Plus jamais la guerre ? (Un peu de sel s'il vous plaît n° 33)

33. Plus jamais la guerre !

Cette formule connue a été prononcée par le Pape Paul VI pour le 20^ème anniversaire de l'Organisation des Nations unies, le 4 octobre 1965. Je mentionne de brefs extraits : C'est comme « expert en humanité » que Nous apportons à cette Organisation le suffrage de Nos derniers prédécesseurs, celui de tout l'Épiscopat Catholique et le Nôtre, convaincu comme Nous le sommes que cette Organisation représente le chemin obligé de la civilisation moderne et de la paix mondiale.

Paul VI évoque un serment qui doit changer l'histoire future du monde : jamais plus la guerre, jamais plus la guerre ! C'est la paix, la paix, qui doit guider le destin des peuples et de toute l'humanité ! Laissant parler son cœur, le Pape a oublié les paroles de Jésus : Quand vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerres, gardez-vous d'être troublés, car il faut que ces choses arrivent (Mt 24.6).

L'historien Stéphane Audouin-Rouzeau vient d'écrire un livre qui a paru le 3 février 2023, intitulé La part d'ombre, le risque oublié de la guerre (Ed. Les Belles Lettres). Ses propos méritent d'être entendu. Je cite quelques extraits d'une interview :

Les guerres sont devant nous ! Hélène Carrère-d'Encausse [elle aussi historienne et grande spécialiste de la Russie] pensait qu'une invasion de l'Ukraine serait irrationnelle. - Cela n'arrivera pas ! avait-elle dit. Aujourd'hui, en Europe occidentale (en Europe orientale, c'est différent), il y a une déni de la guerre. La guerre est un risque oublié. Elle est désormais éradiquée de notre horizon d'attente. Elle ne peut plus nous concerner. Certes, on en parle, mais comme d'un passé absolument révolu qui jamais ne pourrait revenir. Notre tranquillité est fondée sur un déni. Est-ce qu'on se souvient de ce qu'est la guerre dans nos sociétés devenues complètement inconscientes de ces réalités ?

Cette idée d'une paix perpétuelle, que l'on trouve chez les Libéraux du milieu du XIX^ème siècle, cette idée que l'on pourrait éradiquer la guerre comme moyen de régler les différents entre Etats, cette sorte de parousie finalement ancrée dans la pensée occidentale et européenne, est une dangereuse illusion. Il est probable que la construction de l'Union européenne a renforcé cette illusion. Il y a aussi le lien qui s'est défait entre citoyenneté et le port des armes, avec la fin du Service militaire. Tout ceci nous a permis d'ôter la guerre de nos horizons d'attente.

Au XIX^ème et au XX^ème siècle, chaque génération avait connu la guerre. Ce dégagement de la guerre de notre horizon d'attente était une folie – et nous n'avons pas terminé d'acquitter le prix de cette folie. La guerre en Ukraine ne nous a pas encore permis de prendre conscience de cette réalité. En France, nous ne sommes pas sortis de ce mythe. Nous sommes centrés sur nos problèmes domestiques. Nous sommes très loin d'avoir pris conscience de la nouvelle période dans laquelle nous sommes.

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