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Le blog de Charles Nicolas
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  • Dans une société déchristianisée où les mots perdent leur sens, où l'amour et la vérité s'étiolent, où même les prédicateurs doutent de ce qu'ils doivent annoncer, ce blog propose des textes nourris de réflexion biblique et pastorale.
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28 mai 2020

Le rôle des pères (1)

 

Introduction

J'étais il y a 2 jours chez ma maman à Carpentras. Elle a 90 ans. Elle vient de lire la vie de Martin Luther. Là, elle lit la vie du grand prédicateur baptiste Charles Spurgeon (1834-1892), publiée en 1924. La préface est du fils de Ch. Spurgeon. Il écrit : "Ma plume courait sans se lasser sur ce sujet si agréable pour moi. Jamais fils n'eût un tel père !". C'est donc possible !

Je voudrais écarter tout risque de généralisation ou de caricature, sans être sûr d'y parvenir, car il n'est pas aisé de traiter un sujet comme celui-ci en 45 ou 50 minutes. Je n'ignore pas les difficultés, les malaises, les souffrances qui peuvent exister en lien avec ce sujet. Je ne prétends pas, bien sûr, apporter une réponse à toutes les questions.

En me proposant de parler du rôle des pères, le comité qui m'invite suppose qu'il y a une spécificité de la fonction paternelle. On aurait pu dire : le rôle des parents. La Bible en parle aussi. Mais là, c'est le rôle des pères.

Dans cette époque qui traque tout ce qui ressemble à une discrimination1 et qui cherche à éradiquer la spécificité masculine et paternelle (cf. les maternités sans père, etc.), il est un peu risqué de chercher à souligner cette spécificité. Et pourtant... Je reviens d'un week-end à Bordeaux. Là, je suis tombé sur un petit livre intitulé : Ados en vrille, mères en vrac. Et les pères ? L'auteur, Xavier Pommereau, est psychiatre du Pôle aquitain des adolescents au CHU de Bordeaux2. Il relate un certain nombre de consultations (par des mères, bien sûr). Il cite une adolescente : "Les ados partent en gerbe, les mères ramassent, les pères détalent...".

Je me souviens de l'interview à la radio d'une psychologue, il y a quelques années. Elle disait ceci : "Aujourd'hui, beaucoup d'hommes s'occupent de leurs enfants autant que les mamans, mais ils s'en occupent comme des mamans". Et de décrire les conséquences négatives pour les enfants, pour la famille, pour la société toute entière. Nous pourrions ajouter : pour l'Eglise aussi.

On constate aujourd'hui ce qu'on pourrait appeler une "féminisation des pratiques"... Nous pourrions en parler longuement.

Jean-Louis Auduc et Cécile Rivière ont écrit un livre intitulé : Sauvons les garçons3. Pourquoi sauver les garçons ? On a rarement l'occasion de penser le genre masculin comme une catégorie dis-qualifiante ; et pourtant... Je cite : « A l'école, être un garçon se révèle un handicap. La douloureuse adaptation masculine au système éducatif commence à devenir visible. Aujourd'hui, sur les 150 000 jeunes sortant chaque année sans aucune qualification du système éducatif, plus de 100 000 sont des garçons ».

Vous avez invité un pasteur : mon approche ne sera pas essentiellement sociologique ou psychologique. Je n'ignore pas ces données ; mais ne serait-ce que pour recenser les livres ou articles récents sur le sujet, il faudrait toute la nuit. Beaucoup ont des titres violents. Je pense par exemple au livre de Guy Corneau : Père manquant, fils manqué. Que sont les hommes devenus ?4. Cet ouvrage ne traite pas seulement de l'absence physique du père ; il s'interroge sur le silence qui isole aujourd'hui les pères des fils, silence qui donne à ces derniers l'impression d'avoir été mal paternés. Guy Corneau se demande pourquoi la condition d'homme est devenue si inconfortable, pourquoi les hommes ont peur de l'intimité, pourquoi ils redoutent cette agressivité qu'ils refoulent au plus profond d'eux-mêmes, pourquoi ils se sentent obligés de jouer les héros, les éternels adolescents, les séducteurs, les bons garçons, pourquoi il est si difficile de devenir un homme à part entière dans nos sociétés.

1. La perspective biblique

Avant de souligner quelques spécificités de la vocation paternelle, il nous faut rappeler à grands traits ce que dit la Bible de la similitude qui existe entre l'homme et la femme.

Acceptons ceci : la réalité sur laquelle nous nous penchons ce soir est en partie mystérieuse. Un mystère, dans la Bible, ce n'est pas une réalité à laquelle on ne comprend rien ; c'est une réalité que nous ne pouvons pas comprendre entièrement. C'est une réalité dont la nature peut nous être en partie dévoilée – c'est alors notre responsabilité d'observer, de retenir ce qui est dévoilé – mais en partie seulement, car l'origine (la genèse) est en Dieu, et cela ne peut pas être sondé entièrement5. En d'autres termes, ce n'est pas seulement horizontal... J'y reviendrai.

a. L'égalité. Beaucoup de ceux qui critiquent la Bible ne l'ont jamais lue et il est facile de faire de la culture judéo-chrétienne la racine de tous les maux. Cela ne les empêche pas de profiter tous les jours de l'apport immense que cette culture a permis pour notre civilisation. Parmi ces apports, il y a le principe d'une égalité de nature et de dignité entre l'homme et la femme. La Réforme du XVIème siècle, qui a remis en honneur la lecture de la Bible, a aussi créé des écoles pour les garçons et pour les filles, bien avant la République6.

Le texte de référence, sur ce sujet, n'est autre que le premier chapitre de la Genèse, notamment les versets 26 à 28 : "Puis Dieu dit: Faisons l'Homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre... Dieu créa l'Homme à son image, il le créa à l'image de Dieu, il créa l'homme et la femme. Dieu les bénit...".

Que voyons-nous ? L’Homme a un statut unique dans la Création. Il trouve son identité au-dessus de lui, en Dieu (c'est vertical) et non en bas sur terre, au sein du règne animal. Il est directement créé par Dieu, à la différence des animaux qui "procèdent" de la terre (v. 24).

L'homme et la femme sont ensemble appelés à dominer sur le règne animal et sur l'ensemble de la création (v. 27)7. Précisons que cette domination, ici, n'est pas appelée à s'exercer de l'homme sur la femme, mais de l'homme et de la femme sur la création, de la part de Dieu. Il y a l'affirmation d'une égalité ontologique (fondamentale) entre l'homme et la femme dans ce chapitre.

La genèse d'une histoire en dicte l'orientation. Cette égalité – avec la réciprocité qu'elle suppose – est visible tout au long de la Bible. Je cite quelques versets : "Je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à moi", dit la femme du Cantique des cantiques (6.3). "Ecoute, mon fils, l'enseignement de ton père et ne rejette pas l'instruction de ta mère, car c'est une couronne de grâce pour ta tête" lit-on dans le livre des Proverbes (1.8 ; 6.20 23.22, 25).

Et l'apôtre Paul ? diront certains. Que n'a-t-on pas dit sur lui ! Je le cite : "Que chaque homme ait sa femme et que chaque femme ait son mari. Que le mari rende à sa femme ce qu'il lui doit, et que la femme agisse de même envers son mari. La femme n'a pas autorité sur son propre corps, mais c'est le mari ; et pareillement, le mari n'a pas autorité sur son propre corps, mais c'est la femme. Ne vous privez pas l'un de l'autre, si ce n'est d'un commun accord, pour un temps, pour vous attacher à la prière ; puis retournez ensemble..." (1 Co 7.2-5).

Parfaite réciprocité. C'est écrit il y a 2000 ans.

Deux chapitres plus loin, dans cette même lettre, Paul va cependant introduire une différence de statut assez nette entre l'homme et la femme ; et pour éviter un mauvaise usage de cette différence, il rappelle encore une fois l'interdépendance : "Toutefois, dans le Seigneur, la femme n'est pas sans l'homme, ni l'homme sans la femme. Car de même que la femme a été tirée de l'homme (à la Création), de même l'homme existe par la femme (à chaque naissance), et tout vient de Dieu" (1 Co 11.11-12). Je trouve cela magnifique.

Et pour ce qui est de la parentalité ? Nous avons entendu le livre des Proverbes. Et Paul ? Il écrit : "Enfants, obéissez à vos parents, selon le Seigneur, car cela est juste. Honore ton père et ta mère..." (Ep 6.1-2). Il y a bien une vocation commune, un mandat commun, un même honneur dus au père et à la mère, comme Genèse 1 le dit.

La présence des deux parents apparaît joliment dans le seul récit que nous ayons de l'enfance de Jésus. Jésus a 12 ans. Son père et sa mère sont là (pas seulement sa mère), et Luc écrit que Jésus "descendit avec eux, et il leur était soumis" (Lc 2.51). On voit que la soumission de cet enfant à son père et à sa mère est favorable à sa maturité : "Jésus croissait en sagesse, en stature et en grâce, devant Dieu et devant les hommes" (2.52).

b. La différence. J'ai volontairement insisté sur l'égalité pour pouvoir ensuite parler de la différence et traiter le sujet d'une manière aussi équilibrée que possible. Puisque nous venons d'évoquer cet épisode de Jésus à l'âge de 12 ans, je peux rappeler cette parole étonnante qu'il dit à ses parents à ce moment-là : "Ne savez-vous pas qu'il faut que je m'occupe des affaires de mon Père ?" (2.49).

Nous apprenons ici que si la notion de maternité est incontournable (on pense à Eve qui dit : "J'ai formé un homme avec l'aide de Dieu" (Gn 4.1) ; on pense à Marie, bien évidemment, on pense aussi à l'expression "langue maternelle"...), la notion de paternité renvoie à une dimension verticale qui fait appel à la transcendance. On pourrait le dire ainsi :bien que tout homme soit né d'une femme, il y a une antériorité de la notion de paternité. C'est ce qui explique un certain degré deprééminence du rôle de l'époux et de la fonction paternelle.Genèse 1, nous l'avons vu, établit l'égalité entre l'homme et la femme ;Genèse 2 établit la différence8. On ne va pas choisir entre les deux.

Par exemple, juste après avoir écrit : "Enfants, obéissez à vos parents" (Ep 6.1), Paul ajoute :"Pères, n'irritez pas vos enfants, mais élevez-les en les éduquant et en les disciplinant selon le Seigneur" (6.4). Les deux parents sont normalement ensemble et solidaires. Mais le père, en un sens, est garant. Et quand Paul écrit aux pères de ne pas irriter leurs enfants, on doit comprendre : par un excès ou par un manque.

Est-ce mal parler que de dire cela ? Nous ne croyons pas que la Bible, étudiée avec sérieux et respect, nous égare sur de fausses pistes.

Dans sa lettre aux Ephésiens, Paul en appelle à la soumission mutelle dans l'Eglise, "dans la crainte de Christ" (5.21). J'ai bien dit 'soumission mutuelle', ce qui comprend les hommes et les femmes en tant que chrétiens9. Juste après, Paul appelle les épouses à être soumises à leur mari, comme l'Eglise fidèle l'est vis-à-vis du Seigneur. La référence est verticale. Et il appelle les maris à aimer leur épouse à la manière de Jésus-Christ qui a donné sa vie pour son Eglise. Là encore la référence est verticale.

Peut-on comprendre cela entièrement ? Non, c'est un mystère ; Paul le dit juste après (v. 32). Et il ajoute : "Ainsi, que chaque homme aime sa femme, et que la femme respecte son mari" (5.33). Les deux verbes (aimer et respecter) se ressemblent mais ne sont pas identiques. Ce n'est pas vraiment le sujet de ce soir, mais je ne peux pas ne pas le mentionner10.

Ai-je commencé à traiter le sujet de ce soir ? Je crois que oui. Juste après ces versets que je viens de citer, Paul parle de la relation parents-enfants (Ep 6.1ss). Un homme qui n'aime pas son épouse comme elle a besoin d'être aimée, comment assumera-t-il sa paternité dans de bonne conditions ? Et un homme qui n'est pas respecté comme il est juste qu'il le soit, comment assumera-t-il sa paternité dans de bonnes conditions ?

La perte de la notion de verticalité, l'affadissement de la notion d'amour, l'érosion de la notion de respect, ont fondamentalement sapé les bases de la notion de paternité qui survit... suspendue à quelques bouts de ficelle. Le prix à payer sera très élevé.

______________

Notes.

1 Non seulement cela, mais qui entend exercer une sorte de vengeance, a-t-on parfois l'impression.

2 Ados en vrille, mères en vrac, Albin Michel, 2010. Voir citation en annexe 1.

3Sauvons les garçons, de Jean-Louis Auduc et Cécile Rivière (Descartes et Cie, 2009).

4 Guy Corneau : Père manquant, fils manqué. Que sont les hommes devenus ? Edition de l'Homme, 1989.

5 Un verset du livre du Deutéronome le dit ainsi : "Les choses cachées sont à l'Eternel notre Dieu ; les choses révélées sont à nous et à nos enfants à perpétuité, afin que nous les mettions en pratique" (Dt 29.29). Ce verset implique une double attitude : l'humilité, celle que Dieu rappelle à Job ("Où étais-tu quand j'ai fondé la terre ?"). Laissons à Dieu la part qui lui revient ; ne pensons pas que nous ferons mieux que lui ; et la responsabilité : ce qu'il a plu à Dieu de nous révéler, gardons-nous de le mépriser. Relire aussi Romains 11.33-36.

6 La République qui a ouvert en 1880 seulement l'école secondaire pour les filles, en France.

7 Rappelons que cette domination est exempte de tout excès, de toute méchanceté – de même qu'en Genèse 2, cultiver et garder étaient exempt de toute pénibilité.

8Voir l'annexe 2 : Genèse 1 et Genèse 2

9Voir l'annexe 3: Egalité et différence.

 

10 Voir l'annexe 4 : Aimer et respecter. Je recommande le livre du Dr Emerson EGGERICHS : L'amour et le respect, l'amour auquel elle soupire tant, le respect dont il a désespérément besoin. éd. mmi, Québec, 2013.

 

 

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