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Le blog de Charles Nicolas
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  • Dans une société déchristianisée où les mots perdent leur sens, où l'amour et la vérité s'étiolent, où même les prédicateurs doutent de ce qu'ils doivent annoncer, ce blog propose des textes nourris de réflexion biblique et pastorale.
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26 mai 2020

Ecouter Dieu et les autres (1)

 

1. Entendre et écouter

a. Ecouter implique le cœur. “Tu m'écoutes quand je te parle ?” Chacun, dans une maison, peut un jour dire cela à un autre, ou se l'entendre dire : entre époux, entre parents et enfants... Quelle impression cela laisse-t-il ?

Pour commencer, comparons les verbes voiret regarder... Voir défiler le paysage (en TGV) ou regarder un paysage. Voir une affiche ou regarder un tableau. Voir un oiseau qui passe ou regarder un coucher de soleil. Voir une femme ou regarder une femme... (Mt 5.28).

Où est la différence ? On comprend que l'implication du cœur n'est pas la même. Regarder, c'est fixer les regards. En un sens, la foi est un regard attentif qui s'attend à recevoir quelque chose (Cf. Actes 3.5-6).

La même différence existe entre entendre et écouter. Entendre le bruit d'une cloche ou écouter un message. Entendre une musique de fond dans un magasin ou écouter une cantate. Entendre une conversation ou écouter quelqu'un qui appelle.La différence est très grande. Là aussi, elle concerne le cœur et tout l'être, et donc toute la relation. Les conséquences, les enjeux sont très grands. “Ecoutez et votre âme vivra ! “ (Es 55.3).

La chèvre de Monsieur Seguin a entendu son maître l'appeler : “Reviens ! Reviens !”, mais elle ne l'a pas écouté. Dans le jardin d'Eden, Eve n'a pas seulement entendu le tentateur, mais elle l'a écouté. Jésus dit :Mes brebis écoutent ma voix et elles me suivent”. Comment fait-on la différence entre une brebis qui entend et une brebis qui écoute le berger ? Celle qui écoute abandonne ce qu'elle fait et le suit. C'est la conversion ! Ecouter, c'est accueillir, c'est recevoir, c'est dire oui, c'est suivre, c'est obéir1. Ecouter, c'est donner une partie de soi-même. Il y a un lien entre écouter et aimer. Quand je t'écoute, je te dis que tu existes.

Quel est le lieu où cela peut et devrait se vivre en premier : la salle de culte ? Non, la maison.

b. Ecouter est difficile. “Celui qui a des oreilles, qu'il écoute...” (Mc 4.23).

Nous avons tous été témoins de faux dialogues du genre : "Et moi je... Et moi aussi je... Et moi mon enfant... Et moi le mien...”. Quelle impression cela laisse-t-il ?

L'écoute vraie est finalement assez rare et cela crée beaucoup de frustrations, de solitude. Beaucoup de maris n'écoutent pas leur épouse (ou l'inverse peut-être) ; beaucoup d'enfants n'écoutent pas leurs parents (l'inverse aussi, sans doute...).

Nous avons tous une ou plusieurs choses difficiles à confier, depuis longtemps peut-être. Mais nous le gardons pour nous jusqu'à ce qu'une personne soit vraiment prête à écouter. Des années peuvent s'écouler...

Réfléchissons à ce qu'écrit Dietrich Bonhoeffer. « Le premier service que l'on doit au prochain est de l'écouter. De même que l'amour pour Dieu commence par l'écoute de sa Parole, ainsi le commencement de l'amour pour le frère2 consiste à apprendre à l'écouter. Les chrétiens, et spécialement les prédicateurs, croient souvent devoir toujours « offrir » quelque chose à l'autre lorsqu'ils se trouvent avec lui ; et ils pensent que c'est leur unique devoir. Ils oublient qu'écouter peut être un service bien plus grand que de parler. Qui ne sait pas écouter son frère bientôt ne saura même plus écouter Dieu ; même en face de Dieu, ce sera toujours lui qui parlera... Nous devons écouter avec les oreilles de Dieu, afin de pouvoir nous adresser aux autres avec sa parole ».

(De la vie communautaire)

Nous remarquons que notre attitude envers les autres reflète notre attitude envers Dieu.

Pourquoi 'écouter' est-il "un service plus grand" ?

- D'abord pour établir une vraie relation et non la juxtaposition de deux monologues.

- Pour être attentif à l'autre, à son vécu, à sa souffrance, à son attente.

- Pour être en mesure, le moment venu, d'apporter une parole opportune, de la part de Dieu. Il y a un lien entre l'oreille qui écoute et la bouche qui dit la parole juste (Es 50.4-5), la parole à propos (Pr 15.23 ; 25.11), la parole qui communique une grâce (Ep 4.29-30).

- Pour recevoir, éventuellement, par cette parole écoutée, une parole de Dieu pour moi3.

Tout cela à la maison comme partout ailleurs. A la maison d'abord.

c. Ecouter s'apprend. Ecouter est facile en théorie, mais pas évident dans la pratique. Beaucoup de personnes ne sont pas à même d'écouter vraiment : elles disent qu'elles n'ont pas le temps, mais en réalité elles ne sont pas prêtes, elles n'ont “pas la place” dans leur cœur pour cela, ou elles sont immédiatement renvoyées à elles-mêmes (moi aussi je...) ou elles sont trop pressées d'apporter une réponse, une solution (pour se rassurer elles-mêmes peut-être ou pour passer à autre chose. Cf. Mc 9.6).

Ecouter implique d'être ouvert à l'imprévisible. Je ne sais pas à l'avance ce que je vais entendre ; encore moins ce que je vais dire. Il ne s'agit pas de faire le vide ; il ne s'agit pas d'être neutre. Il s'agit d'être disponible pour permettre à l'autre de dire ce qu'il a réellement besoin de dire, s'il le désire. Si mon écoute est réelle et s'il y a quelque chose à dire, cette chose me sera donnée4. C'est la grâce. C'est Dieu qui pourvoit.

Ecouter nécessite une guérison suffisante de mes peines, de mes blessures, de mes émotions. Cela implique que je sois moi-même écouté, déchargé, visité. Cela signifie être en paix, être "à jour" avec Dieu. Cela a un rapport avec "la circulation de la grâce" : la grâce reçue, la grâce accordée.

Ecouter fait de moi un serviteur : je ne suis pas là pour moi (Ga 5.13). Je donne mon temps, mon attention. C'est ma véritable vocation. Cela commence à la maison, dès le plus jeune âge.

L'écoute est une disposition du cœur. Mais écouter s'apprend. Plus je suis à l'écoute, plus mon écoute s'éveillera. Si je refuse d'écouter, bientôt je n'entendrai même plus.

____________

2. La notion biblique du prochain

Je ne veux pas m'attarder trop sur ce point qui pourrait nous éloigner de notre sujet, mais seulement tenter de résumer le fruit de ma réflexion sur le sens du mot 'prochain', puisqu'il figure dans l'intitulé. Pourquoi est-ce important ? Parce que ce terme, contrairement à ce que l'on croit généralement, n'a pas seulement un sens universel ; il implique aussi une notion d'appartenance commune, de communauté5. En cela, il rejoint notre sujet.

a. La communauté d'appartenance. On doit citer évidemment Lévitique 19 : “Tu ne haïras pas ton frère dans ton cœur ; tu auras soin de reprendre ton prochain, mais tu ne te chargeras pas d'un péché à cause de lui. Tu ne te vengeras pas, et tu ne garderas pas de rancune contre les enfants de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis l'Éternel” (19.17-18). De toute évidence, ces expressions désignent les mêmes personnes : les membres du peuple de Dieu. Et les autres ? Des autres, il n'est pas question, sinon ceux qui ont choisi de s'intégrer dans ce peuple choisi par Dieu.

Et dans le Nouveau Testament ? Le Nouveau Testament reprend cette compréhension- là. Je lis Ephésiens 4.25 : “C'est pourquoi, renoncez au mensonge, et que chacun de vous parle selon la vérité à son prochain, car nous sommes membres les uns des autres”. Le contexte de ce chapitre (mais aussi de toute l'épître, de toutes les épîtres !), c'est la croissance de l'Eglise dans l'unité et dans la vérité, ce qui est résumé dans le mot 'édification' (v. 29). L'expression “les uns les autres” désigne toujours les membres du peuple de Dieu. Toujours. Pour Paul, le mot 'prochain' désigne les membres du peuple de Dieu, ceux qui sont sanctifiés, les frères et les sœurs dans la foi.

Par l'influence de la pensée humaniste 6 (et peut-être de la logique du salut par les œuvres...), nous avons conclu trop rapidement que le mot 'prochain' désignait 'tout le monde', la société. En un sens, c'est bien 'tout le monde', mais potentiellement, de même que tout homme peut un jour devenir mon frère en Christ. Cependant, le sens du mot 'prochain' implique une dimension d'appartenance (“les enfants de ton peuple” ; cf. l'expression “maison d'Israël”, Ex 16.31), une dimension de sainteté7.Ce n'est pas seulement horizontal8.

b. Dieu et les siens : deux communions qui n'en font qu'une. “Persévérez dans la prière ; pourvoyez aux besoins des saints”(Ro 12.12-13). Les deux vont ensemble. C'est un même fruit de la grâce, de la foi, de l'amour. Et chacun de ces deux engagements affecte l'autre, qu'on le sache ou pas, qu'on le veuille ou pas. C'est la raison pour laquelle Jésus dit du second commandement (“Tu aimeras ton prochain”)qu'il est semblable au premier. Ce n'est pas une question de morale, c'est une question de communion, dès lors qu'il est question du peuple racheté. Seuls les chrétiens peuvent le comprendre !

Nous comprenons que cela a des répercussions importantes dans notre vécu. Entre chrétiens, le bien qui est fait est plus grand que ce qu'on pouvait imaginer... et le mal qui est fait est plus grave ! C'est pourquoi Paul peut écrire que “si quelqu'un n'a pas soin des siens, et principalement de ceux de sa famille, il a renié la foi, et il est pire qu'un infidèle” (1 Tm 5.8).

___________

3. Dieu est le Dieu des maisons

a. Le Dieu des maisons. Le Dieu de la Bible n'est pas d'abord le Dieu des temples et des églises ; c'est le Dieu des maisons. “Un agneau pour chaque famille, un agneau pour chaque maison”(Ex 12.3) a prescrit Moïse de la part de l'Eternel. C'est la concrétisation initiale de toute l'œuvre de la rédemption : expiation et sanctification. Si un égyptien avait supplié qu'on l'abritât, il aurait été sauvé. Même Pharaon s'incline devant cette loi : « Allez, servez l'Eternel ; et vos enfants pourront aller avec vous » (Ex 10.24).

Je cite un autre texte fondateur de la foi d'Israël :Écoute, Israël ! l'Éternel, notre Dieu, est le seul Éternel. Tu aimeras l'Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. Et ces commandements, que je te donne aujourd'hui, seront dans ton cœur. Tu les inculqueras à tes enfants, et tu en parleras quand tu seras dans ta maison, quand tu iras en voyage, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras” (Dt 6.4-7). Pas seulement dans la maison - aussi quand tu es en voyage (certain ne sont pieux que dans leur maison ; au dehors, ils adoptent d'autres postures, pour se fondre) – mais d'abord dans la maison.

Est-ce seulement pour la première alliance ? Non. Je cite Pierre après ce qu'on pourrait appeler la première prédication chrétienne (encore un moment fondateur) : “La promesse est pour vous, pour vos enfants et pour ceux qui sont au loin, en aussi grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appellera” (Ac 2.39). C'est vaste, mais cela commence par la maison : vous et vos enfants.

C'est ce que dira Paul aux parents (quand un des deux parents au moins est chrétien) : « Vos enfants sont saints » (1 Co 7.14). Il ne dit pas 'sauvés', mais 'saints' (7.16), c'est-à-dire au bénéfice d'une position privilégiée, avec une responsabilité particulière. Nous notons que ces enfants n'ont pas choisi d'être là !

b. Le lien entre la maison et l'église. Beaucoup d'éléments rappelés jusqu'ici démontrent le lien plus qu'étroit qui relie l'église (qui n'est pas un bâtiment) et la maison. Citons la recommandation de Paul à Timothée concernant les anciens et les diacres : “Il faut qu'il dirige bien sa propre maison, et qu'il tienne ses enfants dans la soumission et dans une parfaite honnêteté ; car si quelqu'un ne sait pas diriger sa propre maison, comment prendra-t-il soin de l'Église de Dieu ?Les diacres doivent être maris d'une seule femme, et diriger bien leurs enfants et leur propre maison” (1 Tm 3.4-5, 12). Cela ne concerne-t-il que les anciens et les diacres ? Bien sûr que non. Ils sont des modèles : c'est donc pour tous.

c. La maison comme premier lieu de l'écoute. Aux personnes qui me disent qu'elles sont croyantes mais pas pratiquantes, je demande volontiers si elles ont une chambre avec une porte. Si elles me répondent que oui, alors je cite cette parole de Jésus : “Quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton père qui est dans le lieu secret” (Mt 6.6). Parfois je suggère que si on n'a pas prié d'abord tout seul dans sa chambre, on ne devrait pas le faire avec l'église...

A la fin de sa vie, Moïse répète avec d'autres mots ce commandement fondamental (“Ecoute, Israël !”) : “Tu choisiras la vie... en aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix. C'est ainsi que tu vivras et que tu prolongeras tes jours...” (Dt 30.19-20). Dans ces versets, l'amour est associé à l'écoute. Le pasteur Antoine Nouis écrit : “La pire chose qui peut arriver à la foi est d'avoir un esprit habitué, de laisser la grâce glisser sur nous comme sur les plumes d'un canard” (Journal Réforme du 4 août 2016). Il est évident que c'est d'abord dans nos maisons ! Nous reviendrons sur ce point.

_______________

Notes.

1Il y a un lien entre l'écoute et la circoncision du cœur. Ainsi, Dieu touche le cœur de Lydie pour qu'elle soit attentive aux paroles de Paul (Ac 16.14).

2 Nous remarquons que les mots frères et prochains sont employés comme synonymes, ce qui est conforme à l'Ecriture. Nous allons y revenir.

3C'est là ce que Paul appelle la soumission mutuelle : Recevoir ce qui peut venir de Dieu dans la parole de l'autre.

4"Les projets que forme le cœur dépendent de l'homme, mais la réponse que donne la bouche vient de l'Eternel" (Pr 16.1).

5Ces deux notions ne s'opposent pas, comme on le voit en Ga 6.10 :“Ainsi, pendant que nous en avons l'occasion, pratiquons le bien envers tous, premièrement envers les frères en la foi”.

6Cf. Le Contrat social de Jean-Jacques Rousseau, en 1762.

7Des étrangers y étaient accueillis, assimilés. Cependant, cela ne se situait pas seulement sur un plan social, humanitaire, car il s'agissait du peuple élu, avec une dimension de grâce qui allait de pair avec la sanctification. Cf. Jos 2.8 ; 6.17.

 

8 Et le sommaire de la loi ? “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et ton prochain comme toi-même” (Mt 22.38-39 ; Ro 13.9 ; Ga 5.14).Il est formulé avec des termes un peu différents par Jean : “Si quelqu'un dit: J'aime Dieu, et qu'il haïsse son frère, c'est un menteur ; car celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, comment peut-il aimer Dieu qu'il ne voit pas ? Et nous avons de lui ce commandement : que celui qui aime Dieu aime aussi son frère” (1 Jn 4.20-21). Le frère et le prochain désignent les mêmes personnes. Paul écrit : “Que chacun de nous complaise au prochain pour ce qui est bien en vue de l'édification” (Ro 15.2). Or, le mot 'édification' ne peut s'appliquer qu'à l'Eglise !

 

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