'ailleurs quand ils parlent des pauvres, des veuves et des orphelins. Attention, la communauté chrétienne, ce n'est pas seulement les amis au sein de l'Eglise ! Il se peut que dans les églises certains soient souvent invités et d'autres rarement ou même jamais.

Ayant dit cela, ouvrons aussi nos maisons aux non-chrétiens quand l'occasion se présente. Surprenons les gens en les invitant pour un repas. Apprenons à faire des repas très simples pour inviter plus souvent. Une fois par semaine ce serait bien, si possible !

 

Il y a des personnes qui ne franchissent jamais le seuil d'une autre maison que la leur. Il y a des personnes qui n'ont pas mangé à une table de 3, 4 ou 5 personnes depuis des années. Il y a des personnes âgées qui ne rencontrent que des personnes âgées, etc. Nous pouvons renverser ces cloisons.

 

Nos maisons sont devenues des lieux de refuge. Ce n'est pas tout à fait anormal. Elles doivent devenir aussi des lieux d'hospitalité, des lieux où on s'écoute vraiment. Quand je t'écoute, je te dis que tu existes. L'écoute est un soin. Celui qui est vraiment écouté n'est plus seul ! Si les maisons sont hospitalières, l'Eglise le sera aussi7. Il y a des personnes qui pensent que quand on a un problème, on doit aller dans une église. Allons plutôt dans une maison ! Et les célibataires ? Ils ont bien une maison, généralement. Ils peuvent donc inviter eux aussi ! La porte d'entrée de l'Eglise, ce sont nos maisons.

______________________

 

4. Les personnes âgées sont-elles hors communion ?

 

Voir l'article : http://pasteurchnicolas.canalblog.com/archives/2020/12/18/38684825.html

 

__________________

 

5. La cène et la vie fraternelle

 

La cène est un repas de commémoration, d'annonce et de communion. On pourrait ajouter : de consécration. Il y a à cela de nombreuses incidences. Se réconcilier avec son frère avant d'apporter son offrande (Mt 5.23-25). Veiller les uns sur les autres : si ton frère a péché... (Mt 18.15. Cf. 7.5). S'accueillir dans les maisons : Exercez l'hospitalité... (1 Pi 4.9). Ce qui comprend l'assistance fraternelle : Si un frère manque de nourriture... (Jc 2.15 ; 1 Jn 3.17). Si nous ne voyons pas ce qui ne va pas à ce niveau, le Seigneur le voit. La communion est une réalité sensible : un rien la réjouit, un rien l'attriste, comme l'Esprit. Si la coupe est fissurée, elle aura du mal à déborder.

 

Je crois que toute la vie chrétienne, toute la vie de l'Eglise, toute l'action pastorale et diaconale peuvent se construire autour de la cène, en préparation et en prolongement de celle-ci. La dimension du sacrifice, comme l'Evangile lui-même, est une folie pour ceux qui périssent, mais une puissance pour ceux qui croient (1 Co 1.18).

 

Voulons-nous vivre et voir la dimension du Royaume de Dieu dans l'Eglise ? Comprenons alors que la relation qui va exister entre nous ne peut pas être comparée à celle qui existe entre les hommes en général. Elle sera marquée par l'aptitude au sacrifice qui découle directement de l'Amour de Dieu reçu, et de l'Espérance qu'il nous a acquise. A l'amour que vous aurez les uns pour les autres, tous sauront... Aimez-vous comme je vous ai aimés (Jn 13). Celui qui aime son frère demeure dans la lumière ! (1 Jn 2.10). Comprenons-nous que chacun de ces termes désigne la communauté chrétienne et elle seule ? C'est à cette condition seulement qu'il y aura une démonstration aux yeux de ceux du dehors.

 

L'Amour chrétien n'est pas un amour sentimental. L'Amour dont nous devons nous aimer les uns les autres est celui de Dieu pour son Fils et celui du Christ pour nous. Pour nous spécifiquement (Jn 15.12 ; 17.23, 26).

____________________________

 

Notes :

 

1Je pense au livre de Nicky Cruz : Solitaire, mais jamais seul (Vida, 1981).

2Voir l'article : Les personnes âgées sont-elle hors communion ? https://point-theo.com/les-personnes-agees-sont-elles-hors-communion/

3Si je suis béni dans ma maison, l'église sera bénie. L'église est le prolongement des maisons.

4Faisons des repas plus simples et invitons plus souvent ! Par exemple : pommes de terre à la vapeur (avec une noix de beurre), salade (à l'huile d'olive), fromage et une pomme.

5Etant entendu que les plus petits de mes frères, ce sont les disciples de Jésus. Cf. Mc 9.41-42 ; Ro 15.25-26 ; Hé 6.10... Quand Jacques parle de visiter les veuves et les orphelins, là aussi il parle de frères et de sœurs chrétiens.

6Voir l'annexe 5 sur le repas du Seigneur.

7 La télévision, les écrans, les réseaux sociaux exposent au risque d'isolement et au sentiment d'abandon. Le rythme accéléré de la vie, l'activité professionnelle des femmes aussi, car les maisons sont vides...

____________________

 

 

 

 

 

13 décembre 2024

La solitude dans l'Eglise (2)

 

 

 

 

 

Solitude et maturité (2)

 

 

Vivre la solitude en portant du fruit !

 

Sur mon faire-part de mariage (il y a 45 ans), le verset biblique mentionné était tiré du prophète Esaïe : Le désert et le pays aride se réjouiront ; la solitude s'égaiera et fleurira comme un narcisse (35.1). En hébreu, je le rappelle, le même mot peut être traduit par désert ou par solitude. Le désert, dans la Bible comme dans la réalité, n'est pas un endroit hospitalier. Ce n'est pas un endroit pour vivre.

 

En même temps, on voit que c’est en quelque sorte un passage obligé : Moïse doit vivre pendant 40 ans dans le désert avant de devenir le conducteur du peuple d'Israël – qui lui-même vivra 40 ans dans le désert avant d'entrer dans la terre promise.

Etait-ce facile ? Non. Etaient-ils abandonnés ? Non plus1.

 

Nous nous souvenons que le ministère de Jésus a commencé par 40 jours dans le désert (où il fut conduit par l'Esprit), d'où il est sorti revêtu de la puissance de l'Esprit (Lc 4.14). Le désert est le lieu où le Tentateur se tient tapi. Mais nous voyons qu'après lui avoir résisté à trois reprises, des anges sont venus auprès de Jésus pour le servir.

 

En somme, on ne sait plus si le désert (ou le silence) est un lieu à fuir ou un lieu à rechercher ! Ainsi en est-il de la solitude. N'est-ce pas alors qu'ils étaient seuls que Dieu s'est révélé à Moïse ? à Elie ? au fils prodigue ?

 

Nous pourrions remplacer les mots désert et solitude par le mot épreuve – en nous rappelant que le même mot, en grec, peut être traduit par tentation. Toute épreuve n'est-elle pas accompagnée d'une tentation ? Et toute tentation ne constitue-t-elle pas une épreuve ? Pourquoi une épreuve est-elle envoyée ou permise par Dieu2 ? Pour nous faire tomber ou pour nous faire grandir ? Je me souviens d'un chrétien âgé qui m'avait dit, alors que je le quittais : Ne priez pas pour que j'aille mieux, priez pour que je sois fidèle.

 

Existe-t-il un seul disciple au monde qui puisse avancer et grandir sans être confronté à l'épreuve ? La réponse est non. C'est là que nous apprenons ! L'humilité précède la gloire (Pr 15.33 ; 18.12). C'est un principe clé du Royaume de Dieu.

 

J'ai retenu 4 points pour avancer de manière aussi concrète que possible.

 

1. Accepter la situation que Dieu permet

 

Ne pas le faire, c'est sortir de la foi. Je devrais accepter toute situation que Dieu permet, même non idéale (Lam 3.39). D'ailleurs aucune situation n'est idéale. Le propre de la grâce de Dieu est de se manifester dans des situations qui ne sont pas idéales.

Arrêtons de rêver ! Laissons les rêves à ceux qui n'ont pas la foi, à ceux qui sont sans espérance. Ils sont obligés de rêver pour survivre, en quelque sorte. Mais ce n'est pas notre cas ! Le propre de la joie que donne le Saint-Esprit est de demeurer quand la situation n'est pas idéale. (Se réjouir quand tout va bien, même les païens savent le faire !).

 

Je ne vais pas faire la liste des situations non idéales – voire très inconfortables – dans lesquelles les personnages bibliques se sont trouvés ! Plus d'une fois, ils auraient pu dire : Seigneur, il y a une erreur ! Je pense à Joseph : Potiphar pris Joseph et le mit à la prison ; et il fut là en prison. L'Eternel fut avec Joseph et il étendit sur lui sa bonté (Gn 39.20-21). Vous connaissez l'histoire. Je lis au chapitre suivant : Le chef des échansons (qui a été libéré) ne pensa plus à Joseph. Il l'oublia. Au bout de deux ans, Pharaon eut un songe... (40.23-41.1). Dieu avait-il oublié Joseph ? Certainement pas. Mais les circonstances, il faut le reconnaître, auraient pu le faire croire.

 

Demain matin, nous parlerons de l'assistance que l'église doit à ses membres les plus vulnérables. C'est une des tâches du diaconat dans l'église. On peut mentionner les membres âgés, les membres malades, les membres seuls et les membres démunis. Pour chacun d'eux la solitude peut devenir une épreuve redoutable : Le Seigneur m'abandonne, l'assemblée m'abandonne... Nous verrons qu'il n'y a pas rien à faire !

 

Dans tous les cas, je devrais accepter la situation que Dieu permet (Lament. 3.37-39). Ne pas le faire, c'est augmenter ma peine ; c'est sortir de la foi.

 

2. Ne pas me victimiser

 

Cela fait suite à ce qui précède. Je le mentionne pour trois raisons. 1. c'est une tentation naturelle, 2. c'est une mentalité qui est encouragée aujourd'hui, 3. c'est un piège redoutable. Quand les apôtres ont été battus de verges, ou quand Paul et Silas se sont retrouvés dans un cachot, ils n'ont pas créé une association de victimes.

 

La victimisation considère qu'il est injuste de souffrir. La Bible ne dit pas exactement cela. La Bible dit plutôt : Nous pourrions souffrir bien davantage, mais Dieu retient (restreint) les effets du mal – de telle sorte que nous devrions être reconnaissants en tout temps (Ep 5.20 ; Co 3.15 ; 1 Th 5.18). La victimisation déresponsabilise (c'est aux autres de s'occuper de moi) et elle pousse à la colère (regardez après les catastrophes naturelles).

 

Une des tentations est de penser que je suis le seul (la seule) à souffrir comme cela. Ce n'est pas juste. L'apôtre Pierre écrit : Résistez (au Tentateur) avec une foi ferme, sachant que les mêmes souffrances sont imposées à vos frères dans le monde (1 Pi 5.9). Quel encouragement de savoir que des frères et des sœurs luttent comme moi ! Beaucoup de cantiques le disaient, autrefois.

 

Enfin, je pense à Rachel, dont il est dit qu'elle refusa d'être consolée (Mt 2.18). Rachel a perdu deux enfants de moins de deux ans. Mais il y a une consolation pour cela... Tandis que si elle refuse d'être consolée, elle s'isole avec son malheur... Elle sort de la foi.

 

3. Ne pas convoiter la situation d'un autre

 

Ce point fait suite au précédent. Dans le décalogue, il est écrit de ne pas dérober. On le comprend. Mais pourquoi est-il aussi écrit de ne pas convoiter ? Cela ne nuit pas aux autres ! Quand Jésus dit que celui qui regarde une femme pour la convoiter a commis un adultère, on comprend que même si personne ne s'en rend compte, cette attitude est injuste et destructrice. Elle est donc à éviter ! Elle est le contraire du contentement.

 

Paul écrit que c'est une grande source de gain que la piété avec le contentement (1 Tm 6.6). Cela rejoint ce que dit Jésus dans les Béatitudes, notamment la 3ème : Heureux les débonnaires, car ils hériteront la terre (Mt 5.5). Le débonnaire, c'est celui qui ne réclame rien. Il dit merci pour ce qu'il a. Il est dans le contentement. Et c'est lui qui héritera la terre ! Le contentement est une source de gain, tandis que la convoitise est une source d'appauvrissement. Le Seigneur est mon berger, je ne manquerai de rien !

 

Convoiter, c'est rêver... C'est un piège. Paul écrit : J’ai appris à être content de l'état où je me trouve. Je sais vivre dans l'humiliation, et je sais vivre dans l'abondance. En tout et partout j'ai appris à être rassasié et à avoir faim, à être dans l'abondance et à être dans la disette (Ph 4.11-12). C'est la dimension du Royaume de Dieu.

 

4. Le refus de la solitude est un refus de Dieu

 

Le refus de la solitude (du silence, aussi) est un refus de Dieu. Nous pourrions en parler longuement. L'acceptation de la solitude honore Dieu. Paul le dit aux couples mariés : Ne vous privez pas l'un de l'autre, si ce n'est pour un temps, pour vous attacher à la prière (1 Co 7.5, 34). C'est comme si Dieu pouvait devenir jaloux de l'intimité du couple qui mettrait l'intimité avec Dieu au second plan3.

 

A l'inverse, le célibat (mais aussi le veuvage et tout autre forme de solitude) constitue un appel à la consécration dans la perspective de la nouvelle alliance : l'appel premier n'est plus de remplir la terre en ayant des enfants, mais de faire de toutes les nations des disciples et de hâter la venue du Royaume de Dieu (2 Pi 3.12). La fécondité biologique demeure bien sûr, mais la priorité devient la fécondité spirituelle. Ainsi, le mariage a une vocation très haute, comme image de la relation entre Christ et son Eglise. Mais le célibat aussi, qui dit la suffisance de Christ4.

 

Laissons les rêves à ceux qui n'ont pas d'espérance. Donnons à l'espérance, l'ancre de l'âme (Hé 6.19), la place qu'elle mérite5, à côté de la foi. L'espérance éclaire le visage !

 

La maturité, pour le chrétien, c'est d'accepter d'être seul sans se sentir abandonné.

La maturité pour l'Eglise, c'est que personne ne se sente abandonné.

Ch.N.

 

___________________

 

Notes :

 

1J'ai lu une étude d'un médecin de la Leche league qui recommandait aux mamans de laisser leurs jeunes enfants jouer tout seuls, dans la pièce à côté. C'est là qu'ils construisent peu à peu leur personnalité.

2Voir en annexe 2 quelques mots sur la nouvelle traduction du Notre Père : Ne nous laisse pas entrer en tentation.

3Dans le même chapitre, Paul insiste en écrivant : Que ceux qui sont mariés soient comme ne l'étant pas (7.29).

4Voir l'annexe 3 sur la vocation du célibat. Toute personne, même célibataire, peut devenir un père ou une mère spirituels. Paul et Jean n'avaient pas d'enfants, mais ils écrivent “mon enfant” ou “mes enfants” (2 Tm 2.1 ; 1 Jn 2.1).

5Voir l'annexe 4 sur l'espérance.

____________________________

 

 

 

Annexes

 

1. Ne nous laisse pas entrer en tentation ?

 

Extraits d'un article de Hans-Christoph Askani : Une tentation à prix réduit.
A propos de la nouvelle traduction du Notre Père. Revue ETR, 2014/2

 

Examine-moi, Seigneur, soumets-moi à l’épreuve, passe au feu mes reins et mon cœur1 (Ps 26,2).

 

Le 22 novembre 2013, une nouvelle traduction de la Bible est parue : La Bible. Traduction officielle liturgique. Comme son nom l’indique, ses textes serviront de base pour la liturgie de l’Église catholique dans les pays francophones. La plus « spectaculaire » innovation de cette traduction se trouve en effet dans le texte du Notre Père, à la sixième demande : Et ne nous soumets pas à la tentation ! [devient, avec la nouvelle traduction] : Et ne nous laisse pas entrer en tentation !

 

Pourquoi veut-on aujourd’hui « à tout prix » éloigner Dieu de la tentation, et la tentation de Dieu ?

Si tu ignores ou si tu ne reconnais pas ta misère ou si tu n’as pas de tentation, sache que tu es dans la pire des situations. Car la plus grande des tentations est de te sentir si obstiné, si endurci, si insensible, qu’aucune tentation ne t’émeut, écrit Martin Luther.

 

Avec ces paroles dans l’oreille, on a l’impression que cette nouvelle traduction voulait à tout prix chasser toute ombre d’une expérience de Dieu qui comporte cette dimension de profondeur. Il faut que tout corresponde au fonctionnement de l’homme moderne, de sa rationalité et de son désir, et que les hauts et les bas de l’existence humaine rentrent dans la sphère de sa maîtrise. Ainsi, le souci le plus grand est de protéger non seulement l’homme contre les tentations, mais Dieu aussi et Dieu surtout ! Qu’il n’ait rien à faire avec les tentations ; qu’il soit disculpé. (...)

 

Et Jésus ? N’a-t-il pas été tenté lui aussi ? Bien sûr, la Bible nous le raconte. Cependant, ne souligne-t-elle pas qu’à l’origine de ses tentations était Satan ? (Mt 4,1-11). À vrai dire, il faut constater que non. Les choses sont plus compliquées. Déjà le premier verset l’indique : Alors Jésus fut conduit par l’Esprit au désert... Par l’Esprit. Mais plus important : Jésus lui-même a compris que les questions auxquelles le diable le confronte, sont au fond des questions qui concernent son rapport avec Dieu. La grande question à laquelle Jésus est exposé au début de sa mission est celle de savoir comment il comprend le fait qu’il est l’envoyé de Dieu : le Messie. Va-t-il comprendre cette mission selon les catégories des hommes de son temps (et de tous les temps) qui désirent avoir un Messie qui prouve sa puissance de manière visible pour tout le monde ? Ou va-t-il entrer dans cette mission selon la volonté de Dieu : Dieu qui veut devenir homme et qui se soumet à la condition humaine ?

 

L’autre grande tentation de Jésus a eu lieu à Gethsémané. De nouveau elle ne vient pas de Satan. Elle se joue uniquement entre Jésus et son Père : est-ce que Jésus se saura abandonné par Dieu face à la mort ou non ? Car en effet, si Jésus entrait héroïquement dans la phase finale de sa vie (la captivité, le procès et la crucifixion) sans le moindre doute que Dieu est avec lui, sans le moindre doute que Dieu va l’emporter contre la mort, alors aucune tentation n’aurait lieu, et la foi des croyants de tous les temps pourrait se consoler et se rassurer en regardant l’exemple de la foi inébranlable de Jésus. Est-ce vrai que Jésus ne fut pas ébranlé ? Est-ce cela que le récit nous raconte ? Ne nous raconte-t-il pas un drame qui se joue entre Jésus et sa foi en Dieu ? Un drame dont l’enjeu se laisse formuler en une seule question : est-ce que Jésus va accepter que Dieu – même face à la mort qui est toute proche – soit son Dieu, ou est-ce qu’il va désespérer non seulement de son destin, mais aussi de Dieu ? Voilà la question, la situation de la tentation. Quelle est la réponse de Jésus ? Qu’il n’est pas désespéré ? qu’il n’est pas angoissé ? qu’il n’est pas ébranlé dans sa foi ? Ou plutôt qu’au milieu de son angoisse, de son désespoir, de sa solitude, il sait qu’il peut s’adresser à son Père : Mon Père […] non pas comme je veux, mais comme tu veux ! (Mt 26,39, cf. 42).

 

Et si nous étions ici, exactement ici, dans la proximité la plus grande avec le Notre Père, et avec sa sixième demande en particulier : non pas que la tentation nous soit épargnée, mais que Dieu, dans la tentation, continue à être notre Dieu ! – Et non seulement un Dieu lointain, mais le Dieu auquel nous pouvons nous adresser ; avec lequel nous pouvons parler parce que Jésus nous a appris qu’il nous écoute.

_____________

 

2. Célibataire, un juste choix de vie ?

 

Ecouter Marjorie Legendre (6 minutes) : https://www.youtube.com/watch?v=zxC0nOhYMoc

Elle mentionne le livre de Barry Danylak : Le célibat réhabilité, signe du Royaume qui vient (Excelsis, 2012). On peut citer aussi :

7 mensonges sur le célibat, de Sam Allberry (BLF édition/JPC France, 2021).

La solitude spirituelle dans le couple, de Marion Stroud (Farel, 2000).

Surmonter la perte du conjoint, de Robert de Vries et Suzanne Zonnebelt-Smeenge (LLB, 2001).

_______________

 

3. L'espérance conditionne la marche

 

L'Espérance est pour beaucoup une réalité abstraite. Abraham quitta tout et partit (c'était la Foi) car il attendait la cité qui a de solides fondements, celle dont Dieu est l'architecte et le constructeur (c'était l'Espérance). Il fallait les deux !

 

Il est dit de Jésus qu'en vue de la joie qui lui était réservée, il a souffert la croix et méprisé la honte (Hé 12.2). L'Espérance de Jésus a fortifié sa foi et lui a permis de tenir ferme au milieu des pires oppositions. Si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l'attendons avec persévérance (Ro 8.24).

 

Est-ce un détail de la vie chrétienne ? Voilà un chrétien gravement malade. Que faire ? La Foi s'attend à la puissance de Dieu qui guérit. Et si Dieu n'accorde pas la guérison ? Alors l'Espérance porte ses regards sur la résurrection à venir. Toutes nos prières ne sont pas exaucées, n'est-ce pas ? Les corps incorruptibles, c'est pour plus tard !

 

L'Espérance (et pas seulement la Foi) modifie notre manière de vivre. La Bible parle des hommes qui sont sans espérance et sans Dieu dans le monde. Quelle tristesse ! Cela concerne-t-il seulement l'au-delà ? Pas du tout. Si les morts ne ressuscitent pas, mangeons et buvons car demain nous mourrons (1 Co 15.32). Les chrétiens aussi mangent et boivent ! Mais le font-ils de la même manière que ceux qui n'ont pas d'espérance ? Normalement, non. L'usage des biens matériels, le mariage, l'activité professionnelle, l'engagement citoyen... tout est conditionné par l'Espérance qui nous habite – ou par l'absence d'Espérance. Le monde nous le montre tous les jours !

 

Beaucoup de chrétiens cherchent à nourrir leur Foi, mais ils négligent la dimension de l'Espérance. Il est vrai que celle-ci est difficile à affirmer aujourd'hui, plus que la foi. Il faut vivre au présent, dit-on. Ce n'est pas faux. Mais si l'Espérance manque, la Foi risque de s'épuiser. Et l'Amour aussi. C'est ce qui arrive souvent...

 

Deux personnes marchent sous la pluie. Une d'elles ne sait pas où elle va ; l'autre le sait et c'est un endroit magnifique. Croyez-vous que ces deux personnes vont voyager de la même manière ? En un sens oui... Mais en réalité pas du tout ! Une des deux ne voit que le chemin (et ses rêves ?).

L'autre voit déjà le pays promis, plein de lumière. Rien ne l'arrêtera !

 

_______________

 

Notes :

 

1Nous nous souvenons que le même mot peut être traduit par tentation ou par épreuve.

________________

 

 

 

Publicité
Publicité
11 décembre 2024

La solitude dans l'église (1)

 

 

Il n'est pas bon que l'homme soit seul (1)

 

 

Si nous cherchons des citations d'auteurs sur la solitude, nous en trouverons beaucoup, et nous remarquerons que certaines sont positives tandis que d'autres sont négatives.

Une positive : Une seule chose est nécessaire : la solitude. La grande solitude intérieure. Aller en soi-même et ne rencontrer pendant des heures personne, c'est à cela qu'il faut parvenir (Reiner-Maria Rilke, Lettre à un jeune poète).

Une négative : Il est des solitudes que rien ne meuble, des solitudes sans les bienfaits de la solitude, des solitudes de mort (Robert Sabatier, Le livre de la déraison humaine).

Elle est souvent une épreuve : Tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre (Pascal, Pensées).

 

En hébreu, le même mot peut se traduire par désert ou par solitude. Le désert, c'est le lieu où Dieu se révèle. C'est aussi le lieu où le diable se tient tapi. On pourrait dire qu'il en est de la solitude comme du désert : elle peut être féconde ou mortelle.

 

1. Commencer par Dieu

 

Je pourrais commencer à la manière d'un sociologue en évoquant les innombrables situations de solitude qui peuvent exister. [On dit qu'à Paris une personne sur deux vit seule. J'ai entendu il y a quelques jours l'expression “épidémie de solitude”]. Mais je voudrais commencer par Dieu. Je crois qu'il faut toujours commencer par Dieu !

 

Ce qu'on peut dire, c'est que Dieu n'est pas seul ! C'est un Dieu d'amour et de communion. Retenons ces deux mots, car ils nous concernent aussi. Quand nous lisons l'expression : 'l'Eternel des armées', cela n'évoque pas des soldats, mais la multitude des êtres célestes qui sont auprès de Dieu, qui le servent et l'adorent1.

 

La prière de Jésus en Jean 17 va plus loin en évoquant une communion en Dieu, entre le Père et le Fils. Puis, parlant de ceux qui croiraient en lui, Jésus dit : Qu'ils soient un comme toi, père, tu es en moi, et comme je suis en toi (17.20-21).

 

Il y a donc trois niveaux de communion : en Dieu, entre Dieu et nous, et entre nous, comme disciples de Jésus. L'agent de cette communion, c'est le Saint-Esprit2. Jean écrit : Notre communion est avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ. Nous pourrions presque nous arrêter là et dire que la question est réglée !

 

Ce n'est pas si simple, mais il me semblait important de commencer comme nous l'avons fait. Le monde se contente souvent de pis-aller : les apéritifs, le réseau associatif, etc. C'est bien, mais en tant que chrétiens nous devons aller plus loin.

 

2. Le doute quant à l'Amour

 

On utilise le mot 'amour' à tort et à travers du matin au soir3. Il y a beaucoup de doutes sur l'amour dans les cœurs..., et donc beaucoup de solitude4. Plus la société s'éloignera de Dieu, plus cela s'accentuera5. Je pense bien sûr aux paroles de Jésus : Parce que l'iniquité se sera accrue, l'amour du plus grand nombre se refroidira (Mt 24.12).

 

L'Amour véritable est plus rare qu'on le pense. L'apôtre Paul affirme que l'on peut distribuer tous ses biens pour la nourriture des pauvres sans Amour (1 Co 13.3). Cela fait froid dans le dos. On parle aujourd'hui de “sexualité récréative”. Cela signifie sans amour. Après on s'étonne... Sans Amour, cela signifie avec solitude.

 

Paul écrit aussi, à la fin de ce chapitre, que l'Amour est en réalité indissociable de la Foi et de l'Espérance. Cela signifie que les trois ont une même origine (Dieu) et un même vecteur (le Saint-Esprit). On l'oublie. L’Amour de Dieu est versé dans nos cœurs par le Saint-Esprit (Ro 5.5). En d'autres termes, il n'y a pas d'Amour véritable sans la Foi et sans Espérance. Jean, en effet, écrit : Nous avons connu l'Amour en ce qu'il a donné sa vie pour nous (1 Jn 4.20-5.1). Le repas du Seigneur dit cela. Sans Espérance, pas d'Amour.

 

Le ''problème'', avec l'Amour de Dieu, c'est que les hommes le recherchent et le craignent en même temps. Ils le craignent ? Oui, parce que l'amour nous brise avant de nous enrichir. Si l'Amour de Dieu est ignoré, ou pas communiqué, ou refusé... comment s'étonner qu'il y ait tant de situations de solitude mal vécue ?6

 

3. L'Amour de Dieu en nous

 

Quand Jésus dit à ses disciples : Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres (Jn 13.34), il ne dit pas d'imiter seulement ; ce serait de la morale. Il dit : De l'amour dont je vous ai aimés, aimez-vous maintenant les uns les autres. Cela signifie que l'amour dont nous nous aimons, c'est l'Amour même de Jésus pour nous – c'est aussi l'Amour du Père pour Jésus ! C'est le même, puisqu'il n'y en a pas d'autre !

La grâce de Dieu va jusque-là, frères et sœurs !

 

Je voudrais rappeler ici la greffe dont parle Jésus dans la parabole du cep et des sarments. C'est la vie du cep dans les sarments ! C'est inimaginable. Paul dit que nous sommes devenus une même plante avec Jésus (Ro 6.5). Que faut-il faire ? Demeurer en lui et lui en nous (Jn 15.5. Cf. 17.20s). Ce n'est pas une action, c'est une position (comme dans le Psaume 23). J'imagine Jésus comme un cercle (à la fois bien défini et très grand). Il faut demeurer dedans. Ne pas en sortir, quoi qu'il arrive. Se tenir plutôt au centre que sur les bords. Et si on en sort, y revenir bien vite ! Alors, fini la solitude !

 

4. Pour que vous soyez en communion

 

Le mot communion dit cela. Nous vous écrivons cela pour que vous soyez en communion avec nous et que votre joie soit parfaite, dit Jean (1 Jn 1.3-4). Ce n'est pas un idéal. Ce ne sont pas que des mots. C'est une réalité.

 

Cette réalité rend indissociable, pour un chrétien, l'Amour pour Dieu et l'Amour pour les frères et sœurs dans la foi. Nous avons ce commandement : Que celui qui aime Dieu aime aussi son frère (1 Jn 4.21). Aimer les frères et les sœurs dans la foi est une manière réelle d'aimer Dieu. Je lis dans la lettre aux Hébreux : Dieu n'est pas injuste pour oublier votre travail et l'amour que vous avez montré pour son nom, ayant rendu et rendant encore des services aux saints (6.10). Les saints, ce sont les frères. C'est le sens de la fameuse parabole de Matthieu 25 : C'est à moi que vous l'avez fait (25.40).

 

Le mot frère, en effet, désigne les disciples, vous le savez. C'est ainsi. Nous avons connu (découvert, goûté) l'amour en ce qu'il a donné sa vie pour nous : nous aussi nous devons donner notre vie pour les frères. Si quelqu'un possède les biens du monde et que, voyant son frère dans le besoin, il lui ferme ses entrailles, comment l'amour de Dieu demeure-t-il en lui ? Petits enfants, n'aimons pas en parole et avec la langue, mais en actions et avec vérité (1 Jn 3.16-18). L'Evangile n'est ni un idéal ni une utopie.

 

Dans la lettre aux Romains (12.12-13), Paul écrit : Priez sans cesse, pourvoyez aux besoins des saints. On retrouve la double communion. Cette communion comprend donc l'assistance destinée aux saints (2 Co 9.1, 12).

 

Le mot assistance est très concret. Il signifie apporter ce qui manque. Il peut s'appliquer à un très grand nombre de situations dans l'église, notamment pour les personnes âgées, les personnes malades, les personnes seules, les personnes démunies. Il y en a ! Seulement dans l'église ? Dans un premier temps oui, car les saints, ce sont les chrétiens ! Et pas seulement le dimanche !

 

Les maisons sont sans aucun doute les lieux principaux pour vivre cette assistance. Si nous le vivons correctement, il y aura nécessairement un témoignage, un débordement sur ceux qui sont au dehors.

 

Notez que cette communion est une réalité qui demeure quand on n'est plus ensemble. On pourrait parler de solitude habitée7. Est-ce sentimental ? Non, c'est spirituel. C'est pourquoi j'ai précisé tout à l'heure que l'Amour, sur cette terre, a besoin de la Foi et de l'Espérance. N'oublions pas cela – sinon, nous allons tomber dans des imitations...

 

Ce que cette réalité implique, normalement, c'est la fin du sentiment d'abandon. Le sentiment d'abandon, c'est le pire. Etre abandonné dans un château plein d'or, c'est affreux. Mieux vaut être en communion dans une cabane !

__________________

 

Annexes

 

1. Qu'est-ce que la vraie foi ?

 

Qu'est-ce qu'une vraie foi ? Ce n'est pas seulement une connaissance certaine par laquelle je tiens pour vrai tout ce que Dieu nous a révélé par sa Parole ; mais c'est aussi une confiance du cœur que l'Esprit Saint produit en moi par l'Evangile et qui m'assure que ce n'est pas seulement aux autres mais aussi à moi que Dieu accorde la rémission des péchés, la justice et le salut éternels, et cela par pure grâce et par le seul mérite de Jésus-Christ. Question 21 du Catéchisme de Heidelberg (1563).

 

_________________________________

 

Notes :

1Le prof. H. Blocher suggère finement que les animaux sont sur la terre une cour pour l'homme comme les anges le sont pour Dieu dans le Ciel. Les animaux sont en effet intentionnellement créés pour être une compagnie (Gn 2.18-19).

2Voir, en annexe 1, la première question du Catéchisme de Heidelberg.

3Un reportage parle de “la saison des amours” entre les biches et les cerfs, dans la forêt... De quel amour parle-t-on ?

4Avoir le courage de ne pas être aimé – “Le best-seller venu du Japon. Plus de 3,6 millions d'exemplaires vendus”.

5Erwan Cloarec, président du CNEF, écrit : Nous assistons au retour du paganisme, avec ses anciennes sagesses et ses anciennes barbaries (Les Cahiers de l'Ecole pastorale, été 2024).

6 Si Dieu existe ou s'il n'existe pas, cela fait une énorme différence pour la vie humaine. Si c'est le cas, il faut bien y consacrer un peu de temps, écrit Pierre Manent (Pascal et la proposition chrétienne, Grasset, oct. 2022).

7J'habiterai dans la maison de l'Eternel jusqu'à la fin de mes jours peut signifier : Je ne suis jamais sans mes frères, même quand je suis seul !

______________________________

 

 

 

 

 

9 décembre 2024

Veiller sur ma maison (3)

 

 

 

Veiller sur ma maison (3)

 

 

1. La première habitation, c'est le cœur

 

Plus un sujet est important, plus il importe de remonter à la source, aux racines. Vous ne serez pas étonnés, alors, que je cite cette parole de Moïse : Ecoute Israël ! L'Eternel notre Dieu est l'Eternel UN. Tu aimeras l'Eternel ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. Et ces commandements que je te donne aujourd'hui seront dans ton cœur. Tu les inculqueras à tes enfants, et tu en parleras quand tu seras dans ta maison, quand tu iras en voyage, quand tu te lèveras et quand tu te coucheras (Dt 6.4-7).

 

Le cœur et la maison sont liés. Le cœur vient en premier. Il n'est pas question de tabernacle, de synagogue, de temple ou de d'église dans ce passage1.

 

Le cœur comme sanctuaire est une réalité amplement dévoilée dans le Nouveau Testament. C'est là que l'Amour de Dieu est versé par le Saint-Esprit (Ro 5.5), que l'Esprit de Dieu témoigne à notre esprit que nous sommes ses enfants (Ro 8.16). Le cœur est le lieu d'où part le désir de s'approcher de Dieu (Ps 84.3). C'est aussi le lieu que Dieu désire : Mon fils, donne-moi ton cœur (Pr 23.6). Croyez-vous que l'Écriture parle en vain ? C'est avec jalousie que Dieu chérit l'esprit qu'il a fait habiter en nous (Jc 4.5). Notre cœur est une habitation, une demeure, un temple où le Seigneur désire résider (1 Co 3.16 ; 6.17).

 

2. Ensuite, c'est la maison

 

Souvenons-nous du sang de l'agneau sur le linteau des portes des maisons, en Egypte. Si un Egyptien avait demandé à entrer dans cette maison, il aurait échappé au jugement. Souvenons-nous aussi de cette parole de Josué : Moi et ma maison, nous servirons l'Eternel (Jos 24.15. Cf. Ac 16.31).

 

Une des convictions qui se sont forgées lors de mon temps de ministère pastoral est la suivante : ce qui se vit dans les maisons influence nécessairement et fortement la vie de l'église, plus que l'inverse. En d'autres termes, l'Eglise peut avoir un excellent enseignement sans que cela transforme la manière de vivre... Par contre tout problème non réglé – mais aussi toute bénédiction – vécus dans la maison se répercutent automatiquement dans la vie de l'Eglise.

 

Notez que le lieu privilégié que Jésus désigne, ce n'est pas la cuisine ou la salle à manger, c'est la pièce la plus retirée, porte fermée, comme lieu d'intimité avec Dieu. Prie ton Père qui est là dans le lieu secret (Mt 6.6). Cela nous parle aussi du cœur, évidemment.

Calvin écrit que la maison de chaque chrétien doit être gouvernée comme une petite église. Cela ne signifie pas qu'on y lit la Bible ou chante des cantiques du matin au soir, mais que l'on y cherche toujours ce qui plait à Dieu (1 Th 4.1).

 

Gouverner, c'est tenir le gouvernail : Calvin entend par là que les parents ont un ministère de la part de Dieu, comme des pasteurs, et qu'à ce titre ils doivent donner l'exemple ; il dit que les enfants doivent écouter comme des disciples, qu'ils doivent eux aussi être écoutés ; que parents et enfants doivent être prêts à demander pardon et à développer, dans la maison puis au dehors, un esprit de service2, “comme pour le Seigneur”. Si c'est fait à la maison, normalement c'est gagné.

 

D'abord à la maison, cela ne signifie pas que celle-ci est plus importante que l'église. Cela signifie qu'il faut commencer par la maison. L'apôtre Paul le dit à Timothée assez clairement : Si quelqu’un ne sait pas diriger sa propre maison, comment prendra-t-il soin de l’Eglise de Dieu ? (1 Tm 3.4-5).

 

On est loin du tabou de la vie privée que l’on observe aujourd’hui, qui peut constituer un sérieux obstacle au développement de l’Eglise. L’interdit qui causa la défaite du peuple d’Israël devant la ville d’Aï était caché sous le tapis d’une tente et personne ne le savait (Jos 7.8-23).

 

Lorsque Jésus fut arrivé à cet endroit, il leva les yeux et dit : Zachée, hâte-toi de descendre, car il faut que je demeure aujourd'hui dans ta maison (Lc 19.5). Ne trouvez-vous pas que c'est curieux ? Jésus aurait pu dire : Il faut que je demeure dans ta vie, ou dans ton cœur. Il dit dans ta maison.

 

Cette parole de Jésus nous rappelle que pour Dieu, la maison d'un chrétien est un lieu de toute première importance. Nous ne devrions jamais l'oublier. A la fin de cet épisode, Jésus dit : Le salut est entré aujourd'hui dans cette maison (v. 9).

 

L’Eglise n’est pas une réalité située à côté des maisons : l’Eglise est le prolongement direct de ce qui se vit dans les maisons. Ainsi, je me demande si on peut réellement prier au temple, chanter des cantiques et écouter la Parole de Dieu, si on ne l’a pas d’abord fait à la maison, tout seul ou en famille.

 

L’écoute, le respect, l’obéissance, le pardon, où cela va-t-il s’apprendre, si ce n’est dans la maison ? La responsabilité, la générosité, l’hospitalité, où cela va-t-il s’exercer d’abord, si ce n’est dans les maisons ? Les dons reçus de Dieu, le devoir partagé, le souci des autres, l'esprit de service, où cela va-t-il se développer en premier, si ce n’est dans la maison ? Pas seulement dans la maison, mais d’abord à la maison ! Et si j'habite seul dans ma maison ? C'est pareil.

 

3. La maison, un lieu saint

 

Et si une seule personne est chrétienne dans cette maison ? La maison est sanctifiée, dit Paul, avec tous ceux qui y habitent (1 Co 7.14).

 

Personne d'entre nous ne peut diriger le pays, la ville ou même la rue. Mais nous devons diriger (orienter) notre maison de telle sorte que Dieu y soit honoré.

Quand Jésus dit : Entre dans ta chambre et prie, quand Paul invite les couples à se séparer pour un temps afin de s'attacher à la prière (1 Co 7.5), ils nous parlent d'une autre intimité qui remet Dieu au centre, par amour pour lui3. C'est exactement le sens de l'expression : Que ton Nom soit sanctifié4. Est-ce une pénalité ? Bien au contraire.

 

Par exemple, Pierre écrit aux maris : Maris, montrez de la sagesse dans vos rapports avec vos épouses, comme avec un sexe plus vulnérable. Qu'il en soit ainsi afin que rien ne vienne faire obstacle à vos prières (1 Pi 3.7). Obstacle à la prière ? On n'y avait pas pensé. Ce qui se vit dans les maisons affecte directement ce que vit l'Eglise, en bien ou en mal, même si personne ne le sait.

 

Nos maisons sont transparentes, pour Dieu. Est-ce une mauvaise nouvelle ? Normalement non !

 

Toute fidélité à la maison, tout pardon accordé ou reçu, toute victoire portera des fruits à l'extérieur, à commencer par l'église. Toute défaite aussi, malheureusement.

 

Je remarque que l'expression diriger sa maison concerne aussi les femmes (1 Tm 5.14 ; Pr 1.8 ; 6.20). A cet égard, le livre des Proverbes est éloquent, qui associe l'homme et la femme dans l'édification de la maison – ou de la maisonnée : La femme sage bâtit sa maison (Pr 14.1 ; 31.27).

 

4. La maison, un lieu de repos

 

Tout cela peut paraître fort difficile, parfois éreintant. Comme dans l'Eglise ! C'est pourquoi, en dernier lieu, j'évoque le repos. La vie chrétienne commence par un repos. Sinon, nous sommes sous le régime de la loi, pas sous celui de la grâce.

 

Jésus, un jour, a dit à ses disciples : Dans quelque maison que vous entriez, dites d'abord : Que la paix soit sur cette maison ! (Lc 10.5). C'est aussi comme cela que Paul introduit ses lettres (1 Th 1.1). Comment prier si on n'est pas d'abord dans le repos ? Le repos dont je veux parler est à la fois une conséquence de la prière et une condition pour la prière. Comment vont nos maisons ?

 

Je pense souvent à ce que Naomi a dit à ses deux belles-filles : Que l’Eternel vous fasse trouver du repos dans la maison d'un mari (Ru 1.9). Pour devenir paresseuses ? Pas du tout. Pour qu'elles puisent leur force dans ce repos.

 

Cela rappelle cette parole de Paul à Timothée : Mon enfant (expression qui associe la maison et l'Eglise), puise ta force dans la grâce qui est en Jésus-Christ (1 Tm 2.1). Vous imaginez une force qui puise ses racines dans la grâce ? C'est Proverbes 31 !

 

Il en est de même pour l'Eglise. L'Eglise doit d'abord être en repos avec le Seigneur, et c'est de ce repos-là que doit sortir toute œuvre, tout combat, toute persévérance, tout témoignage. Tout ce que fait le chrétien, tout ce que fait l'Eglise, doit puiser dans le repos de la foi. Sinon, il n'y aura pas la bonne odeur de Christ ; seulement la transpiration... Le creuset de cela, c'est la maison.

 

Deux conditions doivent être remplies pour vivre et garder ce repos : la relation avec le Seigneur et les frères, et la préservation vis-à-vis du monde (Jn 17.15).

Quand nos enfants (ou petits-enfants) vont à l'école, ils peuvent en revenir avec de mauvaises habitudes. Nous pouvons leur dire : Pas dans cette maison ! Vous imaginez, ensuite, un enfant qui, dans la cour de l'école, est capable de dire à ses camarades : Oui, oui, oui, mais là non. Quel témoignage, quel appel aux consciences !

 

Les parents doivent donner l'exemple, bien sûr. Je pense aux plaintes, aux critiques, aux reproches, aux disputes et aux soucis inutiles ! Aux écrans, aussi... Que l'impudicité, qu'aucune espèce d'impureté, et que la cupidité, ne soient pas même nommées parmi vous, ainsi qu'il convient à des saints (Ep 5.3). Il y a des choses auxquelles il faut savoir renoncer, frères et sœurs. On se souvient de ce qu'a dit Job : J'avais fait un pacte avec mes yeux ! (Jb 31.1).

 

On comprend que certaines choses, certains comportements, certaines habitudes n'ont pas leur place dans la maison des chrétiens. Est-ce triste d'entendre cela ? Pas du tout. Ce n'est pas pour nous faire perdre ; c'est pour nous faire gagner !

____________

 

Annexe

 

1. La maison, un lieu de résistance

 

Dans son livre Résister au mensonge5, Rod Dreher parle de la famille comme d'une cellule de résistance. C'est dans la famille que l'on apprend à aimer l'autre. Pour les plus chanceux, c'est là également que l'on apprend à vivre dans la vérité. Le relâchement des liens familiaux et du mariage traditionnel nous prive du refuge privé dont disposaient les dissidents anticommunistes. Les chrétiens occidentaux, hélas, ne diffèrent pas tellement des incroyants.

 

Je le cite encore : Tout le mal ne vient pas de la gauche. Avec l'avancée du consumérisme et de l'individualisme, nous avons construit un écosystème social dans lequel la fonction de la famille a été réduite à produire des consommateurs autonomes, sans aucun sentiment de connexion ou d'obligation à une quelconque réalité supérieure autre que la satisfaction du désir. Les parents conservateurs n'ont pas de mal à repérer dans le discours des idéologues progressistes les menaces qui pèsent sur les valeurs de leur famille, mais ils acceptent souvent sans esprit critique la logique et les valeurs du marché libre, quand ils n'abandonnent pas carrément le cerveau de leurs enfants aux smartphones et à Internet.

 

Un des chapitres du livre s'intitule : Ne pas avoir peur de paraître bizarre aux yeux de la société. Dans le soft totalitarisme qui vient, les chrétiens devront redoubler d'attention pour la vie de famille. La famille chrétienne traditionnelle n'est pas simplement une bonne idée : c'est une stratégie de survie de la foi par temps de persécution.

 

Dans ce livre encore, l'auteur, sans dénigrer les églises établies, montre l'utilité, voire la nécessité de vivre aussi la foi dans de petits groupes qu'on pourrait appeler cellules de quartier ou églises de maison6. Je le cite : Les chrétiens occidentaux ne courent pas le risque de se voir défendre la pratique de leur religion, mais il est possible et même fort probable que les Eglises institutionnelles et leurs responsables continuent d'être inadaptés au défi de former efficacement leurs fidèles à la résistance. Voilà pourquoi de petits groupes très engagés, comme ceux de l'ère soviétique, sont indispensables.

_____________________________________________

 

Notes :

1Les commandements dont il est question ne sont pas de simples recommandations, de simples consignes. Ce sont des paroles d'alliance qui lient l'Eternel à son peuple et le peuple à l'Eternel, comme en Jean 17. Il est remarquable que juste après avoir donné à Moïse les tables de la Loi (Ex 24.12), Dieu lui ordonne de construire le tabernacle : Ils me feront un sanctuaire et j'habiterai au milieu d'eux (25.8). Nous avons du mal à prendre conscience aujourd'hui qu'il n'est pas évident (en fait il est impossible) que Dieu puisse habiter en dehors d'un lieu saint. Or, Dieu désire habiter au milieu de son peuple (1 Ch 22.19). C'est ce qui explique tout à la fois l'amour, la patience que Dieu manifeste à l'égard de ce peuple, mais aussi son exigence, voire sa sévérité (Ez 44.7).

2Cela est également vrai pour les personnes sans enfants et même non mariées.

3 Cf. Es 26.20. L'intimité conjugale peut faire passer au second plan l'intimité avec Dieu. Il ne le faut pas. L'intimité conjugale doit être sanctifiée pour plaire à Dieu. Paul le dit clairement aux couples (1 Co 7.5).

4Voir l'annexe 1. La maison, un lieu de résistance.

5J'ai rédigé un abrégé en 7 pages de ce livre. Je peux l'envoyer sur demande.

6Sur la question débattue des églises de maison, je renvoie à l'article publié dans les Cahiers de l'Ecole pastorale n° 110 (2018) : Eglises historiques et Eglises de maison en dialogue (Daniel Le Blanc et Ch. Nicolas).

______________________

 

 

 

 

 

 

6 décembre 2024

Veiller sur les autres (2)

 

 

 

Veiller sur les autres

 

Matthieu 7.1-5

 

Le constat est que l'expression 'Veiller sur les autres' n'apparaît pas dans la Bible. Chaque fois, l'appel est adressé à chacun pour lui-même (sur son cœur, sur sa maison...). La perspective biblique serait-elle donc essentiellement personnelle, individualiste ? La réponse est non. La parabole de la poutre et de la paille le dit fort bien.

 

 

1. La poutre et la paille

 

Ce que Jésus dit avec cette parabole est à la fois simple et assez bouleversant.

N'importe qui comprend qu'avec une poutre dans son œil, on ne peut pas ôter une paille de l’œil de son frère. D'abord parce qu'on ne la voit pas ! Et si on la voyait (parce que souvent on voit mieux ce qu'il y a chez les autres que chez soi), on risquerait fort de le blesser plutôt que de l'aider. Cela ne fait donc rien avancer : je garde ma poutre, lui sa paille, et en plus son œil est blessé !

Nous sourions, mais cela arrive plus souvent qu'on le croit...

 

Certains déduisent de ce passage qu'il ne faut surtout pas s'occuper des autres ! Chacun sa paille, chacun sa poutre. On se souvient de la devise des infirmières : Premièrement ne pas nuire. C'est si vite fait. Cela signifie-t-il qu'il ne faut rien faire ? La réponse est non. Les infirmières ne se contentent pas de ne pas nuire !

 

Cette attitude d'autoprotection est favorisée aujourd'hui par la sacralisation de la sphère privée : sur ma vie, sur ma maison, sur mes enfants, personne n'a le droit de dire quoi que ce soit. On pourrait ajouter : Même Dieu n'a rien à dire..., ce qui est la définition même de l'impiété

 

Certes, la sphère privée existe : le couple, la famille... Même dans le couple, chacun garde une vie propre, notamment dans la prière. Chaque enfant a aussi droit à son intimité. Nous avons des limites à respecter. Cela signifie que personne ne peut prendre la place de Dieu... ni ma place ! C'est important. D'où l'importance d'agir avec tact, de demander l'autorisation. Puis-je te poser une question ?...

 

Mais dans la parabole de la poutre et de la paille, Jésus ne dit pas : Ne faites rien !

Il dit : Tu dois veiller sur ton frère et, au besoin, intervenir dans sa vie, avec son consentement. Mais auparavant, tu dois veiller sur toi-même.

 

 

2. Ne pas juger

 

Juste avant la parabole de la poutre et de la paille, Jésus dit : Ne jugez pas1. Combien de fois a-t-on entendu rappeler cela pour dire que nous n'avons pas à nous occuper des autres [et (surtout) que personne ne vienne se mêler de mes affaires !]. On appelle cela la tolérance, ou la liberté. Nous avons vu que ce n'est pas l'intention de Jésus.

Dans la Bible, le verbe juger (krinô) a parfois un sens négatif (mépriser, condamner) et parfois un sens positif : être en mesure de faire la différence entre ce qui est juste et ce qui ne l'est pas. Dans ce sens-là, il devient non seulement permis mais fortement recommandé2. Il devient même alors un signe de maturité !

 

Quand Jéthro vient voir Moïse, il lui reproche de porter une charge trop lourde et il lui conseille de nommer des hommes capables, craignant Dieu, intègres, ennemis de la cupidité (c'est-à-dire désintéressés) et de les établir sur des groupes de mille, de cent, de cinquante et de dix. Pour faire quoi ? Pour qu'ils jugent le peuple en tout temps, c'est-à-dire qu'ils se prononcent sur les affaires qui posent problème afin de trouver une issue3. Alors, tout ce peuple parviendra heureusement à destination, dit-il (Ex 18.21-23). Il s'agit simplement de venir en aide, le plus tôt possible, si possible préventivement. C'est normalement ce que font les parents, constamment.

 

Pourquoi le travail des pasteurs est-il si difficile et si peu efficace aujourd'hui ? Parce que souvent ils sont trop seuls dans leur tâche, et parce que souvent ils interviennent quand les dégâts sont trop avancés, parfois irréparables.

 

L'apôtre Paul évoque cela dans sa lettre aux Corinthiens. Il y a des querelles entre vous, dit-il. N'êtes-vous donc pas capables de rendre les moindres jugements ? N'y a-t-il pas parmi vous un seul homme sage qui puisse prononcer entre ses frères ? (1 Co 6.1-5). Un homme sage qui puisse prononcer entre ses frères ! Ou une femme sage qui puisse prononcer entre ses sœurs !

 

Notez qu'il ne parle pas de pasteur ou d'ancien, ici. C'est-à-dire que chacun de nous peut être cet homme ou cette femme – ou même cet enfant – sage qui puisse venir en aide de la part de Dieu. De la part de Dieu ? Oui ! C'est notre vocation. Pas à la place de Dieu : cela, c'est juger de la mauvaise manière, Mais de la part de Dieu. C'est la maturité à laquelle chacun de nous doit tendre chaque jour.

 

 

3. Veiller sur les autres

 

1. Il faut rappeler d'abord que dans la Bible, le frère ou la sœur c'est toujours le frère et la sœur en Christ. Si ton frère a péché, va et reprends-le, c'est dans l'Eglise . La paille dans l’œil de ton frère, c'est dans l'Eglise. Cela ne signifie pas qu'il n'y a rien à faire pour ceux de dehors (ou rien à recevoir d'eux), mais ces commandements concernent la communauté chrétienne.

 

Cette dimension communautaire se démontre notamment par l'expression 'les uns les autres' que l'on trouve si souvent dans le Nouveau Testament. Les uns les autres, c'est toujours le cadre fraternel. C'est tout simplement le prolongement du repas du Seigneur. Cela ne peut pas être appliqué tel quel au niveau social.

 

2. Ensuite, remarquons que nous pensons souvent que le 'quelque chose qui ne va pas' (chez l'autre ou chez soi) est de l'ordre du péché. Mais cela peut aussi être de l'ordre de la souffrance. Une paille, c'est aussi ce qui fait mal...

Retenons qu'une souffrance non apaisée, dans ma vie, ou dans la vie de mon frère ou de ma sœur chrétiens, constitue aussi une souffrance et peut-être un obstacle pour la marche chrétienne, pour le témoignage, pour le service de l'église tout entière4... Au niveau de la communauté, ce n'est peut-être qu'une fissure, mais cela suffit pour que l'eau du vase se perde en partie.

 

3. Laissons-nous rejoindre dans nos fautes et dans nos souffrances, pour pouvoir rejoindre les autres dans leurs fautes et dans leurs souffrances. Laissons la grâce circuler entre nous. Laissons-la, avec humilité, nous atteindre. Ceux qui prennent le repas du Seigneur devraient être disposés à cela. Devenons accessibles, sans mettre sans cesse des protections, des distances, des dérivatifs qui évitent d'évoquer les questions sensibles dans nos vies. C'est ainsi que nous avancerons.

 

Il ne s'agit pas tellement d'être parfait, avec une sorte de perfectionnisme légaliste et hypocrite. Il s'agit de marcher dans la lumière (1 Jn 1.8-10). C'est cela notre témoignage. Pourquoi ? Pour le bien que nous en retirerons ? Oui, mais pas seulement. C'est aussi pour qu'il soit visible que le Seigneur est au milieu de nous comme Celui qui nous secourt et qui nous fait avancer.

 

4. Devenir des pères et des mères

 

Dans la Bible, les vocations paternelle et maternelle sont la matrice des ministères donnés par le Seigneur à son Eglise (cf. 1 Th 2.7-12). Et les ministères ont pour vocation d'irriguer l'ensemble des chrétiens pour les rendre participants.

 

Nous devrions tous avoir un père ou une mère spirituels en qui nous avons confiance et à qui nous pouvons confier nos faiblesses, nos souffrances et même nos péchés. Pour demeurer comme des enfants ? Non, pour grandir au contraire.

Et nous devrions tous être – ou devenir – ce père ou cette mère pour quelqu'un qui en a besoin. Pour remplacer le Seigneur ? Non, pour être là de sa part.

 

La superbe solitude du chrétien protestant a empêché bien des guérisons et bien des victoires... Cette attitude paternelle-maternelle dans l'Eglise, c'est le prolongement du ministère de Jésus. Donner la nourriture, consoler, conseiller, reprendre s'il le faut... Non pas à la place de Dieu, mais de sa part, c'est différent.

 

Jésus n'avait pas d'enfant, mais il dit 'mon enfant' au paralytique. Paul n'avait pas d'enfant, mais il dit 'mon enfant' à Timothée. Jean n'avait pas d'enfants, mais il dit 'petits enfants' quand il écrit sa lettre. Et ils ne parlaient pas à des enfants ! Cela signifie que nous devons tous être en mesure de nous entendre appeler comme cela, parfois. Je vous le dis, si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux (Mt 18.3).

___________________________________

Notes :

1Ce passage suit le commandement de Jésus de ne pas juger. Voir l'annexe 1. sur ce sujet.

2Si on vous offre des champignons, vous allez 'juger' entre ceux qui sont comestibles et ceux qui ne le sont pas...

3Ceux dont le jugement est exercé par l'usage à discerner ce qui est bien et ce qui est mal (Hé 5.14).

4 En fait, beaucoup de nos péchés sont dus à des souffrances. Ce n'est pas une excuse ; mais c'est une partie de l'explication. J'ai été blessé et je deviens susceptible. J'ai été agressé et je deviens agressif. J'ai été déçu et je ne fais plus confiance... Ainsi, nous pouvons aussi voir celui qui dévie comme un souffrant, de telle sorte que nous le rejoindrons avec compassion, en souhaitant le meilleur pour lui, et non comme des censeurs. Quand Jésus a vu les habitants de Jérusalem comme des brebis sans bergers, il a été ému de compassion... L'amour a étreint son cœur. Ensuite, avec amour, on peut tout dire !

_______________________

 

 

 

 

 

 

4 décembre 2024

Veiller sur soi-même (1)

 

 

 

Veiller sur soi-même, veiller sur les autres

 

Quand j'étais aumônier militaire en Allemagne, j'avais trouvé une citation de Saint Exupéry gravée sur une pierre à l'entrée d'une caserne : Celui-là qui veille modestement quelques moutons sous les étoiles, s'il prend conscience de son rôle, se découvre plus qu'un serviteur. Il est une sentinelle. Et chaque sentinelle est responsable de tout l'empire1. C'est beau.

 

Le rôle du berger ne consiste pas qu'à veiller, mais il commence sans aucun doute par là. Cela lui évitera de courir dans tous les sens. Ne peut-on pas dire cela des parents ? Et des pasteurs, des anciens ? Des médecins, des chirurgiens ? Des chauffeurs de car, des pilotes d'avion ? Je crois que la liste ne s'arrêterait pas. Ayant dit cela, il y a une vérité qui s'impose : le premier sujet de la veille, c'est évidemment soi-même.

 

I. Veiller sur soi-même

 

Ephésiens 4.25-29

 

Nous nous souvenons que Jésus a recommandé de veiller afin d'être prêts pour l'heure de son retour. N'a-t-on pas le temps ?... Ce n'est pas si sûr. Les hommes au temps de Noé pensaient aussi avoir largement le temps. Ils périrent tous excepté 8 personnes. Lot et ses filles pensaient avoir le temps ; ils ont été sauvés in extremis. Quand le moment arrivera, cela ira très vite. Et pour beaucoup, il sera trop tard2.

 

Quand Jésus recommande de veiller, il parle des signes qui indiqueront que le temps approche, mais il parle aussi – et peut-être d'abord de l'importance pour chacun de veiller sur soi-même. D'être prêt. A quoi me servirait-il de tout connaître, de tout comprendre, et même de tout expliquer... si je ne suis pas prêt moi-même ? Est-ce égoïste ? Pas du tout ! Etre prêt soi-même est sans doute le meilleur témoignage, le meilleur service que je puisse rendre aux autres. Cf. Ep 4.29 et le domaine des paroles.

 

1. Ecoute, Israël !

 

Dans le fameux Sh'ma Israël de Deutéronome 6, Dieu parle à son peuple, mais il utilise la deuxième personne du singulier. Il parle en 'tu'. Ces commandements que je te donne aujourd'hui seront dans ton cœur. Tu les inculqueras à tes enfants, et tu en parleras quand tu seras dans ta maison... Tu les écriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes (Dt 6.4-9).

 

Le texte montre bien qu'il parle à chacun. Ce n'est pas chacun pour soi, mais c'est d'abord chacun. Ces commandements seront dans ton cœur. C'est comme si le sort du pays dépendait de chacun. L'épisode d'Acan montre que c'est le cas ! (Josué 7).

Ensuite : Tu en parleras quand tu seras dans ta maison. Si chacun le fait, chez soi, dans sa vie, à son niveau, c'est gagné !

 

Nous n'imaginons pas que si un chrétien dans l'assemblée a un cœur endurci ou hypocrite, c'est toute l'assemblée qui peinera. Même si personne ne le sait. C'est la réalité spirituelle du corps de Christ. Vous pouvez souffrir d'un membre de votre corps dont vous ignorez même l'existence. C'est pour qu'aucun chrétien ne considère que ce qu'il vit n'a pas d'importance, que Paul écrit : Vous êtes le corps de Christ, et vous êtes ses membres, chacun pour sa part (1 Co 12.27).

 

En d'autres termes, c'est par amour pour les frères (et pas seulement pour le Seigneur) que chacun doit veiller sur lui-même et sur sa maison.

 

Tu écriras ces commandements sur les poteaux de tes portes et sur tes linteaux. Le Dieu de la Bible est le Dieu des maisons. On pourrait en parler longuement. Le premier lieu pour prier, pour écouter, pour obéir, pour demander pardon, pour servir, pour chanter des cantiques, c'est la maison. L'Eglise n'est pas une réalité à côté des maisons. L'Eglise est le prolongement des maisons. Si je suis béni, ma maison sera bénie ; et si ma maison est bénie, l'Eglise sera bénie !

 

Remarquez ce que dit Jésus : Ne priez pas comme les hypocrites. Puis : Quand tu pries, entre dans ta chambre (Mt 6.6). Lui aussi passe du 'vous' au 'tu' !

 

C'est pour cela que Paul écrit : Si quelqu'un ne sait pas diriger sa propre maison, comment prendra-t-il soin de l'Eglise de Dieu ? (1 Tm 3.5). Cela s'adresse aux anciens, pensez-vous. C'est vrai, mais les anciens sont appelés à être les modèles au sein du peuple de Dieu. C'est donc vrai pour tous. Et donc pour chacun !

 

2. Les bergers

 

C'est dans ce sens que Paul s'adresse aux anciens : Prenez garde à vous-mêmes et à tout le troupeau sur lequel le Saint-Esprit vous a établis comme gardiens (Ac 20.28). (1°) Prenez garde à vous-mêmes, (2°) et à tout le troupeau.

 

Il est clair qu'il faut commencer par soi. Pourquoi ? Pour être apte. Pour servir fidèlement. Pour avoir l'autorité requise. Est-ce du temps perdu ? Loin de là3 !

 

Pourquoi Jésus parlait-il avec autorité ? Parce qu'il parlait plus fort que les autres ? Pas du tout. C'est parce qu'il a commençé par faire ce que Dieu lui demandait : être baptisé, puis passer 40 jours tout seul dans le désert. Ensuite, les anges vinrent le servir (Mt 4.11) et il fut rempli du Saint-Esprit (Lc 4.1). Imaginez qu'il se soit dit : Trois ans c'est court, je commence tout de suite. Ne sautons pas les étapes ! (Cf. Ac 19.13-16)

 

Moi qui suis soumis à des supérieurs, dit le centenier de Luc 7, je dis à mon serviteur : Fais ceci et il le fait. D'abord mettre sa vie en ordre, c'est ce qui octroie la juste autorité. Puis le centenier applique cela à Jésus et dit : Dis une parole et mon serviteur sera guéri. Jésus a admiré la foi (l'intelligence spirituelle) du centenier.

Pourquoi Jésus parlait-il avec autorité ? Parce que ses paroles étaient portées par un vécu. L'autorité est liée à un vécu. On peut faire semblant un moment, mais cela ne dure pas. Celui qui veille sur lui-même franchit les étapes au rythme de Dieu.

 

Si celui qui montre le chemin se trompe, tous ceux qui le suivent s'égarent. Si celui qui enseigne dévie, tous ceux qui l'écoutent sont en danger. (C'est pourquoi il est écrit que ceux qui enseignent seront jugés plus sévèrement – Jc 3.1). Imaginez un chirurgien qui ne se lave pas les mains ou un pilote d'avion qui boit plus que de raison !

 

C'est pourquoi Paul écrit à Timothée : Veille sur toi-même et sur ton enseignement ; persévère dans ces choses, car en agissant ainsi tu te sauveras toi-même et tu sauveras ceux qui t'écoutent (1 Tm 4.16).

 

Il est vrai que nous ne sommes pas tous conducteur, berger ou enseignant. C'est vrai. Cependant chaque chrétien, par sa manière de vivre, montre la voie et enseigne ceux qui le regardent, dans l'église et au dehors. Même un enfant. Chaque chrétien, quand il ouvre la bouche, dit une parole qui doit pouvoir être prise au sérieux et venir en aide à ceux qui l'écoutent, d'une manière ou d'une autre (Ep 4.19).

 

C'est la dynamique des modèles. C'est ennuyeux s'il manque des prédicateurs. Mais le pire est de manquer de modèles ! Heureusement, il y en a ! Est-ce revenir à la loi ? Non, c'est montrer la vérité de la Parole de Dieu par les fruits de la grâce4.

 

La vie chrétienne est une question de vérité et de lumière ; tout sauf une comédie. Alors, peu de mots suffiront pour avoir un impact.

 

3. La poutre et la paille

 

Dans la parabole de la poutre et de la paille, Jésus dit que la première chose est de veiller sur soi. Ôte premièrement la poutre de ton œil ; alors tu verras... (Mt 7.3-5).

 

Il se peut que, pour ôter la poutre de mon œil, j'aie besoin de quelqu'un qui me vienne en aide, après avoir d'abord veillé sur lui-même !

 

On dit parfois aujourd'hui : Prends bien soin de toi ! En général, cela signifie : Ne te fatigue pas trop. Parfois il faut le dire. (Sauf aux paresseux). Cela pourrait signifier aussi : Ôte les obstacles à l'action de Dieu dans ta vie. Tu en seras le premier bénéficiaire (c'est donc s'aimer soi-même), mais pas le seul !

 

Ainsi, nous ne devrions jamais oublier que ce qui se vit à la maison, même si personne n'en sait rien, affecte la vie de l'Eglise, beaucoup plus qu'on le croit. L'Eglise n'est pas une réalité à côté des maisons. L'Eglise est le prolongement des maisons. Si je suis fidèle dans ma maison, si je suis béni dans ma maison, l'Eglise sera bénie également. Que chacun examine ses propres œuvres, écrit Paul (Ga 6.4).

 

Veiller sur soi-même, c'est une manière d'aimer le Seigneur et d'aimer les frères.

 

__________________________________________

Notes :

1Citation tirée du livre Terre des hommes.

2Les évangélistes avaient raison de poser la question : Si le Maître revient ce soir, es-tu prêt ? Ce qui revient à demander : S'il te fallait mourir ce soir... es-tu prêt ?

3On se souvient que Paul commande qu'un ancien ne soit pas un nouveau converti (1 Tm 3.6).

4L'apôtre Paul utilise les mots irréprochables et irrépréhensibles (Ep 1.4 ; Ph 2.15 ; 1 Th 3.13 ; 5.23 ; 1 Tm 5.7 ; 2 Pi 3.14, Jude 24). Nous devons les prendre au sérieux si nous voulons transmettre quelque chose. Cela ne signifie pas que tout est parfait, cela signifie que l'on est 'à jour' avec le Seigneur.

______________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2 décembre 2024

Des églises sans Jésus-Christ ?

 

 

 

Des églises sans Jésus-Christ ?

 

 

Il faut s'habituer à tout. Il y a quelques jours, j'ai trouvé ce titre en tête d'un article : Eglise ou boite de nuit : nos lieux de culte se sont-ils perdus dans la modernité ? Avec ces remarques : Des écrans dignes des plus grands cinémas, des caméras dernier cri, des enseignements semblables à des one-man show, un temple plongé dans l’obscurité avec des lumières et des néons traversant la salle : bienvenue dans l’église du 21ème siècle.

 

Là, ce sont certaines églises évangéliques qui sont ciblées. Il faut bien attirer les jeunes, comme on dit, au moins pour un temps, comme à Taizé. Et puis dans ce monde si sombre, ne faut-il pas un air de fête pour échapper à la morosité ? Et puis, il y a du monde lors de ces rassemblements, ce qui prouve que cela répond à un réel besoin. Eglise ou boite de nuit, chacun son lieu ; ce qui compte c'est le résultat ; et qu'on n'oblige pas les autres. Ce que dit la Bible sur le sujet, on le verra une autre fois.

 

Ce matin, l'invité du Grand-entretien sur France-Inter était Mgr Olivier Ribadeau-Dumas, archiprêtre de la Cathédrale de Paris qui ouvrira ses portes au public dans quelques jours. Un peu plus de 20 minutes d'entretien. On a évoqué les donateurs, les ouvriers, la nef, la statue de la Vierge, les Grandes orgues, la foule... Jésus-Christ n'a pas été mentionné une seule fois. Il est vrai qu'on était sur France-Inter. Il est vrai qu'on va rappeler, le 9 décembre, la loi de Séparation des Eglises et de l'Etat, et la laïcité. Il ne faudrait quand-même pas inquiéter les autorités...

 

A 13h., toujours sur France-Inter, c'est la basilique Notre Dame de la Garde de Marseille qui était sous les projecteurs. Elle aussi a besoin de fonds pour être rénovée. On peut le comprendre. On a évoqué la vue magnifique sur la ville et sur la mer, le silence de l'édifice qui reçoit des gens de toutes origines et de toutes religions. On a évoqué les joueurs et les supporter de l'équipe de foot qui viennent allumer un cierge avant les matchs. De Jésus-Christ, pas question. Ah si : on a proposé à un enfant de s'exprimer au micro. Que dis-tu quand tu allumes le cierge ? Je dis : Jésus, j'espère que tu vas bien. Ah... C'est toujours ça.

 

Que serait devenu le message de l'Evangile si les premiers chrétiens avait agi comme cela ? Heureusement, Dieu ne l'a pas permis.

Ch.N.

 

 

 

Publicité
Publicité
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 20 30 40 > >>
Publicité