Vers une société postchrétienne ?
C'est le titre d'un article de Jean-Claude Guillebaud (journal Réforme du 24 septembre 2020). J'aime moyennement cet hebdomadaire, mais j'apprécie cet auteur depuis la lecture de son livre Le principe d'humanité (Seuil, 2001). Depuis, il a vécu une conversion à la foi chrétienne (catholique).
Je le cite : La plupart des valeurs démocratiques (égalité, solidarité, individualisme, idée de progrès, etc.) ont partie liée avec l'héritage chrétien, laïcisé à l'époque des Lumières. Dans une telle perspective, le christianisme contemporain connaît un destin étrange : il est en crise alors même que ses valeurs triomphent. Il est moins récusé que dissous dans une modernité post-chrétienne. A la limite, la croyance, devenue sans objet, en arrive à se défaire.
En fait, concédait le théologien Claude Greffé (disparu en 2017), il est devenu très difficile de témoigner de l'Evangile dans une société postchrétienne qui est pétrie de valeurs chrétiennes sécularisées. Le message des Eglises n'est pas très original par rapport à ce que vivent déjà beaucoup de gens au nom d'un certain idéal moral, devenu le bien commun de tout honnête homme.
Ni le judaïsme, ni le christianisme ne sauraient pourtant être ramenés à une aimable philanthropie, à peine différenciée du consensus majoritaire, si ce n'est par un langage codé et une vague liturgie. Ni l'Eglise ni la Synagogue ne peuvent être durablement confondues avec un organisme mondialisé de bienfaisance. C'est ce qu'on a pu appeler le "réemploi social" du religieux, un réemploi sûrement utile, mais qui n'a pas grand chose à voir avec la foi. Ce "réemploi" social ou républicain du religieux laisse entière, inentamée pourrait-on dire, la tâche plus fondamentale constituant à repenser le religieux et, pour les croyants, à refonder leur foi.
J'illustre cela ainsi : même dans les églises évangéliques, quand on entend l'expression : “Aimez-vous les uns les autres”, 80 % des personnes au moins pensent au “vivre ensemble”, à la fraternité citoyenne, au social. Que faire devant ce constat calamiteux ?
Ch.N.
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