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Le blog de Charles Nicolas
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  • Dans une société déchristianisée où les mots perdent leur sens, où l'amour et la vérité s'étiolent, où même les prédicateurs doutent de ce qu'ils doivent annoncer, ce blog propose des textes nourris de réflexion biblique et pastorale.
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12 octobre 2017

Joie et tristesse dans le coeur de Dieu

 

 

Joie et tristesse dans le coeur de Dieu

 

Charles NICOLAS

 

Quand on a prévu ce sujet, il y a un an, je me suis dit que ce serait un sujet facile. Puis, au fur et à mesure que la date approchait... Mais nous sommes entre nous et je vais parler simplement de ce thème qui paraît anodin et qui ne l'est pas.

Puisque nous sommes entre nous, je vais commencer en relatant deux souvenirs personnels parmi les plus anciens. Le premier, c'est l'instruction biblique que j'ai reçue de ma mère – d'origine catholique et qui n'est pratiquement jamais allée à l'école – notamment quand elle a lu avec moi le récit de Caïn et Abel. Je devais avoir 3 ou 4 ans. Je me souviens notamment de ce passage : "Au bout de quelque temps, Caïn fit à l'Éternel une offrande des fruits de la terre ; et Abel, de son côté, en fit une des premiers-nés de son troupeau et de leur graisse. L'Éternel porta un regard favorable sur Abel et sur son offrande, mais il ne porta pas un regard favorable sur Caïn et sur son offrande. Caïn fut très irrité, et son visage fut abattu " (Gn 4.3-5). Je me suis dit : Pourquoi Dieu a-t-il accepté l'offrande d'Abel et pas celle de Caïn ? Est-ce juste ? Qu'est-ce que cela veut dire ? Je savais que Dieu est parfait. Mais là... Il faut attendre l'épître aux Hébreux pour apprendre qu'Abel a offert un sacrifice avec foi, et pas Caïn. Là, j'avais appris que Dieu est tout sauf indifférent.

Le second souvenir (j'avais entre 5 et 8 ans), c'était le culte dans l'Eglise réformée, en Provence, la liturgie et la lecture des Dix commandements, tous les dimanches, avec ce verset : "Tu ne te feras point d'image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras pas devant elles, et tu ne les serviras point ; car moi, l'Éternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux..." (Ex 20.4-5).

Un Dieu jaloux ? J'entendais plutôt ma mère me dire que la jalousie était un vilain défaut. Je savais que Dieu était bien sûr parfait, mais... J'ai eu la confirmation que Dieu est tout sauf indifférent. Y compris le Dieu du Nouveau Testament. "C'est avec jalousie que Dieu chérit l'Esprit qu'il a fait habiter en nous" (Jc 4.5)1.

On dit volontiers que les Psaumes offrent une riche palette des sentiments humains. J'ai envie de dire que tout le reste de la Bible offre une large palette des sentiments que Dieu éprouve !

Y songeons-nous assez ?

 

1. Différence et ressemblance

Mon professeur d'hébreu à la faculté de théologie d'Aix-en-Provence, Franck Mickaëli, a écrit un jour : "Dieu a fait l'homme à son image, mais l'homme le lui a bien rendu". On comprend ce que cela veut dire : l'homme s'est souvent représenté Dieu comme ressemblant aux hommes : une sorte de "Bon Dieu", une espèce de père Noël céleste ou de Père fouettard, selon les tendances... Nous sourions, mais la tentation peut exister partout, même à notre insu.

En un sens, la conversion produit – ou nécessite – une conversion de notre regard sur Dieu : Dieu est probablement assez différent de ce que nous imaginons, même quand nous le connaissons, différent de l'image que nous nous faisons de lui2. Regardez combien souvent les disciples ont été étonnés en observant, en écoutant Jésus. Ce fut le cas de Saul sur le chemin de Damas : sidéré, terrassé ! Songez aussi à la vision d'Esaïe qui s'écrie : "Malheur à moi ! Je suis perdu ! Car je suis un homme dont les lèvres sont impures, et j'ai vu le Roi, l'Eternel des armées !" (6.5). Il fallait donc commencer, pour le prophète et tous les autres, par abandonner l'image erronée qu'ils avaient de Dieu : à la fois proche et tout différent, tout différent et proche...

En fait, nous partons tous de quelque part. Nous avons tous eu un papa. Même s'il a été absent : nous avons eu un papa absent ; ou présent, mais comme ceci ou comme cela... Je me souviens d'un pasteur qui disait : Je ne demande jamais rien à Dieu, parce que quand nous étions enfants, nos parents nous donnaient ce dont nous avions besoin, et il ne fallait pas demander. C'était peut-être un peu dommage. Mais aujourd'hui, il y a des enfants qui assaillent leurs parents en réclamant sans cesse non pas ce dont ils ont besoin, mais ce dont ils ont envie ! Est-ce mieux ? Et ils feront pareil avec Dieu : "Je veux ça !".

Notre vision de Dieu doit sans cesse être rendue plus conforme à ce qu'il a lui-même révélé. Ce qu'il a révélé dans sa Parole ; ce qu'il a révélé en Jésus-Christ (Co 1.15 ; Hé 1.1-2). Ce Jésus-Christ qui peut dire à Philippe : "Celui qui m'a vu a vu le Père" (Jn 14.9). Notre vision de Jésus elle-même doit être corrigée sans aucun doute, car il y a beaucoup de paroles de Jésus que nous laissons de côté...

Souvent, les hommes se sont appuyés sur des modèles terrestres pour se représenter Dieu, un Dieu qui reflète leurs cultures, leurs rêves... Tout cela nourrit des fantasmes ou une religiosité, mais pas la foi. Seul ce qui est juste et vrai nourrit la foi3.

La Bible dit clairement que Dieu est esprit (Jn 4.24). Il n'est pas semblable à un homme (Nb 23.19). Il n'a pas de commencement ni de fin. Il est pure lumière, de telle sorte que la lumière du soleil n'est rien, à côté. Pour autant, il n'est pas seulement une énergie, comme on le suggère aujourd'hui. C'est un Dieu personnel, c'est un Dieu qui a une volonté, qui voit, qui entend. "Celui qui a planté l'oreille n'entendrait-il pas ? Celui qui a formé l'oeil ne verrait-il pas ?" (Ps 94.9). Il est aussi la source de l'Amour ! Cela, nous pouvons le dire, pas parce que cela nous fait plaisir, mais parce que c'est écrit. Dieu lui-même nous le fait savoir !

Ainsi, on ne peut pas dire :Dieu ressemble aux hommes, mais on peut dire :L'homme ressemble à Dieu !Cela est dit clairement : "Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance" (Gn 1.26).

Etre créé à l'image et à la ressemblance d'un Dieu unique et personnel, c'est la garantie pour chaque individu d'être regardé comme un être unique et personnel ! Vous imaginez si on oublie cela ? C'est aussi rappeler la différence fondamentale qui existe entre l'homme et les animaux... C'est capital.

Il existe donc deux écueils : confondre le Créateur et la créature (Cf. Ro 1.25) en humanisant Dieu ou en divinisant l'homme, ce qui revient à pratiquer une forme d'idolâtrie ; ou oublier la ressemblance. Les deux dérives sont fréquentes et portent à conséquence. Si Dieu n'est qu'une énergie impersonnelle et si l'homme est un animal évolué, la ressemblance a disparu ! Il y a à cela de très nombreuses implications, dans le domaine éthique notamment.

_______________

 

Deux facteurs distinguent radicalement l'homme et Dieu : le statut de créature et l'état de péché. Il ne faut jamais l'oublier. Malgré cela, nous pouvons parler de ressemblance. On pourrait dire ainsi : la différence est plus grande que ce qu'on pense. Je cite l'Ecclésiaste : "Ne te presse pas d'ouvrir la bouche, et que ton coeur ne se hâte pas d'exprimer une parole devant Dieu ; car Dieu est au ciel, et toi sur la terre" (5.2). La ressemblance aussi ! Je cite Esaïe : "Comme un homme que sa mère console, ainsi je vous consolerai". C'est Dieu qui parle à son peuple (Es 66.13).

La différence ? Esaïe encore :"Une femme oublie-t-elle l'enfant qu'elle allaite ? N'a-t-elle pas pitié du fruit de ses entrailles ? Quand elle l'oublierait, moi je ne t'oublierai pas" (Es 49.15). Mais en affirmant la différence, Esaïe dit aussi une ressemblance !

La différence ? Jésus dit : "Le mercenaire, à qui n'appartiennent pas les brebis, voit venir le loup, abandonne les brebis, et prend la fuite ; et le loup les ravit et les disperse. Le mercenaire s'enfuit, parce qu'il est mercenaire, et qu'il ne se met point en peine des brebis. Moi, je suis le bon berger" (Jn 10.11-13). Là aussi, en affirmant la différence, Jésus dit une ressemblance en se comparant à un berger proche de ses brebis : elles font partie de sa vie. Je pense encore à cette parole de Paul : "Dieu m'est témoin que je vous chéris tous avec la tendresse de Jésus-Christ" (Ph 1.8). La tendresse de Christ, c'est celle de Paul ou celle de Christ ? C'est celle de Christ, mais à travers Paul, qui dit "Je vous chéris tous !". Si ça ce n'est pas une ressemblance !

Le Psaume 103 dit : "Comme un père a compassion de ses enfants, l'Éternel a compassion de ceux qui le craignent" (v.13). Le mot compassion, en hébreu, désigne les entrailles maternelles qui s'émeuvent, le sein qui se penche sur l'enfant. Comment mieux dire la ressemblance véritable qui existe entre Dieu et les hommes, malgré la différence ?

2. La proximité

On se souvient de la parole de Paul :"Le Seigneur est proche. Ne vous inquiétez de rien..." (Ph 4.5-6). Le mot 'proche' peut être entendu dans le sens temporel (il vient bientôt, promptement) ou dans un sens spatial (il est auprès de vous). Les deux sens sont proches (!), finalement, avec la même conséquence : Ne vous inquiétez de rien ! Vous voyez que notre compréhension de Dieu a des implications directes sur notre vie4.

On s'approche de notre sujet. Jésus a dit : "Quand on vous livrera, ne vous inquiétez ni de la manière dont vous parlerez ni de ce que vous direz : ce que vous aurez à dire vous sera donné à l'heure même ; car ce n'est pas vous qui parlerez, c'est l'Esprit de votre Père qui parlera en vous" (Mt 10.19-20).

Dans le même sens, Jésus a dit : "Votre Père sait ce dont vous avez besoin" – pas seulement de miettes de pain ou de quelques graines, comme les oiseaux. Et au sujet des oiseaux : "Pas un ne tombe sans la volonté de votre Père. Même les cheveux de votre tête sont tous comptés. Ne craignez donc pas !" (Mt 10.29).

En un sens, cela signifie que c'est le Seigneur qui s'inquiète, qui se soucie pour nous. Le berger est "dans la même galère" que son troupeau. Jésus le dit : "Le mercenaire s'enfuit quand vient le loup", pas le berger. On pourrait dire : Dieu est dans le box des accusés, dans la bataille avec nous5 ! Quand je dis que Dieu s'inquiète, ce n'est pas vraiment le cas ! Mais si je dis que Dieu s'implique, là c'est le cas, et cette implication n'est pas celle d'un robot ! "Qui vous touche touche la prunelle de mon oeil", dit Dieu (Za 2.8).

Je veux citer ici le théologien contemporain John Piper : "L'ensemble des émotions qui habitent en Dieu est infiniment complexe, bien au-delà de notre capacité de compréhension. Qui peut, par exemple, saisir que Dieu entend simultanément les prières de millions de chrétiens dans le monde entier ? Comment comprendre qu'il compatit avec chacun personnellement et individuellement (Hé 4.15), alors même que parmi tous ces chrétiens, certains sont dans la peine et d'autres débordent de joie ? Comment Dieu peut-il "pleurer avec ceux qui pleurent" et "se réjouir avec ceux qui se réjouissent" (Ro 12.15), quand les uns et les autres viennent à lui en même temps, comme cela se passe sans cesse dans la réalité ?

Ou bien, qui peut comprendre comment Dieu peut être terriblement en colère face à tout le péché du monde chaque jour (Ps 7.13), tout en étant à chaque heure de chaque jour dans la joie débordante de savoir que quelque part dans le monde un pécheur se repent (Lc 15.7, 10, 23) ? Qui peut comprendre que Dieu s'attriste des paroles blasphématoires de son peuple (Ep 4.29-30), tout en prenant chaque jour plaisir dans ce peuple (Ps 149.4)?"6 On est bien dans notre sujet.

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Si on parlait de la joie de Dieu... "Il y a de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent" (Lc 15.7). Quand on songe qu'il y a des Eglises qui ont banni les mots 'péché' et 'repentance' de leur vocabulaire... Cela troublait les auditeurs modernes ; tant pis pour la joie dans le ciel !

L'Ancien testament parle déjà de la joie de Dieu, au sujet de son peuple :"Comme un jeune homme s'unit à une vierge, ainsi tes fils s'uniront à toi ; et comme la fiancée fait la joie de son fiancé, ainsi tu feras la joie de ton Dieu". On n'y aurait pas pensé tout seul ; mais c'est le prophète Esaïe qui le dit (Es 62.5). Cela est susceptible de nous rendre sensibles – c'est le but de cet exposé – à la joie comme à la tristesse de Dieu. Cela nous concerne directement : en tant que peuple de Dieu et au nouveau individuel (on ne cesse d'être membre du peuple de Dieu quand on est seul !).

Je pense à un livre lu quand j'étais étudiant, "Mes rendez-vous avec Dieu", sur la prière. Et si Dieu attendait ces moments de prière comme un fiancé attend sa fiancée qui tarde... Jésus évoque sa joie qui est parfaite (Jn 17.13), bien qu'il soit aussi décrit comme ayant beaucoup pleuré (Hé 5.7)...

Je lis Osée chap. 2 qui nous fait entrer, presque de manière impudique, dans le coeur de Dieu avec une dimension dramatique inouïe (c'est un peu long).

"Plaidez, plaidez contre votre mère (il s'agit d'Israël), car elle n'est point ma femme, et je ne suis point son mari ! (C'est Dieu qui parle). Qu'elle ôte de sa face ses prostitutions et de son sein ses adultères ! Sinon je la dépouille à nu, je la mets comme au jour de sa naissance, je la rends semblable à un désert, à une terre aride, et je la fais mourir de soif ; et je n'aurai pas pitié de ses enfants, car ce sont des enfants de prostitution. Leur mère s'est prostituée, celle qui les a conçus s'est déshonorée, car elle a dit: J'irai après mes amants qui me donnent mon pain et mon eau, ma laine et mon lin, mon huile et ma boisson. C'est pourquoi voici, je vais fermer son chemin avec des épines et y élever un mur, afin qu'elle ne trouve plus ses sentiers. Elle poursuivra ses amants et ne les atteindra pas ; elle les cherchera et ne les trouvera pas. Puis elle dira : J'irai et je retournerai vers mon premier mari, car alors j'étais plus heureuse que maintenant. Elle n'a pas reconnu que c'était moi qui lui donnais le blé, le vin nouveau et l'huile ; et l'on a consacré au service de Baal l'argent et l'or que je lui prodiguais. C'est pourquoi je reprendrai mon blé en son temps et mon vin nouveau dans sa saison, et j'enlèverai ma laine et mon lin qui devaient couvrir sa nudité. Et maintenant je découvrirai sa honte aux yeux de ses amants, et nul ne la délivrera de ma main. Je ferai cesser toute sa joie, ses fêtes, ses nouvelles lunes, ses sabbats et toutes ses solennités. Je ravagerai ses vignes et ses figuiers, dont elle disait : C'est le salaire que m'ont donné mes amants ! Je les réduirai en une forêt et les bêtes des champs les dévoreront. Je la châtierai pour les jours où elle se parait de ses anneaux et de ses colliers, allait après ses amants, et m'oubliait, dit l'Éternel.

C'est pourquoi voici, je veux l'attirer et la conduire au désert, et je parlerai à son coeur. Là, je lui donnerai ses vignes et la vallée d'Acor comme une porte d'espérance, et là elle chantera comme au temps de sa jeunesse, comme au jour où elle remonta du pays d'Égypte. En ce jour-là, dit l'Éternel, tu m'appelleras : Mon mari ! et tu ne m'appelleras plus : Mon maître ! J'ôterai de sa bouche les noms des Baals, afin qu'on ne les mentionne plus par leurs noms... Je serai ton fiancé pour toujours ; je serai ton fiancé par la justice, la droiture, la grâce et la miséricorde ; je serai ton fiancé par la fidélité, et tu reconnaîtras l'Éternel" (2.4-22).

Joie et tristesse dans le coeur de Dieu. Quand aux châtiments que Dieu inflige, traduisent-ils une forme de cruauté ? "Lorsqu'il afflige, il a compassion selon sa grande miséricorde ; car ce n'est pas volontiers qu'il humilie et qu'il afflige les enfants des hommes" (Lam 3.32-33. Cf. Hé 12.5-11).

 

3. Les implications pour nous

Nous en avons déjà évoqué et on pourrait encore en mentionner un grand nombre.Je retiens quelques thèmes qui devraient nous rendre sensibles.

 

1. Dieu nous voit. Il paraît que cette inscription est placée dans certains grands magasins aux USA pour dissuader les voleurs ! "Dieu te voit". En France, cela marcherait peu (sauf dans les quartiers musulmans peut-être). Cette conviction que Dieu nous voit tout le temps (et pas seulement quand on est à l'Eglise) a été un des apports significatifs de la Réforme : cela a éveillé la conscience et développé le sens des responsabilités dans tous les domaines de la vie, sans exception7. Une statue peut bien me voir et même me regarder, qu'est-ce que cela me fait ? Mais si un regard personnel et vivant se pose sur moi, est-ce la même chose ? "L'Eternel regarde du haut des cieux, Il voit tous les fils de l'homme ; du lieu de sa demeure il observe tous les habitants de la terre, Lui qui forme leur coeur à tous, qui est attentif à toutes leurs actions" (Ps 33.13-15 Cf. Job 34.21 ; Mc 4.22 ; Hé 4.13).C'est un regard qui nourrit la crainte qui est le commencement de la sagesse. Mais c'est aussi un regard qui apaise : "Voici, l'oeil de l'Éternel est sur ceux qui le craignent, sur ceux qui espèrent en sa bonté, afin d'arracher leur âme à la mort et de les faire vivre au milieu de la famine" (Ps 33.18-19). Fini le sentiment de solitude infini. Acceptons ce regard du Seigneur, recherchons-le, même.

 

2. Dieu est proche de tout ce qui vit, puisque toute vie vient de lui, y compris la fleur des champs qui fleurit et bientôt est fauchée, y compris les oiseaux du ciel qui valent moins de 2 sous les 3 ! Mais il y a une proximité mystérieuse et réelle, trop oubliée, entre Dieu et son peuple, une proximité comparable à celle qui unit Dieu le Père et son Fils Jésus-Christ, de telle sorte que ce que l'on fait à un membre du peuple de Dieu, en bien ou en mal, c'est à Dieu qu'on le fait.J'ai déjà cité le prophète Zacharie : "Qui vous touche touche la prunelle de son oeil" (2.8). Dieu n'a pas de corps, mais il souffre et même vivement ! On se souvient de la parole de Jésus à Saul de Tarse : "Je suis Jésus que tu persécutes" (Ac 9.5). C'est le Christ ressuscité qui s'exprime ainsi, le même qu'aujourd'hui ! "Tout ce que vous avez fait à un des plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait" (Mt 25.40). Le mot 'frère', faut-il le rappeler, désigne les disciples. Tout ce que je fais, en bien ou en mal, à un disciple de Christ, c'est à Christ que je le fais8.Que d'implications ! (1 Co 6.1-8).

 

3. Le péché attriste Dieu. Le théologien John Owen9 dit : "Si vous haïssez le péché en tant que péché, vous devriez être attentifs à tout ce qui attriste l’Esprit de Dieu et pas seulement ce qui vous attriste vous ! Pensez-vous que Dieu va vous aider alors que vous ne faites que rechercher hypocritement votre bien-être en cherchant à éliminer l’angoisse où vous plonge votre péché ? Pensez-vous que l’Esprit Saint va vous délivrer de ce péché sachant que vous allez en commettre un autre, par lequel Il sera de nouveau attristé ? Nous ne devons pas lutter uniquement contre ce qui nous attriste, mais contre tout ce qui, en nous, attriste Dieu. L’œuvre de Dieu c’est que nous parvenions à une obéissance totale, et pas seulement à vaincre une convoitise. Quand nous haïssons seulement les péchés qui ont des retombées négatives dans notre vie, nous ne faisons que montrer que nous méprisons les meurtrissures que ces péchés ont infligées à Christ". Prenons conscience qu'une faute commise par un chrétien attriste Dieu bien davantage que la même faute commise par un non- chrétien.

Dieu est "lent à la colère" (Ex 34.6), mais il n'est pas étranger à la colère (Ro 1.18). La colère de Dieu s'est enflammée contre Balaam qui était parti alors qu'il ne le devait pas (Nb 22.22). Jésus a connu des moments de colère, et nous savons qu'il n'a pas péché. Et pour nous ? L'apôtre Paul écrit : "Mettez-vous en colère, mais ne péchez pas : que le soleil ne se couche pas sur votre colère afin de ne pas donner accès au diable" (Ep 4.26-27)10. Il y a des situations où ne pas se mettre en colère est un péché : un péché d'indifférence. Attention : il ne s'agit pas de donner libre cours à un tempérament coléreux ! Il s'agit d'être lent à la colère... Mais il y a des situations qui nécessitent de saintes colères. Je dirais plus volontiers de saintes irritations.

 

4. Dieu attend quelque chose des hommes et notamment de son peuple, comme le montre le chant du bien-aimé au début du prophète Esaïe (5.1-7). "Mon bien-aimé avait une vigne sur un coteau fertile. Il en remua le sol, ôta les pierres et y mit un plant délicieux. Il bâtit une tour au milieu d'elle et il y creusa aussi une cuve. Puis il espéra qu'elle produirait de bons raisins, mais elle en a produit de mauvais. Maintenant donc, habitants de Jérusalem et hommes de Juda, soyez juges entre moi et ma vigne ! Qu'y avait-il encore à faire à ma vigne, que je n'aie pas fait pour elle ? Pourquoi, quand j'ai espéré qu'elle produirait de bons raisins, en a-t-elle produit de mauvais ? Je vous dirai maintenant ce que je vais faire à ma vigne. J'en arracherai la haie, pour qu'elle soit broutée ; j'en abattrai la clôture pour qu'elle soit foulée aux pieds. Je la réduirai en ruine ; elle ne sera plus taillée, ni cultivée ; les ronces et les épines y croîtront ; je donnerai mes ordres aux nuées afin qu'elles ne laissent plus tomber la pluie sur elle. La vigne de l'Éternel des armées, c'est la maison d'Israël, et les hommes de Juda c'est le plant qu'il chérissait. Il avait espéré de la droiture et voici du sang versé, de la justice et voici des cris de détresse !"

Quelle tristesse dans le coeur de Dieu malgré sa prescience, malgré sa souveraineté. Dieu attend quelque chose. "Si vous portez beaucoup de fruits, c'est ainsi que mon Père sera glorifié", dit Jésus (Jn 15.8). Et s'il y a peu de fruits ? Il y a donc un écho dans le ciel de ce qui se passe sur la terre, notamment parmi ceux qui lui appartiennent, bien sûr. Et il y a un écho sur la terre, nécessairement, de ce qui se passe dans le ciel : Je ferai cesser toute sa joie, dit le Seigneur, en parlant de son peuple.

 

5. Dieu cherche des intercesseurs. Quand Jésus invite ses auditeurs à se souvenir de la femme de Lot (Lc 17.32), il ne fait pas référence à une parabole. Lot vivait dans une ville corrompue. Nous lisons que "ce juste, qui habitait au milieu d'eux, tourmentait journellement son âme juste à cause de ce qu'il voyait et entendait de leurs oeuvres criminelles" (2 Pi 2.8). Ce que Lot ne savait pas, c'est que Dieu aussi était profondément attristé et irrité de ce qu'il voyait, au point de désirer détruire la ville. Et Dieu a partagé avec Abraham son fardeau ! "Cacherai-je à Abraham ce que je vais faire ?" (Gn 18.17). Dieu a suscité en Abraham un intercesseur qui a plaidé pour la ville : "S'il y a dix justes, détruiras-tu la ville ? Je ne la détruirai pas, dit l'Eternel" (18.32). Comme avec Ninive. "Encore 40 jours et la ville sera détruite !" Mais vous croyez que Dieu détruit une ville comme cela ? L'histoire de Ninive nous montre que non. "N'aurais-je pas pitié de Ninive, dit Dieu, la grande ville, dans laquelle se trouvent plus de cent vingt mille hommes qui ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche, et des animaux en grand nombre !" (Jonas 4.11). Ainsi Dieu a envoyé Jonas comme une sorte de médiateur, comme pour Sodome. Nous comprenons qu'il y a un combat en Dieu entre sa miséricorde et sa sainteté, entre sa justice et son amour. C'est aussi ce que nous voyons à la croix.

Ainsi, la prédication est comme une intercession, mais aussi l'évangélisation et le diaconat qui consiste à soutenir les membres les plus fragiles de l'Eglise : c'est de la part de Dieu et c'est pour Dieu !Tandis que nous ramenons souvent tout à nous-mêmes. Même la louange nous la ramenons à nous-mêmes : une belle mélodie, un peu de rythme, des paroles positives, et on dit : la louange, ça fait du bien. Mais ça fait du bien à qui ? C'est pour qui, la louange : pour nous ou pour Dieu ?

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Il est vrai qu'il y a un lien entre la joie de Dieu et la nôtre, nous l'avons vu, entre la tristesse de Dieu et la nôtre. Dans les deux sens. C'est-à-dire que notre joie (quand elle est pure) réjouit Dieu et notre tristesse (quand elle est pure) touche Dieu. Mais l'inverse devrait être vrai également. C'est en tout cas le signe d'un chrétien mature, d'un peuple de Dieu mature : ressentir la joie de Dieu et ressentir la tristesse de Dieu11... Par le Saint-Esprit. Se rendre compte quand Dieu est réjoui et quand Dieu est attristé. Vous imaginez, quelqu'un qui dit qu'il aime le Seigneur, qui l'attriste et qui ne s'en rend même pas compte !

C'est là une des motivations profondes du chrétien mature : délaisser ce qui attriste Dieu (Ep 4.30) ; rechercher ce qui le réjouit. Et considérer la tristesse de Dieu avant la mienne ; et la joie de Dieu avant la mienne. Désirons cela ! Cela se traduit simplement par cette courte phrase que Jésus a prononcée :"Toutefois, que Ta volonté soit faite, et non la mienne". C'est la prière par excellence.

La joie de l'Eternel et la nôtre... Il y a une strophe d'un cantique ancien qui le dit joliment. Ces vers semblent désuets mais ils ne le sont pas : "Dans mon âme un beau soleil brille : son rayon doux et joyeux répand un éclat qui scintille. C'est le sourire de Dieu"(Ailes de la foi n° 644).

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Annexe

 

Prier selon la volonté de Dieu

L'apôtre Jean nous apprend que Dieu entend toutes les prières mais qu'il n'écoute que celles qui sont conformes à sa volonté (1 Jn 5.14s). Le verbe écouter signifie : accorder de l'attention, agréer, accueillir dans son coeur, acquiescer. Heureusement que Dieu ne dit pas oui à toutes nos prières ! Mais ce n'est pas que cela : il y a des prières que non seulement Dieu n'écoute pas (qui sont donc inutiles, ce qui est déjà ennuyeux), mais qui lassent Dieu, qui l'attristent, qui l'irritent peut-être(Pr 28.9 ; Es 1.11-12 ; Mt 6.5). N'est-ce pas important de le savoir ?

"Nous ne savons pas ce qu'il convient de demander dans nos prières, dit Paul. Mais l'Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables" (Ro 8.26-27). Etre sensible à la joie et à la tristesse de Dieu, être sensible à la volonté de Dieu, c'est simplement être sensible à ce que dit le Saint-Esprit – qui est nécessairement conforme à ce que Dieu a révélé dans l'Ecriture. L'Ecriture et l'Esprit, l'Esprit et l'Ecriture. "Je serre ta parole dans mon coeur afin de ne pas pécher contre toi" (Ps 119.11). "Mieux vaut pour moi la loi de ta bouche que mille objets d'or et d'argent" (119.72). On découvre que ce qui réjouit Dieu et ce qui réjouit le croyant, en fait, ce sont les mêmes choses ! "La joie de l'Eternel sera votre force !" (Né 8.10). "Car nous faisons ce qui lui est agréable" (1 Jn 3.22). "C'est une joie pour le juste de pratiquer la justice !" (Pr 21.15)12.

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1La traduction Segond révisée dite "de Genève" (1979) dit : "C'est avec jalousie que Dieu chérit...". La TOB dit : "Dieu désire jalousement...". La Bible en français courant dit : "Dieu réclame avec jalousie...".

2C'est la raison pour laquelle la seconde parole de la Loi commande de "ne pas se faire d'image taillée ni de représentation quelconque des choses qui sont dans le ciel.." (Ex 20.4).

3 Par exemple, aujourd'hui, des théologiens américains et même français ont développé une pensée appelée 'Open theism', ou 'Théologie du Process', qui suggère que Dieu est faible, en devenir, évolutif ; un Dieu qui a besoin des hommes autant que les hommes ont besoin de lui ; un Dieu qui ne sait pas comment les choses se termineront, finalement. Cela dépend... C'est une forme de 'progressisme' qui touche Dieu. Nous sommes incertains quant à l'avenir ; Dieu aussi ! J'en parle car cela frappera à notre porte, si ce n'est déjà fait. C'est tendance.

4 Charles Spurgeon dit au chrétien : "Cesse de déshonorer ton Seigneur en portant sans cesse un front soucieux !"

5 Je pense encore à cette parole de l'Exode : "L'Éternel combattra pour vous ; et vous, gardez le silence" (14.14. Cf. Dt 1.30 ; 3.22 ; 2 Ch 32.8 ; Né 4.20 ; Es 30.32 ;Za 14.3).

6 Dieu veut-il que tous les hommes soient sauvés ? - p. 67.

7 On ne va pas à l'église le dimanche, on est l'Eglise tous les jours ! Ce n'est pas pareil.

8Y compris donner un verre d'eau. "Mais si quelqu'un scandalisait un de ces petits qui croient en moi..." (Mt 18.6).

9John OWEN (1616-1683) fut un pasteur et un théologien puritain anglais.

10La traduction Segond dit : "Si vous vous mettez en colère, ne péchez pas..." , mais cela ne rend pas le sens original.

11Cf. "L'amour ne se réjouit pas de l'injustice ; l'amour se réjouit de la vérité" (1 Co 13.6). Cette affirmation impose de comprendre la suite ainsi : "L'amour croit entièrement" (13.7) et non : "l'amour croit tout" (!).

12Paul dit que "l'amour se réjouit de la vérité" (1 Co 13.6). Cela nous parle bien sûr du chrétien et de Dieu !

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