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Le blog de Charles Nicolas
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  • Dans une société déchristianisée où les mots perdent leur sens, où l'amour et la vérité s'étiolent, où même les prédicateurs doutent de ce qu'ils doivent annoncer, ce blog propose des textes nourris de réflexion biblique et pastorale.
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3 octobre 2022

Unité de l'Eglise et intergénérationalité (2)

 

(Suite)

 

3. Face à l'adversité

Au risque d'être un peu brutal, je me demande si les problèmes d'intergénérationnalité ne sont pas le propre des sociétés aisées. Bien sûr, le péché est le péché, et il y a des problèmes partout.

Voilà ce que je veux suggérer : face à l'adversité, l'unité se crée. Imaginez que des bombes tombent sur notre ville. Le regard que nous aurions les uns sur les autres changerait. La solidarité, l'intérêt commun grandirait. Le comportement changerait aussi. Dans les pays au climat rude (déserts, grand Nord), je pense que la solidarité est plus grande entre les personnes et entre les générations que quand on n'a pas vraiment besoin des autres. Nous pourrions réfléchir à cela.

Alors, on ne va pas inventer des guerres pour avoir de meilleures relations ! Frères et sœurs, pas besoin d'inventer des guerres : à divers égards, nous sommes en guerre ; disons plutôt en lutte face à des adversités qui, si nous y prenions garde, nous rendraient bien davantage solidaires les uns les autres, en tant que chrétien dans un monde qui ne l'est pas.

Je ne suis pas certain que les difficultés intergénérationnelles dans les églises soient aussi importantes dans les pays où l'Eglise est persécutée, parce que l'unité de l'Eglise devient vitale face à un adversaire bien repéré.

Demandons-nous quelles sont les raisons pour lesquelles nous ne sommes pas persécutés. C'est peut-être parce que nous nous taisons, parce que nous privilégions la facilité, le confort, en faisant comme si nous ne connaissions pas le Seigneur dès que cela devient risqué... Dans ces conditions, c'est l'intérêt de chacun qui prime et non celui de Jésus-Christ avec l'unité spirituelle et le soutien mutuel qui vont avec. Voilà peut-être pourquoi il y a des clivages entre nous qui ne devraient pas être.

Rod Dreher, que j'ai déjà mentionné, évoque “un sondage pour le Wall Street Journal de 2019 [qui] révèle que quatre jeunes adultes américains sur cinq estiment que “l'épanouissement personnel” est le secret d'une vie réussie. Voilà la génération qui se livrera au soft totalitarisme, écrit-il. Les jeunes chrétiens pratiquants n'ont pas la capacité d'y résister parce qu'on leur a répété que pour réussir sa vie, il fallait vivre sans souffrir ! La seule foi qu'ils ont apprise est un christianisme sans larmes7.

Rod Dreher cite le pasteur Yuri Sipko, de Tchécoslovaquie : “Les attaques les plus violentes ciblaient les prédicateurs et les pasteurs. Ils ont été jetés en prison et d'autres prenaient leur place. Puis, les lieux de culte ont été confisqués. C'est à ce moment-là que nous avons commencé à pratiquer le rassemblement en petits groupes de voisins. Il n'y avait plus de structure formelle avec des pasteurs ou des diacres. Plus que des frères et des sœurs qui lisaient la Bible ensemble, priaient et chantaientEn soixante ans de terreur, ils n'ont pas réussi à se débarrasser de notre foi''.

Il fallait faire front ensemble.

4. La centralité de Christ

Le pasteur Sipko dit : “S'il n'y a pas la volonté de souffrir, et même de mourir pour le Christ, tout n'est qu'hypocrisie. Tout n'est que recherche de réconfort. Quand je rencontre des frères dans la foi, en particulier des jeunes, je leur demande de me citer trois valeurs chrétiennes pour lesquelles ils sont prêts à mourir. C'est là que vous pouvez tracer une ligne entre ceux qui sont sérieux et ceux qui ne le sont pas”.

Le pasteur Sipko dit : en particulier aux jeunes. Il a raison. Ce sont principalement eux – qu'ils aient 12, 20 ou 35 ans – qui ont des choix à faire qui vont orienter leur existence. Mais il ne dit pas : exclusivement aux jeunes. Autrement dit, la question peut se poser à tous. Quand on a 60, 70, 80 ou même 90 ans, on a encore des choix à faire, des engagements à prendre, des fidélités à renouveler, des humiliations et même des repentances à vivre. L'âge, je l'ai déjà dit, confère des droits mais aussi des devoirs, notamment des devoirs d'exemplarité. L'exemple donné par les aînés vaut plus que bien des prédications.

Il y a un moment où tout cela est dit, c'est autour de la table du Seigneur :

L'instruction est la même pour tous : le juste est mort pour des pécheurs. Pas seulement cela : il est mort pour leur permettre de mourir également avec lui et en lui, afin qu'ils vivent d'une vie nouvelle, étant devenu une même plante avec lui (Ro 6.4-5).

L'appel est le même pour tous : l'unité spirituelle, l'amour fraternel et la sainteté de vie, avec tout ce que cela comporte comme implications dans la vie de chacun, non pas en fonction de l'âge mais en fonction du don de la grâce que chacun a reçu (1 Pi 4.10) et de la mesure de foi accordée à chacun (Ro 12.3).

L'espérance est la même pour tous, jeunes et vieux : une communion accomplie dans le Royaume de Dieu (Mt 26.29).

Comme nous avons plusieurs membres dans un seul corps, et que tous les membres n'ont pas la même fonction, ainsi, nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps en Christ et nous sommes tous membres les uns des autres (Ro 12.4-5). Dans cette dernière expression, la question de l'âge ou des générations n'entre absolument pas en ligne de compte. Absolument pas.

Si nous appartenons au Seigneur, notre base est commune, notre motivation est commune, notre objectif est commun et la force qui nous fait avancer est la même. Tout cela est contenu dans le nom de Jésus-Christ.

Bien des prises de position et des comportements sont en réalité des réactions. C'est un peu inévitable mais ce n'est pas juste. Ne tirons pas chacun de notre côté. Il faut corriger, mais il ne faut pas réagir. Si chacun fait un pas vers l'autre – comme dans les couples – c'est gagné !

Un conseil : communiquons en posant des questions. C'est respectueux. Chacun a sa fragilité, sa timidité, sa souffrance, quoi qu'il en semble. Comment rejoindre l'autre dans cette fragilité, au-delà des apparences ? En étant soi-même sincère, sans fard, sans dissimulation (1 Pi 2.1), sans vantardise, car la vantardise exclut l'amour (1 Co 13.4).

La cause est communeSi un souffre, qu'il ait 12 ou 92 ans, tous sont attristés ; si un est honoré, qu'il ait 12 ou 92 ans, tous se réjouissent avec lui (1 Co 12.26). Honorer, c'est reconnaître la valeur. En honorant chacun de nos frères et chacune de nos sœurs, quel que soit leur âge, nous pouvons tous faire grandir la joie dans l'Eglise !

______________

 

 Annexe 

Conservateurs ou progressistes ?

J'ai vu, je ne sais plus où, un flacon-poussoir de Savon de Marseille avec la mention “Fabriqué à l'ancienne” ! C'était un argument de vente. Tout ce qui est ancien n'est pas nécessairement mauvais. Tout ce qui est nouveau non plus !

Sans m'éloigner du sujet, je voudrais dire un mot de cette question, de nature plus idéologique. Là aussi l'unité de l'Eglise est concernée : un chrétien conservateur et un chrétien progressiste vont avoir beaucoup de peine à s'accorder sur un grand nombre de sujets. Cela constitue un arrière-plan de la question des générations, même si les aînés ne sont pas tous conservateurs et si les plus jeunes ne sont pas tous progressistes. Je pense simplement aux pressions qui nous environnent de toutes parts. Il me semble important d'y prendre garde, car cela colore inévitablement nos pensées, nos attitudes.

Le progressisme est une sorte de faux évangile qui croit que l'homme d'aujourd'hui est meilleur que l'homme d'hier. Rod Dreher, dans son dernier livre, cite l'historien Yuri Slezkine : “La foi dans le progrès est une caractéristique tout aussi fondamentale de la modernité que l'était la Seconde Venue [de Jésus-Christ] pour le christianisme”. Il ajoute : Nous croyons aussi au progrès parce que ses racines sont judéo-chrétiennes. [Mais] le progressisme d'aujourd'hui remonte au XVIIIe siècle, quand certains penseurs des Lumières ont sécularisé l'espérance chrétienne en remplaçant la foi en Dieu par la foi en l'homme – en particulier en la science et en la technologie”8.

Quel avantage nous donne la parole de Dieu (le fait d'être chrétiens) pour évaluer tout cela ? Notre professeur Pierre Courthial, à la faculté de théologie d'Aix-en-Provence, disait : Le chrétien est la personne la plus conservatrice qui soit, car toujours elle se réfère à la parole-écrite de Dieu qui ne change pas ; le chrétien est aussi la personne la plus révolutionnaire qui soit car elle juge tout à la lumière de cette parole. Cette parole me semble remarquable car elle bouscule les clivages, les camps. Personne ne peut dire : C'est bon, les autres devraient penser comme moi. Chacun peut se sentir repris, qu'il soit jeune ou plus âgé.

Dans la vie – dans la vie chrétienne aussi – il est impossible de sauter les étapes. A cause de cela, l'âge accorde une prérogative certaine ! Mais si une personne âgée a droit à plus d'égards, elle n'en a que plus de devoirs.

Malheureusement, dans la vie – et dans la vie chrétienne – il est possible de stagner. L'âge ne garantit donc pas les progrès ou la maturité.

Les générations âgées ont donc beaucoup d'atouts. Mais (surtout si vous en faites partie) vous vous dites peut-être : Ai-je appris comme je l'aurais dû ? Ma manière d'être est-elle réellement une aide, un encouragement, un appel, ou bien ai-je cajolé mes défauts avec tout plein d'excuses ? Qu'en pensent mes proches ? En réalité, personne ne peut être fier.

Et celui qui a beaucoup avancé – c'est possible ! – sait mieux que quiconque que ses défauts attristent le Seigneur et qu'il lui reste encore bien du chemin à faire. Que l'humilité vous fasse regarder les autres comme étant au-dessus de vous-mêmes, écrit Paul. Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres. Ayez en vous l'attitude qui était celle de Jésus-Christ (Ph 2.3-5).

_________________________

Note : 

 7Ibid

 8Résister au mensonge (Ed. Artège, 2021). Rod Dreher a aussi écrit : Le pari bénédictin. Comment vivre en chrétien dans un monde qui ne l'est plus ? (Ed. Artège, 2017).

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