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Le blog de Charles Nicolas
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  • Dans une société déchristianisée où les mots perdent leur sens, où l'amour et la vérité s'étiolent, où même les prédicateurs doutent de ce qu'ils doivent annoncer, ce blog propose des textes nourris de réflexion biblique et pastorale.
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20 mai 2020

Amour et vérité - Se parler quand c'est difficile (1)

 

Tout le monde est pour... mais cela ne suffit pas. Réfléchissons. Qu'est-ce qui est le plus délicat : Dire quelque chose de difficile ? Ou devoir l'entendre ? Nous ne sommes pas tous identiques, ne l'oublions jamais.

Ce sujet est important. Pourquoi est-il important ? Parce qu'il ne s'agit pas seulement d'une question de bien-être ou de tranquillité. Ce n'est pas seulement horizontal. Remarquer que des non-chrétiens pourraient aborder le même thème. Mais pour nous chrétiens, l'enjeu c'est aussi la dimension du Royaume de Dieu au milieu de nous, cette dimension qui fait la différence entre l'Eglise de Jésus-Christ et une association sympathique comme il en existe tant.

Paradoxalement, je voudrais mettre en exergue de cette réflexion deux versets du livre des Proverbes :

"L'ami aime en tout temps, et dans le malheur il se montre un frère" (Pr 17.17).

"Les blessures d'un ami prouvent sa fidélité, mais les baisers d'un ennemi sont trompeurs" (Pr 27.6).

Curieusement, la notion d'amitié vient enrichir la notion de fraternité. Peut-être parce qu'on ne choisit pas ses frères, tandis qu'on choisit ses amis ou... d'être ami ! Jésus a emprunté cette piste, semble-t-il, quand il dit à ses disciples qu'ils ne sont pas seulement ses frères – ils l'étaient en tant que Juifs – mais aussi ses amis, avec cette expression : "Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis" (Jn 15.13-14). Je crois que nous sommes dans le sujet1.

Ce sujet est susceptible de nous faire passer par la case humiliation. Il peut aussi nous conduire à la case guérison et à la case victoire, avec la joie qui va avec.

 

1. La notion de communion

Il est très important que nous prenions en compte le cadre dans lequel nous nous situons. Un menuisier qui scie une planche ou un chirurgien qui opère un patient ne sont pas dans le même cadre, n'useront pas des mêmes précautions. Comprendre le cadre, c'est comprendre les gestes qui s'imposent. Beaucoup d'églises sont tentées de fonctionner sur un modèle associatif. C'est ennuyeux. Le cadre qui est le nôtre est bien sûr caractérisé par la foi, par l'amour, mais aussi par la crainte de Dieu, par la sainteté et par la communion. Chacun doit le comprendre. On ne fait pas n'importe quoi. On ne fait pas ce qu'on veut. On ne fait pas comme on veut. C'est là, en même temps, ce qui va nous mobiliser pour avancer, parler, agir, et aussi pour nous abstenir de tout ce qui ne convient pas à la sainteté et à la communion.

Je voudrais illustrer cela avec deux textes du Nouveau Testament.

a. Le premier se situe dans le cadre du couple. Pourquoi ? Parce que le couple est un lieu de communion – et pas seulement un contrat genre "Pacs". Aussi parce que le couple a une importance, aux yeux de Dieu, en tant qu'alliance, bien plus grande qu'on le pense. Encore parce que c'est un lieu où il peut y avoir assez souvent des choses difficiles à dire, avec le double risque de ne pas les dire ou de mal les dire. Enfin, parce qu'en un sens le couple prime sur l'église. Dieu est d'abord le Dieu des maisons, avant d'être le Dieu des temples et des églises. "Ces paroles seront dans ton coeur et dans ta maison" écrit Moïse (Dt 6.6-7). "Et si quelqu'un ne sait pas diriger sa propre maison, comment prendra-t-il soin de l'église de Dieu ?" (1 Tm 3.5).

Je rappelle ce qu'écrit Pierre dans sa première lettre :"Maris, montrez à votre tour de la sagesse dans vos rapports avec vos femmes, comme avec un sexe plus vulnérable ; honorez-les, comme devant aussi hériter avec vous de la grâce de la vie. Qu'il en soit ainsi, afin que rien ne vienne faire obstacle à vos prières" (1 Pi 3.7).

On pourrait en parler longuement. Tant de souffrances non élucidées... Evidemment, cela concerne surtout ceux qui sont mariés. Mais pas seulement, car cela confirme que Dieu est extrêmement sensible à des réalités auxquelles nous ne prenons pas garde. Nous devrions y songer davantage. Afin que rien ne vienne faire obstacle à vos prières! Il y a, c'est sûr, des chrétiens qui ont prononcé d'admirables prières et qui auraient mieux fait de changer d'attitude envers leur épouse auparavant. La raison est si profonde que Paul l'appelle un 'mystère' (Ep 5.32). Seuls les chrétiens peuvent le comprendre, et encore... Juste après, Paul donne cet ordre : "Que chacun de vous aime sa femme et que la femme respecte son mari" (5.33)2.

Je ne veux pas développer ceci trop longuement, mais nous rendre attentifs, cependant. Tout ce que l'homme doit dire à sa femme – y compris et surtout quand c'est difficile – doit être marqué du sceau de l'amour : c'est-à-dire avec une force qui se démontre dans un esprit de renoncement et de service, c'est-à-dire d'une autorité qui ne recherche pas son intérêt et qui protège, c'est-à-dire avec une patience et une douceur bienveillantes. L'homme ne devrait jamais être dur envers son épouse, car il est un serviteur. Chacun a reconnu dans cette attitude celle du Seigneur lui-même.

Et tout ce que la femme doit dire à son mari – y compris et surtout quand c'est difficile – doit être marqué du sceau du respect : c'est-à-dire sans jamais tenter d'aucune manière de le dominer, d'user d'autorité envers lui (cf. 1 Tm 2.11-12 ; 1 Pi 3.1). La femme ne devrait jamais être méprisante envers son mari, car elle est une servante. Chacun a reconnu dans cette attitude celle de l'Eglise envers le Seigneur.

Comprendre cela, c'est l'intelligence de la foi.

b. Le second texte se situe dans le cadre de l'Eglise. C'est la même vérité, en fait."Si donc tu présentes ton offrande à l'autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère ; puis, viens présenter ton offrande. Accorde-toi promptement avec ton adversaire, pendant que tu es en chemin avec lui, de peur qu'il ne te livre au juge..." (Mt 5.23-25). Jésus ne donne pas des conseils. Il ordonne...

Le frère, ici, c'est le frère juif – nous pouvons dire aussi le frère chrétien – et non pas n'importe qui ou tout le monde, comme certains le croient : le contexte est communautaire. Cela nous renvoie assez directement au repas du Seigneur, à la nécessité de "discerner le corps du Seigneur", de ne pas agir "indignement" (1 Co 11.27-29). On se souvient que c'est sérieux. Cela a des implications pratiques qu'on oublie souvent. La communion est comme une coupe. Si elle est fissurée – quand bien même cela ne se voit pas, la bénédiction se perd : la coupe ne débordera pas (Ps 23.5).

Avec ce passage de Matthieu, nous apprenons aussi qu'il y a des adversaires ou des ennemis au sein du peuple de Dieu (Mt 5.39, 43), car c'est bien de cela qu'il s'agit. N'idéalisons pas l'Eglise, et ne la confondons pas avec le Royaume de Dieu3.

En fait, les relations sociales intéressent assez peu l'apôtre Paul. Ce qui l'intéresse par dessus tout, ce sont les relations parmi les frères, avec comme enjeu principal la dimension de l'unité spirituelle, de la communion : avec Dieu et avec les frères. C'est la même, en fait4 ! C'est aussi ce que dit l'apôtre Jean5.

Nous avons assurément un Dieu qui est très sensible à cela, qui a une oreille très fine pour ce qui concerne les fausses notes (cf. Ph 4.2). Nous n'imaginons pas à quel point le lien qui unit chaque chrétien avec son Seigneur est étroit (Ac 9.5). Je dis bien chaque chrétien – et pas seulement ceux qui sont sympathiques ou qui pensent comme moi.

2. La notion de cause commune

En un sens, dans l'église, chacun prime. De même, chaque brebis dans un troupeau, chaque membre dans le corps : une brebis manque (Lc 15.4), un membre souffre (1 Co 12.26), un autre est méprisé (Ro 14.4 ; 1 Co 8.11...). Le Seigneur voit la souffrance de son enfant (de mon frère ou ma soeur). Est-ce que je la vois, moi aussi ?

Mais dans un autre sens, le véritable enjeu c'est le ‘tous’, car ‘tous’ c'est le corps, et le corps c'est Christ ! (1 Co 12.12). Chacun est important, même le plus petit (Mt 10.42 ; 18.6) ; mais la maturité se démontre par la prise en compte de l'intérêt commun. "Pourquoi ne vous laissez-vous pas dépouiller" plutôt que d'avoir des querelles entre vous et de briser ainsi la communion ? demande Paul (1 Co 6.7-8). C'est d'ailleurs là toute la dynamique de la croix : "Il est préférable qu'un seul meure pour le peuple et que la nation entière ne périsse pas" (Jn 11.50).  

C'est aussi la démonstration d'1 Corinthiens 12 : les dons n'ont pas pour vocation le bénéfice de chacun, mais l'édification de tous ! Or, tout doit être fait pour l'édification (14.26). Il est important de comprendre que le mot 'édification' a toujours une dimension communautaire : édifier, ce n'est pas 'se faire du bien', c'est construire un édifice, un ensemble unit qui croît.

Ici intervient nettement la dimension du devoir, du service, du sacrifice même6. Mieux vaudrait se laisser dépouiller que d'avoir des querelles entre frères, dit Paul (1 Co 6.7). Avec ces questions : Où est le besoin ? Où se situe la faille, le risque ? Où est la priorité ? Qu'est-ce qui va être utile, qu'est-ce qui va aider à avancer ? Qui et comment puis-je servir ? Comment Dieu est-il en train d'agir ?

Ici, les calculs d'intérêt personnel n'ont pas leur place. Cela est capital pour notre sujet. Je songe souvent à cette parole de Paul : "Qu'on n'entende parmi vous aucune mauvaise parole, mais, s'il y a lieu, quelque bonne parole qui serve à l'édification et communique une grâce à ceux qui l'écoutent" (Ep 4.29). Une bonne parole ? C'est peut-être une parole difficile... Mais elle est à dire de la part du Seigneur. Est-ce seulement pour les prédicateurs ? C'est pour tous, y compris les enfants. "Servir à l'édification" : il s'agit de l'intérêt commun, le contraire de l'individualisme et de l'esprit de parti.

 

3. L'Amour et la vérité

Quand nos enfants étaient petits, mon épouse a dû faire une piqûre quotidienne à l'un d'entre eux. Quand il demandait si cela allait faire mal, elle répondait : Un peu, mais ça va passer tout de suite. Ainsi, nos enfants ont toujours su que leur maman disait la vérité. L'amour a un besoin vital de vérité ; mais la vérité sans amour tue...

En schématisant, on peut dire qu'il y a dans chaque église des chrétiens 'amour' et des chrétiens 'vérité'. Les chrétiens 'amour' n'ont pas forcément plus d'amour, mais pour diverses raisons (pas forcément spirituelles), leur coeur penche vers l'amour (ou ce qu'ils appellent l'amour, 1 Co 3.3), au risque d'oublier la vérité7. Les chrétiens 'vérité' ne sont pas forcément plus dans la vérité, mais leur coeur penche vers ce qu'ils considèrent être la vérité, au risque d'être durs, d'oublier que l'autre est aussi un souffrant...

Ces "sensibilités" peuvent parfois correspondre à des dons ou à des vocations venus de Dieu : elles sont alors complémentaires et elles doivent s'accorder. Mais trop souvent ces clivages sont charnels, tout humains, liés à des héritages familiaux, des principes d'éducation, des craintes, des accointances idéologiques8... Les chrétiens-vérité, par exemple, disent : Moi, je suis franc, je dis ce que je pense, et ils vous envoient ce qu'ils pensent à la figure. Non pas pour aider mais parce que ça leur fait du bien9 ! Quand aux chrétiens-amour, ils confondent souvent aimer et plaire, plaire n'étant que l'amour de soi...

Quand les conversions sont superficielles, quand la prédication est insuffisamment précise ou ne va pas assez loin dans la dénonciation du péché, des idoles, ces racines idolâtres ne sont jamais mises en lumière. L'Evangile glisse dessus mais ne change pas la réalité des coeurs. C'est ennuyeux. Les comportements demeurent charnels.

Dans la perspective biblique, l'amour et la vérité sont révélés et nourris par le même Esprit : ils sont saints, bien éloignés de toutes les manipulations humaines. L'amour brise, autant que la vérité ; la vérité est secourable, autant que l'amour. L'un et l'autre sont impossibles sans la grâce de Dieu : il convient donc de se défier (de se méfier) de soi-même, de ne pas être sages à nos propres yeux (Pr 3.7).

Comme chrétiens, nous sommes au bénéfice de l'amour et de la vérité qui, comme le salut, ne viennent pas de nous-mêmes, mais de Dieu (le Salut est extra nos). Nous n'en sommes pas les possesseurs, nous en sommes les serviteurs. A ce titre, chacun doit "considérer les autres comme étant au-dessus de lui-même"(Ph 2.3). L'humilité est le vêtement qui convient le mieux à un serviteur, à une servante, et c'est ce que nous sommes, à l'exemple du Seigneur lui-même (Mt 20.28). Or, l'humilité est dépendante de l'amour autant que de la vérité (Ga 5.13-14).

Enfin, l'Amour et la vérité sont indissociables. La maturité (individuelle et communautaire) va se démontrer par "la vérité professée dans l'Amour"(Ep 4.15). Je retiens cette affirmation de Paul : "L'Amour ne se réjouit pas de l'injustice, l'amour se réjouit de la vérité" (1 Co 13.6). Le verbe se réjouir signifie carrément 'sauter de joie', 'bondir en avant' ! Le contraire de l'abattement10.

________________

 

Notes

 

1La notion d'amitié entre chrétiens est notamment évoquée avec le terme philadelphia, en Ro 12.10 par exemple.

2Je recommande la lecture du livre d'Emerson Eggerichs : L'Amour et le Respect (MMI, 2004). Voir l'annexe 1 : L'amour et le respect. Voir l'annexe 7 : Faire acception de personnes ?

3 Je crois que quand Jésus dit d'aimer son ennemi (à la fin de ce même chapitre), il parle du frère ennemi. On voit cela aussi chez Paul. "Je le dis à votre honte. Ainsi il n'y a parmi vous pas un seul homme sage qui puisse prononcer entre ses frères. Mais un frère plaide contre un frère, et cela devant des infidèles ! Et c'est vous qui commettez l'injustice et qui dépouillez, et c'est envers des frères que vous agissez de la sorte !" (1 Co 6.5-8).

4"Qu'ils soient un comme nous sommes un, moi en eux et toi en moi" (Jn 17.22-23). "Priez Dieu continuellement, pourvoyez aux besoins des saints..." (Ro 12.12-13). "En péchant contre un frère, vous péchez contre Christ" (1 Co 8.11s).

5 "Si quelqu'un dit qu'il aime Dieu et qu'il haïsse son frère, c'est un menteur, car celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, comment peut-il aimer Dieu qu'il ne voit pas ? Et nous avons de lui ce commandement : que celui qui aime Dieu aime aussi son frère" (1 Jn 4.20-21).Voir l'annexe 2 : Christ et les siens.

6Voir l'annexe 3 : Le devoir et ses limites.

7Il y a quelques jours, j'ai entendu ces 2 expressions : l'égoïsme du respect de l'autre, et la soupline langagière...

8Le clivage entre chrétiens de gauche et chrétiens de droite relève d'un tabou et n'est jamais dénoncé. Il pénalise cependant considérablement l'édification de l'Eglise. Beaucoup de conflits non élucidés ont leur racine à ce niveau...On peut lire l'article : Nous portons tous des lunettes sur : Le blog de Charles Nicolas ou sur Evangile 21.

9Certains médecins agissent de même quand il s'agit d'annoncer une maladie grave : ils se déchargent...

 

10 Un mot sur le verset qui suit : "L'Amour excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout" (13.7). Que faut-il comprendre ? Que l'Amour croit tout et n'importe quoi, y compris l'erreur et le mensonge ? Qu'il espère tout et n'importe quoi, y compris les rêves et les chimères ? Le verset 6 vient de dire le contraire. Le mot tout devrait être traduit par entièrement, totalement, sans partage. Mais cela se fait dans un attachement total à la justice (= ce que Dieu approuve) et à la vérité. L'amour a horreur du mensonge, de ce qui est faux.

Quant à l'adage : Dieu déteste le péché mais il aime le pécheur, il ne me paraît pas nécessairement juste, dit comme cela. Dieu aime le pécheur contrit, Dieu aime le pécheur qui se repent. Le pécheur qui ne se sépare pas de son péché sera rejeté avec son péché. Il me semble qu'il faut le dire. Mais comment ? Dans l'amour et dans la vérité, c'est-à-dire au moment et de la manière que Dieu montrera. Cela ne peut pas venir de nous seuls.

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