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Le blog de Charles Nicolas
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  • Dans une société déchristianisée où les mots perdent leur sens, où l'amour et la vérité s'étiolent, où même les prédicateurs doutent de ce qu'ils doivent annoncer, ce blog propose des textes nourris de réflexion biblique et pastorale.
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14 mars 2017

Les conflits dans l'Eglise

 

Les conflits dans l'Eglise

 

Sujet traité par Frédéric Rognon - notes personnelles de Ch. Nicolas

 

Face à un conflit, deux réactions sont possibles :

  • le déni (« Il ne doit pas y avoir de conflit »), qui confond l'Eglise et le Royaume de Dieu ;

  • la dramatisation, qui peut conduire au fatalisme ou au découragement.

Il ne faut pas nier ni dramatiser les conflits,

mais les considérer comme une opportunité !

 

1. Pourquoi y a-t-il des conflits ?

C'est une constante de tout groupe humain. Même un ermite a des conflits avec lui-même !

(Il y a une dialectique entre les conflits personnels et les conflits avec les autres).

Non seulement l'Eglise n'y échappe pas, mais elle est un lieu particulièrement 'conflictogène' :

  • parce qu'on a tendance à les nier ;

  • parce qu'on pense que la bonne volonté va suffire.

Nous devons tout à la fois admettre que l'Eglise est :

  • un groupe comme les autres (mêmes règles) ;

  • un groupe pas comme les autres : nous avons d'autres ressources !

 

Étymologie :

Communauté : cum mums = qui a une dette commune = endettés envers Dieu et entre nous !

Conflit : con fligere = se heurter à, entrer en collision avec, avec un rapport de force.

Eglise : ek klesia = appelé hors de chez soi, hors de soi. Sortir de soi-même pour un regard autre.

 

Le fondement n'est pas en nous-mêmes.

 

2. Ce qu'est un conflit

Il y a trois sortes de conflits :

  • à cause de différents besoins (vitaux) ;

  • à cause d'intérêts différents ;

  • à cause de valeurs différentes.

 

Un conflit n'est pas forcément majeur.

Il peut être ambivalent : destructeur ou constructif.

Il devient destructeur quand, d'un conflit d'objet il devient un conflit de personne.

 

Quand il y a conflit d'objet, on peut parler de cet objet.

Quand il y a conflit de personne, on va chercher à atteindre la personne : l'attaquer ou la nier.

 

Si nous sommes arrivés à un conflit de personne, il faut revenir à l'objet

et l'identifier, probablement avec l'aide d'un médiateur.

Le conflit est constructif quand l'objet du conflit est dépassé (pas nié). Nous en avons un exemple en Actes 6 avec la nomination des diacres pour résoudre un conflit au sujet des veuves au sein de l'Eglise. Les apôtres ont pris la situation au sérieux, tout de suite (ils n'ont pas fait que prier).

 

3. Comment avancer ?

1. L'objet du conflit n'est pas toujours là où on croit. Seule la parole libérée permet de cerner la cause profonde. Souvent, il y a « un objet derrière l'objet ». Ne pas interrompre celui qui parle.

2. Souvent les plus proches produisent un effet de radicalisation (conjoints...). Savoir résister aux plus proches quand ils se font complices. Important de parler sans eux.

3. Beaucoup de conflits sont dus à un manque de reconnaissance (frustration, amertume, jalousie...).

4. Il faut rétablir les fils du dialogue, en confrontant les versions. Laisser parler jusqu'au bout.

5. Le médiateur peut avoir un rôle très important. Il est extérieur, neutre, accepté par tous.

 

La violence marque le passage d'un conflit d'objet à un conflit de personne.

La rupture du dialogue, c'est déjà la violence.

« Agis de telle sorte que tu traites l'humanité en toi-même comme chez l'autre,

toujours (aussi) comme une fin, jamais (seulement) comme un moyen. »

Emmanuel Kant

 

Discussion.

. Le temps peut être un allié ou un ennemi. Ne pas attendre pour s'emparer d'un conflit. Mais une fois cela fait, ne pas se précipiter. La procédure exige un travail intérieur qui demande du temps.

. On ne peut pas imposer à quelqu'un un médiateur qu'il ne désire pas :

  • il faut s'accorder sur le principe d'un médiateur ;

  • il faut s'accorder sur le choix du médiateur.

Le médiateur doit s'assurer de ces deux accords préalables.

. Le statut de pasteur peut aider ; mais il ne suffit pas.

 

4. Leçons tirées de quelques passages bibliques

Jacob et Esaü. Gn 32-33. La réconciliation est suivie d'une nouvelle séparation, mais dans de bonnes conditions.

Joseph. Gn 37-50. René Girard a parlé du bouc émissaire : l'unité d'un groupe se fait par le sacrifice (la mise à l'écart) d'un membre, d'une victime.

David et Saül dans la caverne. 1 Sam 24. David s'interdit d'utiliser ses points forts et les points faibles de l'autre.

La femme humiliée. Jn 8. (Ne pas l'appeler la femme adultère, car elle n'est pas que cela)

Jésus s'abaisse deux fois pour écrire.

  • réfléchir et prier. Ne pas répondre du tac au tac.

  • Jésus casse le mécanisme du bouc émissaire en renvoyant chacun à sa conscience.

« Les torts d'autrui ne nous justifient jamais. » Lanza del Vasto

  • Jésus ne toise pas ses adversaires. Chacun peut se retirer sans être humilié. Cherchons le moyen de permettre à l'autre de garder ou de retrouver sa dignité. Revenir à un conflit d'objet.

  • Jésus traite cette femme comme un sujet de parole.

  • Jésus ne confond pas cette femme avec son péché, la personne et l'acte, - sans nier son péché.

N'enfermons pas l'autre dans son passé, ce qu'il a fait, ce qu'il a dit.

 

5. Principes méthodologiques

 

   1. Quelques éléments préventifs.

  • Il faut des lieux de libre parole, avec la garantie du respect : écoute et confidentialité.

  • Il est souhaitable de rechercher le consensus. Pas de décision prise à 51 % de majorité.

a. Premier tour de table. Argumenter, écouter.

b. Deuxième tour de table. Les positions évoluent, on a entendu les arguments et les souffrances.

c. Troisième tour de table (et plus s'il le faut). Les positions se rapprochent et la décision prise

ne correspond à aucune de celles qui ont été formulées au départ !

 

2. La médiation.

  • Si je suis moi-même impliqué, je ne peux pas être médiateur.

  • Il n'y a pas toujours besoin d'un médiateur.

  • Le médiateur ne prend jamais de décision. Il n'est ni juge ni arbitre, ni même conciliateur.

  • Il ne fournit jamais la solution (car si la situation dégénère, ce serait lui le responsable).

  • Il est sollicité par les protagonistes (A et B) pour :

- rétablir la relation

- faire émerger des protagonistes eux-mêmes une solution qui leur convienne.

 

      3. La procédure.

      1. Vérifier que A et B sont tous les deux d'accord :

         - sur le principe de la médiation ;

         - sur le choix du médiateur.

Vérifier que A et B savent ce qu'est un médiateur et qu'ils sont d'accord avec la procédure.

 

       2. Préciser ces 4 consignes et demander l'accord de A et de B (si possible par écrit) :

          a. Pendant la médiation, ne pas interrompre ;

           b. On parle de manière respectueuse, en « je » (et pas en « on ») pour évoquer de ce qu'on

ressent. Cela informe l'autre de la souffrance vécue.

           c. Confidentialité absolue. Pas de fuite (y compris avec son conjoint).

           d. Chacun s'engage à appliquer la décision qui sera prise.

        Ces mini-accords permettront de s'acheminer vers un accord plus important.

 

        3. Disposition conseillée : en triangle. A, B + médiateur. Des fauteuils plutôt que des chaises.

 

4. Qui commence à parler ? Le médiateur dit : qui veut bien commencer ?

 

         5. Chacun va raconter ce qui s'est passé, de son point de vue, en parlant en « je ».

          Le second qui parlera reprendra ce qui a été dit (reformulation) en se mettant dans la peau 

         du 1er (?) Si c'est correct, on a avancé. Si ce n'est pas correct, il faut recommencer.

 

         6. Le médiateur va repérer le moment où la difficulté a commencé et va dédramatiser.

Tout cela peut se dérouler sur plusieurs séances.

 

          7. Quand ce repérage est fait, le médiateur va demander que A et B proposent des solutions.

 « Qui veut commencer ? »

          Le médiateur est impartial et solidaire de A et de B.

         Il est dans la faiblesse : il ne fait que proposer (interroger) et vérifier (constater).

 

4. Et quand une des parties ne veut rien ?

Certaines personnes trouvent leur compte dans cette situation conflictuelle :

  • victimisation (paranoïa),

  • peur du changement,

  • groupes d'identité qui ont besoin de conflits pour exister,

  • repli sur soi, tentation du cocon.

Il faut convaincre la personne qu'en sortant du conflit elle s'en trouvera mieux qu'en y restant.

 

Discussion.

Un faux consensus est pris sans conviction, par lassitude.

La décision n'est alors pas mise en œuvre.

Si on est trop nombreux, la majorité renforcée peut être un recours.

Mais dans une assemblée de 20 personnes, le consensus est souhaitable. Il faut reporter la décision tant qu'on n'y est pas arrivés. L'Eglise n'est pas une démocratie en soi.

Tenir compte de chacun, en intégrant ce qu'il a dit.

Il va de soi de cette discipline n'exclue aucunement l'action de Dieu.

 

notes personnelles de Ch. Nicolas

_____________

Frédéric Rognon est professeur en philosophie, éthique et anthropologie de la religion à la Faculté de théologie protestante de Strasbourg.

Il est l'auteur de l'ouvrage : « Gérer les conflits dans l'Eglise ».

 

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