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Le blog de Charles Nicolas
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  • Dans une société déchristianisée où les mots perdent leur sens, où l'amour et la vérité s'étiolent, où même les prédicateurs doutent de ce qu'ils doivent annoncer, ce blog propose des textes nourris de réflexion biblique et pastorale.
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27 novembre 2019

Le rôle des pères (3)

 

 

3. Les implications

On devine que les implications sont très nombreuses1. S'il fallait les résumer en une phrase, on pourrait dire que le père a un rôle émancipateur : il vise la maturité2.

On demande au pédiatre Aldo Naouri3: L’autonomie grandissante des femmes contribue, semble-t-il, à diminuer l’importance du rôle du père. Quelles conséquences en attendre ?

Il répond : Nous vivons effectivement dans une société qui manque de pères et c’est la cause de leur désarroi actuel. Sous prétexte du rejet de l’antique 'Pater Familias', l’autorité paternelle est aujourd’hui battue en brêche (...). Les pères préfèrent plutôt endosser un rôle de copain à l’égard de leurs enfants. Leur positionnement de mère est encouragé par notre société de consommation. Celle-ci crée sans cesse de nouveaux besoins et nous incite chaque jour à les satisfaire (...). De ce fait notre société est devenue très maternante (...) Si l’on veut s’en sortir, il faut que les pères réintègrent leur place afin que les enfants, moins maternés, apprennent à composer avec l’adversité et la non-satisfaction (...) Aujourd'hui, le père est paumé, il n'a plus de statut, il est une mère de substitution.

La journaliste : En constatant l'absence de père, vous dénoncez la perte de l'autorité, de la verticalité.

Aldo Naouri : Oui. On investit désormais le seul plaisir et, avec lui, l'instant, le court terme. On vit dans les dimensions féminines du temps. Il n'y a plus de hiérarchisation, cela est ressenti dramatiquement par les enfants, même devenus grands... Un nouveau-né, dit-il, est un être de pulsions qui mord dans la vie avec pour seule boussole le principe de plaisir. L'éducation est là pour lui opposer le principe de réalité, pour lui montrer qu'il n'est pas seul au monde et qu'il doit tenir compte des autres. Acquiescer sans discernement à ses demandes développera sa toute-puissance infantile, dont les manifestations sont multiples, des troubles du sommeil à l'agitation. Il croira devoir conserver son rapport à la toute-puissance toute sa vie. Cette affaire, si elle est bien menée, est jouée à 4 ans. On peut encore la rattraper, avec des efforts plus ou moins grands, jusqu'à 12 ans. À l'adolescence, c'est extrêmement difficile. Cela passe par le rappel des limites"4.

Ce principe de réalité, on le trouve dans la Bible de manière très claire. "La folie est attachée au coeur de l'enfant, lit-on dans le livre des Proverbes ; la baguette de la correction l'en délivrera"(Pr 22.15). Du mot 'correction', nous n'avons retenu que la dimension négative ; et pourtant... Qu'advient-il si on ne corrige pas ce qui dévie ? C'est pourquoi le livre des Proverbes dit aussi : "Le Seigneur réprimande celui qu'il aime, tout comme un père le fils qu'il chérit"(3.12). Pourquoi ? Parce que celui qui ne réprimande pas ment, faisant croire qu'il n'y a pas de conséquences, que tout revient au même, ce qui est faux.

Ainsi, nous lisons dans la lettre aux Hébreux : " Mon fils, ne méprise pas la correction du Seigneur, ne te décourage pas lorsqu'il te reprend. Car le Seigneur corrige celui qu'il aime, il châtie ceux qu'il reconnaît comme ses fils. C'est en fils que Dieu vous traite. (C'est là la dimension de l'alliance dont nous avons parlé). Quel est, en effet, le fils que son père ne corrige pas ? Si vous êtes privés de la correction à laquelle tous (tous les fils) ont part, alors vous êtes des bâtards et non des fils. Nous avons eu des père terrestres pour éducateurs, et nous nous en sommes bien trouvés ; n'allons-nous pas, à plus forte raison, nous soumettre au Père des esprits et recevoir de lui la vie ? Nos pères terrestres nous corrigeaient pour un temps ; lui nous corrige pour notre profit, en vue de nous communiquer sa sainteté. Toute correction, sur le moment, ne semble pas un sujet de joie, mais de tristesse. Mais plus tard, elle produit chez ceux qui ont été ainsi exercés un fruit de paix et de justice"(Hé 12.5-11). Je pense que chacun perçoit ce que j'ai appelé la dimension de la verticalité, dans ces passages. Ce n'est pas seulement terrestre, humain, immédiat.

Je cite Aldo Naouri : "Le père a un rôle fondamental qui est le contrepoint de celui que joue la mère. Le rôle de la mère, qui a commencé dès la grossesse, est de donner satisfaction à tous les besoins de l’enfant. Ce qui est totalement nécessaire dans les tout premiers mois de la vie où l’enfant n’a aucune autonomie, mais qui s’avérerait nocif à long terme dans la construction même de cette autonomie si le père n’intervient pas. C’est là son rôle. S’interposer entre la mère et l’enfant, casser la logique de cette relation fusionnelle... Il est celui qui aide à quitter le refuge, qui prépare l’enfant au monde, et le contraint à avancer..."5.

Plus loin, il écrit : "L'enfant doit être constamment dans l’effort.La notion d’effort a été complètement oubliée depuis une dizaine d’années. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, on apporte tout à l’enfantOn lui mâche tout. Nous élevons les enfants en leur coupant les pattes et les ailes6.

On dit à Aldo Naouri : Vous dénoncez la société « adulescente »…

Il répond : On n’élève plus les enfants pour faire d’eux des adultes suffisamment matures pour s’inscrire dans un corps social et y intervenir. On les élève d’abord pour en jouir narcissiquement en comblant le moindre de leurs désirs. On se complaît dans l’idée de faire durer l’enfance le plus longtemps possible"7.

Le journaliste :La notion d'autorité, notamment face à ses enfants, a beaucoup évolué, elle aussi ? Comment la définissez-vous ?

A. Naouri : L'autorité est indispensable mais elle doit être tranquille. Ce ne doit pas être de l'autoritarisme, qui n'est rien d'autre que l'autorité des faibles. Si vous n'êtes pas déterminé à vous faire obéir, ne donnez pas d'ordre. Le petit est branché sur l'inconscient, et s'il ne sent pas la détermination, il va tout de suite chercher la négociation. Pour autant, autorité ne veut pas dire décréter tout en tout, ce serait l'horreur. Mais, sauf s'il le demande, on n'a pas besoin d'expliquer à un bébé pourquoi il ne faut pas mettre les doigts dans la prise. Cette autorité tranquille est très efficace"8.

Je donne la parole un instant au pasteur d'origine britannique Derek Prince9. "Le rôle du père dans le foyer est primordial. A moins que le père ne prenne sa place, accepte ses responsabilités et joue le rôle que Dieu veut pour lui, c'est-à-dire chef de sa maison, alors le plan de Dieu pour le foyer ne peut marcher. Dieu nous donne en tant que pères la responsabilité d'enseigner sa parole et ses voies à nos enfants dans le foyer. Cette responsabilité ne peut pas être laissée à certaines institutions religieuses particulières telles que l'église ou l'école du dimanche. En tant que parents, nous devons instruire nos enfants dans les paroles et les voies de Dieu dans nos maisons. Le désastre que vit la famille occidentale est celui de l’homme renégat,écrit-il. Certains hommes trouveront peut-être le mot renégat trop fort, insultant même. Cependant, je l’utilise à propos. Un renégat est quelqu’un qui déserte, et la grande majorité des hommes des pays occidentaux ont tourné le dos à leurs trois responsabilités primordiales – celle de mari, de père et de chef spirituel"10.

Il ajoute : "Il ne suffit pas au père d’instruire, il faut que l’enfant veuille recevoir cet enseignement. Afin de maintenir la communication, il y a deux attitudes opposées que le père doit prévenir chez ses enfants : la rébellion d’un côté, et le découragement d’un autre. Il lui faut dès lors donner de son temps et de son attention à chaque enfant. Il lui faut cultiver la personnalité individuelle de chaque enfant"11.

Comment conclure en deux mots ? Je veux d'abord souligner le rôle primordial de la maison. Notre Dieu est un Dieu des maisons. Non pas la maison comme un lieu de repli frileux, au contraire : la maison comme un lieu de formation à la vie12. Dans sa dimension horizontale, certes (tant mieux s'il y a à manger dans le réfrigérateur et des caresses avant de s'endormir), mais aussi dans sa dimension verticale, dans la belle dimension de service et de fidélité que nous enseigne la foi. D'abord tout seul ("Entre dans ta chambre, ferme la porte et prie ton père qui entend dans le secret")13, puis dans le couple si on est marié, puis avec les enfants quand ils sont là. Et les petits enfants, d'une manière différente, mais pas n'importe comment. La vie dans l'église – et aussi dans la rue et partout ailleurs – est le prolongement de la vie des maisons.

Enfin, je poserai aux pères cette double question : Assumer le rôle que Dieu nous confie devrait-il nous faire peur ou nous faire envie ? Cela pourrait nous faire peur, mais avec les promesses et la grâce de Dieu, cela devrait nous faire envie !

(A suivre les annexes)

1 “Qu'est-ce que cette fonction paternelle ? Comment peut-elle se mettre en place ? Quand on sait combien sa carence est préjudiciable à l'équilibre d'un couple et au devenir de l'enfant, on ne peut pas se soustraire à ces questions. Si c’est bien la mère qui accouche de l’enfant, c’est le père qui le met au monde à l’adolescence”A. Naouri.

2 Olivier Guez a coordonné l'ouvrage collectif Le siècle des dictateurs (Perrin, 2019). Il évoque 22 figures de dictateurs et dit : “Tous ont eu un problème avec leur père. Soit ils n'ont pas de père, soit ils ont des relations extrêmement violentes avec eux...” (Le 7-9 de l'été, sur France Inter, le 20 août 2019).

3 Hebdomadaire Femme actuelle.

4 Le rappel des limites. Rappellons-nous en Eden, Dieu pourvoit en mettant à la disposition de l'homme une compagnie (celle des animaux) et de la nourriture produite par tous les arbres du jardin. Mais il donne aussi aux hommes une mission, une responsabilité : cultiver et garder (c'était avant que le péché fasse son entrée). Puis, il met une limite : à l'arbre de la connaissance du bien et du mal, vous ne toucherez pas. Le diable a usé de paroles trompeuses au sujet de cette limite : Vous ne mourrez pas, vous serez comme des dieux... Le mensonge et la peur ont fait leur entrée dans la création.C'est encore comme cela aujourd'hui. Après la sortie d'Egypte, Dieu donne à Moïse les "Dix commandements". Etait-ce pour empêcher le peuple d'être heureux ? C'était pour qu'il préserve la liberté que Dieu lui offrait. Tu ne toucheras pas !!! non pas pour empêcher de vivre, mais pour préserver la vie !

5 Une psychologue de l'hôpital d'Alès (Marie Artaud) nous faisait remarquer que la maman a naturellement une voix et une intonation enveloppantes. Le papa a naturellement une voix et une intonation différente, qui font appel à la volonté, à la vocation de grandir, d'assumer sa responsabilité.

6 Il ajoute : "Fonctionner comme cela risque de créer des individus complètement paumés dans l’existence, qui n’auront qu’une seule manière de pouvoir réagir, c’est de consommer au maximum. On laisse trop le choix aux enfants. Ça les angoisse. Trop de démocratie tue la démocratie ». Voir l'annexe 4 : Dr Jean-Pierre Bénézech.

7On demande à Aldo Naouri : Quid du fameux « papa poule » cher à l'éducation actuelle ? "Une horreur ! Le père est à l'origine un étranger total, pourquoi voulez-vous en faire une mère ? Les pères se sont convertis en "mères bis". Et les parents « copains » ? L'enfant doit se sentir intégré dans un ensemble où existe - je prends mes responsabilités - une hié-rar-chie !La relation parents-enfant doit être verticale. Le grand tort de ces quarante dernières années a été de prôner la relation horizontale. Elle n'est pas sécurisante". Voir l'annexe 5 : Aldo Naouri.

8 Jules Ferry a écrit le 15 janvier 1888 une Lettre aux instituteurs et institutrices. "Les enfants qui vous sont confiés, enfin, seront des hommes, et il faut qu'ils aient une idée de l'homme. Il faut qu'ils sachent quelle est la racine de nos misères : l'égoïsme aux formes multiples ; et quel est le principe de notre grandeur : la fermeté unie à la tendresse". Commentaire de l'historien Franck Ferrand : "Treize siècles plus tard, on gagnerait à la faire circuler de nouveau" (Revue Historia, été 2019). Pour rappel, l'enseignement secondaire a été ouvert aux jeunes filles en 1880.

10 Aldo Naouri, dans le même sens : "Sous prétexte d’introduire de la démocratie dans la cellule familiale, on a retiré au père tout soutien social. Dans le code de la famille, ces prérogatives paternelles ont été rognées les unes après les autres. On a supprimé en 1972 la dernière qui lui restait : celle qui le laissait être chef pour la résidence de la famille. On ne fait plus la différence entre les deux parents".

11 "Dans une famille, deux enfants ne sont jamais identiques. Une forme de discipline qui fera du bien à l’un, écrasera l’autre. L’un acceptera une forme de correction qui ne provoquera que de la rébellion chez l’autre. Fréquemment, lors de séances d’entraide à la personne avec des adultes, j’ai découvert que bon nombre de leurs problèmes ont leur origine dans une situation où un père – soit dans sa colère, soit par injustice, soit par indifférence – avait provoqué son enfant. Ce dont les enfants se souviennent le plus, ce sont les moments où on est simplement ensemble. On ne peut pas vraiment communiquer avec un enfant en cinq minutes. Souvent, les choses les plus importantes sont dites (dans un sens ou un autre) alors qu'on s'y attend le moins, lors des moments non structurés. Si ce genre de contacts est inexistant, ces choses ne seront jamais dites".

12Voir l'annexe 7. D'abord à la maison.

 

13 Le papa ou la maman peuvent dire à l'enfant récalcitrant : Va réfléchir pendant 10 minutes dans ta chambre. Je vais venir te voir et nous parlerons ensemble. Seul, l'enfant peut développer l'écoute de sa conscience (Cf. Lc 15.14-19).

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