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Le blog de Charles Nicolas
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  • Dans une société déchristianisée où les mots perdent leur sens, où l'amour et la vérité s'étiolent, où même les prédicateurs doutent de ce qu'ils doivent annoncer, ce blog propose des textes nourris de réflexion biblique et pastorale.
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11 mars 2014

Masculin et féminin dans la Bible et dans l'Eglise

 

 

 

MASCULIN et FEMININ

dans la Bible et dans l'Eglise





Plan


1. Un mystère qui a un rapport

a. Les étoiles du ciel
               b. La dimension du mystère   

  c. Un reflet de Dieu ?


                                   2. Plus semblables et plus différents qu'on le pense

     a. Toujours corriger !
             b. L'égalité, la réciprocité
                               c. La différence, la complémentarité

 

                 3. Christ et l'Eglise, l'époux et l'épouse

              a. Ce mystère est grand
                                      b. Un don de soi de l'ordre du sacrifice
                                               c. Un don de soi de l'ordre de la soumission


   4. Le couple, la famille, l'église

                  a. Un ordre de priorité ?
               b. Qui influence qui ?
                          c. Voir ce qui est plus grand


        Annexes.  1. Quelques considérations sur la mixité
                                      2. Quelques considérations sur l'homosexualité
                                        3. Quelques mots sur la question des ministères

     _____________





1. Un mystère qui a un rapport avec Dieu


a. Les étoiles du ciel


Il y a beaucoup de choses admirables à observer sur cette terre, malgré les dégâts causés par le péché. Personnellement, je m'émerveille en observant une mésange ou une fleur d'ancolie, je suis saisi d'émotion devant certains paysages ; par dessus tout, je trouve que le spectacle qu'offre le ciel étoilé est réellement fascinant. C'est à en perdre la tête. Dans la Bible, le psalmiste s'est déjà extasié avant nous (Ps 8.4-5 ; 19.2).

Mais il y a une réalité qui m'étonne et m'émeut encore plus que tout cela : c'est qu'en créant les hommes sur la terre, Dieu ait créé des hommes et des femmes.

C'est une réalité en apparence ordinaire, que nous côtoyons tous les jours et à laquelle nous ne faisons plus tellement attention, peut-être. Nous avons tort. (C'est comme les étoiles. Il y a peut-être des personnes qui passent des années, presque une vie, sans lever les yeux et sans contempler le spectacle de la voûte étoilée. Ils ignorent ce qui les entoure, la réalité dans laquelle Dieu les a placés. Ils vont au travail, font leurs courses, s'occupent du jardin (s'ils en ont un), regardent la TV, et ils ignorent une des réalités les plus fascinantes qu'il soit donné à l'homme d'observer... pour comprendre tout à la fois combien il est petit..., combien il est précieux... et combien Dieu est grand. « Après avoir conduit Abram dehors, Dieu dit : Regarde vers le ciel, et compte les étoiles, si tu peux les compter. Et il lui dit : Telle sera ta postérité. Abram eut confiance en l'Eternel, qui le lui imputa à justice » (Gn 15.5-6).

Cette citation nous rappelle une réalité capitale : le Dieu qui nous sauve et nous donne une espérance en Jésus-Christ est le même que Celui qui a créé le ciel et la terre et tout ce qu'ils contiennent. « Je lève mes yeux vers les montagnes. D'où me viendra le secours ? Le secours me vient de l'Eternel qui a créé le ciel et la terre » (Ps 121.1-2). C'est l'humilité et la dignité de l'homme de pouvoir contempler ce qu'il n'a pas fait lui-même, ce qu'il n'a pas imaginé lui-même, de prendre conscience que tout ce qui existe et qui est beau et bon est le reflet de la perfection de Dieu – ayant été créé par sa Parole, étant maintenu (subsistant) par cette Parole (Jn 1.3 ; Co 1.16-17 ; Ro 1.20). Et cette Parole, c'est Christ !


b. La dimension du mystère


Les chrétiens évangéliques n'aiment pas tellement employer le mot mystère. On peut le comprendre : la Parole de Dieu n'est-elle pas la révélation de la pensée de Dieu, du dessein de Dieu ? Certes oui ! Mais quand Jean Calvin – grand étudiant de l'Ecriture – parle de la révélation de Dieu, il prend l'image d'une maman qui parle à son petit enfant en bal-bu-tiant pour se faire comprendre. Il est vrai que notre foi est nourrie des richesses que Dieu nous fait connaître dans sa Parole et nous croyons que cette parole est fiable. Est-ce pour autant que Dieu nous révèle tout sur tout ? « Les choses cachées sont à l'Eternel notre Dieu ; les choses révélées sont à nous et à nos enfants » (Dt 29.29).

Un mystère, ce n'est pas forcément une chose à laquelle on ne comprend rien : c'est une chose qu'on ne peut pas comprendre entièrement1. Il demeure encore beaucoup de mystères ! Et cela ne trouble pas notre foi – car Dieu ne joue pas avec cela : il révèle ce qu'il doit révéler et laisse caché ce qui doit l'être, parce que c'est trop grand. Est-ce que cela signifie qu'on n'a pas à s'y intéresser ? Pas du tout ! Les étoiles sont un mystère, et Dieu dit : « Regarde les étoiles... et compte-les si tu peux les compter » (Cf. Paul en 1 Co 15.41). Cela signifie que l'homme – et spécialement le croyant – doit accepter de considérer avec attention, avec respect, avec humilité, avec crainte, avec reconnaissance et dans l'adoration, des réalités qui l'entourent, qui le concernent (les étoiles nous concernent, elles nous parlent – Ps 19.2 ; 1 Co 15.41-42) et qu'il ne peut pas comprendre entièrement car elles sont trop grandes. Notre repos et notre dignité, ce n'est pas d'ignorer les choses mystérieuses, c'est de les considérer avec attention, de les respecter infiniment, de ne pas les violenter avec nos pensées désordonnées, mais de les approcher en tenant bien fort ce que Dieu nous en dit.
Ainsi en est-il de la réalité du masculin et du féminin sur la terre.


c. Un reflet de Dieu


Nous avons dit que tout ce qui existe et qui est beau et bon est un reflet de la perfection de Dieu. « Rien de ce qui a été fait n'a été fait sans la Parole de Dieu » (Jn 1.3). « Les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité (!) se voient comme à l'œil quand on les considère dans ses ouvrages » (Ro 1.20). Par exemple, le soleil est un reflet créé de la lumière éternelle et incréée de Dieu. Un jour, il n'y aura plus de soleil (Ap 21.23).

L'être humain est bien-sûr un reflet de Dieu, l'image de Dieu. Ce ne sont pas les théologiens qui le disent, c'est Dieu lui-même. « Puis Dieu dit : Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance » (Gn 1.26). Vous ne croyez pas que c'est un peu comme le ciel étoilé ? Que ça vaut la peine de s'arrêter plus que 5 secondes pour y penser... même si c'est trop grand pour qu'on puisse le comprendre entièrement ? Est-ce que cela signifie qu'il n'y a rien à y comprendre ? Que ça ne nous dit rien sur l'homme, sur Dieu ? Cela nous dit beaucoup !

Dans les comités de réflexion éthique qui se créent un peu partout, notamment dans les hôpitaux, on se pose des questions difficiles : jusqu'où aller ? Le fait de pouvoir faire quelque chose techniquement implique-t-il qu'on puisse le faire moralement ? Et parmi ces questions : finalement, qu'est-ce que l'homme ? En quoi diffère-t-il de l'animal ? (Cf. le livre de Jean-Claude Guillebeau : Le principe d'humanité). Alors, on met en avant les valeurs de l'humanisme qui place l'homme au dessus de la machine et de l'agent. C'est bien. Mais qu'y a-t-il au dessus de l'homme ? J'ai entendu un sénateur allemand dire, dans un discours prononcé sur le site d'un camp de concentration : « L'homme sans Dieu est une bête ». La Bible ne nous donne-elle pas la plus belle et profonde définition de l'homme ? Créé le 6ème jour, comme les mammifères, mais créé à l'image de Dieu, à sa ressemblance ; pas les mammifères.

Avons-nous un regard chrétien sur les choses qui nous entourent : les oiseaux, les fleurs, les étoiles, l'homme, la femme ? Car le récit de la création se poursuit ainsi : « Dieu créa l'homme à son image, il le créa à l'image de Dieu, il le créa homme et femme » (Gn 1.27). Ce n'est pas une information France-Inter, c'est une information de la Parole de Dieu, et elle touche à quelque chose de sacré.

Ce n'est pas compliqué (si on peut dire) : à l'expression « faisons l'homme à notre ressemblance » du verset 26 correspond l'expression « il le créa homme et femme » du verset 27. Cela ne mérite-t-il pas quelques instants de méditation ?


2. Plus semblables et plus différents qu'on le croit



a. Toujours corriger



Il se pourrait qu'au cours de cette étude, quelqu'un éprouve une sorte de vertige. Ce serait peut-être bon signe. Je pense à Jacob qui s'est réveillé après avoir fait un songe, la tête posée sur une pierre, et qui s'est écrié : « Certainement, l'Eternel est en ce lieu, et moi, je ne le savais pas ! Il eut peur et il dit : Que ce lieu est redoutable ! » (Gn 28.16-17). Je pense aussi à Job qui dit, après que Dieu lui ait révélé la grandeur de sa création et de sa sagesse : « J'ai parlé sans les comprendre de merveilles qui me dépassent et que je ne conçois pas... C'est pourquoi je me condamne et je me repens, sur la poussière et sur la cendre » (Jb 42.3,6). Oui, nous pourrions bien avoir le vertige, une fois ou l'autre, en considérant la manière avec laquelle nous avons agi sans prendre conscience de l'importance, de la portée, des conséquences de nos paroles ou de nos actes...

L'apôtre Paul évoque précisément cela au début de sa lettre aux Romains : « Se vantant d'être sages, les hommes sont devenus fous ». Et il mentionne deux effets de cette folie : la confusion entre le Créateur et la créature, avec tout ce qui relève de l'idolâtrie (une abomination). Et la confusion dans les relations entre hommes et femmes, notamment avec l'homosexualité (une autre abomination). « Ils ont changé la vérité de Dieu en mensonge et ont adoré et servi la créature au lieu du Créateur. C'est pourquoi Dieu les a livrés à des passions infâmes : car leurs femmes ont changé l'usage naturel en celui qui est contre nature ; et de même les hommes, abandonnant l'usage naturel de la femme, se sont enflammés dans leurs désirs les uns pour les autres, commettant homme avec homme des choses infâmes, et recevant en eux-mêmes le salaire que méritait leur égarement » (Ro 1.25-27).

Notons qu'un tel passage permet d'envisager une gradation dans la gravité du péché. Un homme qui couche avec une femme en dehors du mariage commet un péché. Mais un homme qui couche avec un autre homme commet une horreur.

Il est certain que nous avons souvent du mal à imaginer la portée de ce que nous faisons. Nous vivons au milieu d'une génération qui ne considère que ce qui se voit avec les yeux. La Bible nous instruit autrement. Songez par exemple à ce que dit l'apôtre Pierre : « Maris, montrez à votre tour de la sagesse dans vos rapports avec vos femmes, comme avec un sexe plus délicat ; honorez-les, comme devant hériter avec vous de la grâce de la vie. Qu'il en soit ainsi, afin que rien ne vienne faire obstacle à vos prières » (1 Pi 3.7)« Obstacle à vos prières », vous avez bien entendu. On y reviendra, car cela indique clairement qu'il y a un lien entre la vie du couple et le culte !

Noter aussi que ce seul verset (mais il y en a beaucoup d'autres) atteste qu'il y a une réelle  différence entre l'homme et la femme (en partie mystérieuse, il est vrai, mais cela requiert d'autant plus d'attention) et une parfaite similitude (en terme d'espérance, notamment, ce qui n'est pas rien).

Luther a dit : « L'homme est un cavalier ivre : tantôt il penche à droite, tantôt il penche à gauche, et toujours Dieu doit le remettre en selle ». C'est ce que fait la Parole de Dieu avec nous, en effet, et ce que nous devons faire avec elle (2 Tm 3.16). En l'occurrence, on constate deux dérives opposées et tout aussi graves l'une que l'autre : nier la différence entre l'homme et la femme ou nier leur similitude. La Bible nous contraint d'affirmer avec une égale force l'importance de la différence et l'importance de la similitude. Cela est porteur de beaucoup d'implications.


Depuis quelques décennies, la mixité est de mise partout5. On pourrait penser que cela a permis une grande familiarité et une meilleure compréhension entre les sexes. A mes yeux, l'incompréhension demeure fréquente, source de nombreux dépits, de nombreuses blessures, de nombreuses solitudes.



b. L'égalité et la réciprocité


Commençons par cela, en écho au premier récit de la création (Ge 1). Dieu crée l'homme (Adam) à son image, il le crée homme (Ish) et femme (Isha). La première page de la Bible affirme d'emblée une égalité d'origine, de nature, de condition et d'honneur entre l'homme et la femme. L'un et l'autre sont créés par Dieu, à sa ressemblance6. Après avoir achevé sa création, « Dieu vit tout ce qu'il avait fait ; et voici, cela était très bon » (Gn 1.31). Ainsi, nous savons de manière certaine que l'existence de l'homme au masculin et au féminin n'est en aucune manière le résultat d'une dégradation (Genèse 1 se situe avant l'événement de la chute) : c'est le fruit du dessein parfait de Dieu. C'est donc, normalement, un sujet de joie ! Cela est sans doute évident pour nous ; mais mieux vaut le formuler en toutes lettres !

Il s'agit, en rappelant l'égalité foncière qui existe entre l'homme et la femme, de corriger le défaut qui consiste à accentuer tellement la différence entre eux que cela aboutit à une forme de déshumanisation de l'un ou de l'autre, déshumanisation qui peut se traduire par le mépris, la domination, la manipulation, l'exploitation, l'aversion ou..., paradoxalement par une sorte d'adulation, de sublimation. Ces comportements sont malheureusement latents, parfois voilés, parfois criants, parfois maîtrisés, parfois pathologiques. Dans tous les cas, ils sont la source de beaucoup de souffrance, que celle-ci soit visible ou pas.

Cette déshumanisation se traduit de manières diverses, souvent repérables par la place et le contenu des paroles échangées. En effet, l'image de Dieu dans l'être humain est manifestée de manière particulière par l'usage de la parole. Quand un homme et une femme se parlent de manière respectueuse, sensible, responsable, ils se disent l'un à l'autre : je reconnais en toi une pleine humanité. Certes, tu es un homme, ou une femme, et je ne te comprends pas toujours aisément, mais en humanité nous sommes égaux, parfaitement égaux. Nous avons vu cela affirmé clairement par l'apôtre Pierre (1 Pi 3.7) : dans un même verset, il affirme la différence (plus fragile) et l'égalité (commune espérance)8.

Il faut dire un mot (au moins) sur la sexualité, elle aussi source de grandes joies et de grands dépits. Je crois que notre époque décomplexée n'a pas forcément résolu la question de la culpabilité liée à la sexualité. Il n'est pas sûr qu'un doute ne subsiste pas à ce sujet, pour plusieurs raisons me semble-t-il. On a beau avoir dit que la fonction sexuelle était une fonction ordinaire, purement biologique, je crois que la plupart des hommes (et des femmes) n'en sont pas convaincus. Le caractère « sacré » de ce domaine ne peut pas être aboli si facilement et un doute existe probablement sur l'usage sain qui lui est réservé. Le déferlement de l'immoralité (facilité par Internet), tout en banalisant ce qui ne devrait pas l'être, crée des consciences et des comportements troublés, parfois pathologiques et portant des fruits amers (Ro 1.27 ; 2.15).

Rappelons que la sexualité en elle-même est voulue par Dieu et donc bonne. Cela n'implique pas que tout usage de la sexualité soit légitime. Dans un cadre sain (c'est à dire non seulement dans un couple, mais dans un couple fidèle et aimant), la sexualité valorise les personnes et renouvelle le lien d'alliance que Dieu a voulu. Dans un cadre inapproprié (hors du couple ou hors d'un amour fidèle et respectueux), les même gestes risquent de nier la valeur des personnes, et donc de blesser au lieu d'édifier. Je crois que le rapprochement avec les réalités spirituelles est légitime. Invoquer le Nom du Seigneur est chose excellente. Mais il ne faut pas le faire « en vain » (Ex 20.7). Prendre le pain et le vin de la Cène est excellent, mais il y a une manière de le faire qui est indigne et qui ne sera pas sans conséquence (1 Co 11.27-32). Il faut « discerner le corps de Christ » ; le corps, là, c'est la personne tout entière !

i. Paul en 1 Co 11. L'objectif de l'apôtre est de rappeler la manière de se conduire dans l'Eglise. Certains chrétiens s'étaient sans doute imaginé que, puisque « en Christ, il n'y a plus ni homme ni femme » (Ga 3.28), les différences entre les sexes étaient bel et bien abolies dans l'Eglise. Paul rappelle qu'il n'en est rien. Au chapitre 11 de sa première lettre aux Corinthiens, Paul rappelle que l'ordre de la création demeure9 et la vocation de l'homme et de la femme ne sont pas en tous points identiques et donc pas interchangeables. Son affirmation de la différence est si forte que Paul semble craindre qu'elle soit retenue au détriment de l'égalité.  C'est pourquoi aussitôt il rectifie en quelque sorte et rappelle l'égalité. Ce qu'il dit est très beau : « Toutefois, dans le Seigneur,  la femme n'est pas sans l'homme, ni l'homme sans la femme. Car de même que la femme a été tirée de l'homme, de même l'homme existe par la femme et tout vient de Dieu » (1 Co 11.11-12).

Paul fait apparaître ici une forme de symétrie dans l'interdépendance. Chacun a besoin de l'autre, c'est inscrit dans la profondeur de l'être, c'est la source du désir, de la fragilité et de la joie dans la rencontre. Que dit l'apôtre encore ? Il se réfère au deuxième récit de la création : A l'origine, la femme a été tirée du côté de l'homme. N'est-ce pas ce qui explique son désir de trouver son repos sur l'épaule d'un époux, à ses côtés, près du lieu d'où elle a été tirée ? L'origine de l'homme est d'un autre ordre : chaque naissance la rappelle, car tout homme est né d'une femme. N'est-ce pas ce qui explique cette sorte de fascination que l'homme peut avoir pour le sexe féminin, le lieu par où il a été introduit dans le monde ?

ii. Paul en 1 Co 7. Cela concerne aussi le cadre du couple. La réciprocité est en effet clairement affirmée dans la première lettre aux Corinthiens. « Toutefois, pour éviter le désordre, que chacun ait sa femme et chaque femme son mari. Que le mari rende à sa femme ce qu'il lui doit, et que la femme agisse de même envers son mari. La femme n'a pas autorité sur (ne dispose pas de) son propre corps, mais c'est le mari ; et pareillement, le mari n'a pas autorité sur (ne dispose pas de) son propre corps, mais c'est la femme. Ne vous privez pas l'un de l'autre, si ce n'est d'un commun accord pour un temps, afin d'être disponible pour la prière ; puis retournez ensemble » (1 Co 7.2-5). Cela a été écrit il y a 2000 ans.

Ainsi, la symétrie n'est pas parfaite (la création originelle et chaque naissance, l'épaule et le sexe) mais l'interdépendance est indiscutable. Cette égalité dans la dépendance mutuelle rend possible et même nécessaire la réciprocité qui est mentionnée à plusieurs reprises. Cela concerne le cadre de l'église. Au chapitre 5 de la lettre aux Ephésiens, juste avant le rappel des engagements spécifiques de l'homme et de la femme, Paul écrit : « Soumettez-vous les uns les autres dans la crainte de Christ » (5.21). Cela dit beaucoup de choses. Cela dit que chacun, homme ou femme, est avant tout responsable de son attitude et de son éveil spirituel devant le Seigneur. La Bible ne fait jamais de la femme un être mineur spirituellement. Cela dit aussi que la pensée ou la volonté de Dieu peuvent se dévoiler au travers des paroles d'un chrétien ou d'une chrétienne et qu'il revient à chacun, à tout moment, de la discerner et de la recevoir. En même temps, la femme devrait avoir la tête couverte quand elle prend la parole dans l'Eglise (1 Co 11), et il ne lui est pas permis de prendre autorité sur l'homme (1 Tm 2).

iii. Paul en Ga 3. Pour ce qui est de l'égalité – et donc de la réciprocité ou de la soumission mutuelle – il convient de rappeler la parole de Paul déjà citée : « En Christ, il n'y a ni homme ni femme » (Ga 3.28). Cela ne concerne pas tous les domaines (puisque des prescriptions spécifiques sont également données aux uns et aux autres), mais tout particulièrement le domaine spirituel (qui est le plus profond) : pour ce qui est du péché, de la grâce, de la foi, de l'accès à Dieu, de l'amour, de l'Esprit, des dons de l'esprit, de l'espérance... il n'y a aucune différence entre l'homme et la femme. Le plus utile sera celui ou celle qui est le plus fidèle ; et celui ou celle qui, en définitive, aura la plus grande autorité sera celui ou celle qui vivra la plus grande soumission à Dieu.



c. La différence et la complémentarité


Nous l'avons dit : aussi grande que soit l'égalité entre l'homme et la femme (et en un sens, elle est totale), elle n'abolit pas la différence qui demeure entre eux. Cette différence, sur la terre, est irréductible, comme est irréductible la différence entre l'homme et Dieu. Elle reflète aussi quelque chose qui est en Dieu ! Elle est donc riche et belle. Elle est simplement, comme tout ce qui a été créé, perturbée par les effets du péché dans les cœurs (Gn 3.16). Le problème n'est donc pas la différence entre l'homme et la femme, le problème c'est le péché !

Il convient de rappeler que cette différence fait l'objet de nombreuses recommandations dans l'Ancien Testament. Ainsi, l'homosexualité est-elle regardée comme « une abomination » aux yeux de Dieu, au même titre que l'idolâtrie (Lév 18.22, 26 ss). L'altérité homme-femme dit quelque chose, en effet, de l'altérité homme-Dieu.

Cette différence, cette répartition de la richesse de Dieu entre hommes et femmes, si on peut dire, correspond à des vocations différentes et complémentaires. Il ne s'agit pas ici de forcer le trait en accentuant exagérément la différence, dans le genre : papa gronde et maman fait les câlins. Ce ne serait pas juste. Il n'empêche – et dans ce domaine beaucoup de psychologues confirment les données bibliques – que l'homme et la femme portent en eux (ou reçoivent de Dieu) des mandats différents et complémentaires.

i. Paul en 1 Thess 2. Cela apparaît de manière significative au deuxième chapitre de la 1ère lettre aux Thessaloniciens. Paul se compare tour à tour à une nourrice et à un père. Je cite : « De même qu'une nourrice prend un tendre soin de ses enfants, nous aurions voulu, dans notre vive affection pour vous, non seulement vous donner l'Evangile de Dieu, mais encore nos propres vies, tellement vous nous étiez devenus chers » (2.7-8).

Ce passage nous instruit sur l'amour de Dieu qui ressemble à celui d'une mère : beaucoup de passages bibliques, en effet,  parlent de la tendresse de Dieu, de sa compassion, de ses entrailles qui s'émeuvent. Le Psaume 103 évoque la compassion de Dieu (v.13). Le mot compassion, en hébreux, désigne les entrailles maternelles ou le sein qui se penche vers l'enfant !

Ce passage nous instruit sur l'amour que la mère porte à son enfant comme à une partie d'elle-même. La mère a nourri son enfant dans son ventre, elle l'a nourri avec ses seins : son corps même est construit pour cela, quand bien même elle n'aurait pas d'enfant. Jamais un homme ne vivra cela. Ce passage nous parle ainsi du mandat que Dieu donne aux mères, mandat magnifiquement résumé par cette parole de Luther : « C'est Dieu qui lange l'enfant et lui donne la bouillie ; mais il le fait par les mains de la mère ». Notre société ne valorise pas spécialement ces gestes ; elle le devrait.

Paul nous fait savoir que son ministère d'apôtre, et après lui celui des pasteurs et diacres, consiste à prendre soin de la part de Dieu à la manière d'une mère dévouée. L'expression « prendre soin » ne traduit pas toute la vocation pastorale, mais une composante importante. C'est par excellence la vocation des diacres, que ce soit dans le soutien aux ministères pastoraux ou dans le soutien aux membres les plus fragiles de l'Eglise.

Ce même passage nous dit quelque chose sur la dimension paternelle de l'amour de Dieu, présentée ici sous le registre de l'exhortation, de la prise de responsabilité. Quelques versets plus loin, en effet, le même Paul se compare à un père : « Vous savez aussi que nous avons été pour vous ce qu'un père est pour ses enfants, vous exhortant, vous consolant, vous conjurant de marcher d'une manière digne de Dieu, qui vous appelle à son royaume et à sa gloire » (2.11-12). La vocation exposée ici n'est pas opposée à la précédente, elle est complémentaire. Les psychologues le disent ainsi : la mère a un amour enveloppant, le père a un amour émancipateur. La maman dit : Couvre-toi bien et sois prudent. Le papa dit : Il est grand, il peut le faire tout seul. Chacun comprend que ces deux dimensions sont nécessaires et constructives, et qu'elles ne doivent pas se contrarier mutuellement. Certes, la mère peut aussi reprendre l'enfant et le responsabiliser ! Mais cela ne contredit pas l'existence de vocations spécifiques.

Il me paraît évident que cela a une incidence sur la reconnaissance des ministères dans l'Eglise. J'en déduis que les diacres ont un ministère de type féminin (pourvoir, Ro 12.13 ; 2 Co 9.1, 12), même si des hommes peuvent y être engagés. J'en déduis que le ministère pastoral (pasteurs et anciens) est un ministère de type masculin, même si une part de leur tâche reflète aussi la préoccupation 'féminine' de Dieu : consoler, prendre soin. Cependant, leur mission spécifique est de diriger, ce qui implique l'exercice d'une autorité : dans l'enseignement et les décisions importantes. Ce n'est pas que la femme soit dépourvue d'autorité : celle-ci sera en fonction de la fidélité de sa foi, de la fiabilité de ses conseils, de la maturité de ses jugements. Heureuse l'église, heureux les hommes qui peuvent écouter les conseils avisés que les chrétiennes auront à formuler. Cependant, la charge de l'autorité dans l'Eglise est clairement confiée aux hommes. Paul donne à cela deux raisons qui n'ont rien de culturel (1 Tm 2.12-14) : l'homme a été créé le premier (Gn 2), et la femme a péché en premier (Gn 3).

ii. Paul en 1 Co 11. Ces  raisons sont appuyées par d'autres, plus mystérieuses, il faut le dire, mais pas moins importantes : « Je veux que vous sachiez que Christ est le chef de tout homme (andros), que l'homme est le chef de la femme et que Dieu est le chef de Christ » (1 Co 11.3). De ce passage, nous déduisons que le mot 'chef' n'est pas ici connoté négativement, comme s'il résultait d'une injustice due au péché ou d'une volonté de pouvoir équivoque, puisqu'il est aussi appliqué à la relation entre Dieu comme Père et son fils Jésus-Christ. Que nous n'en comprenions pas nécessairement toute la dimension ne peut que nous inciter à la respecter. Paul conclue ce passage ainsi : « Si quelqu'un se plaît à contester, nous n'avons pas cette habitude, non plus que les Eglises de Dieu » (11.16).

Il serait urgent que de nombreux chrétiens (hommes) puissent faire la démonstration qu'un chef n'est pas un profiteur, et qu'on ne corrige pas ce défaut-là par la passivité. L'image donnée par le passé n'est assurément pas nécessairement remarquable : la domination des seigneurs, des maîtres, du clergé, des maris, des patrons, des instituteurs a été telle, parfois, qu'elle a pu nourrir des sentiments de révolte et de luttes de classes. La réponse à ces déviations est-elle la conquête du pouvoir par les femmes comme on le voit aujourd'hui ? Va-t-on corriger un mal par un autre ? Au lieu de parler en terme de pouvoir, il conviendrait de parler en terme de responsabilité.

Certains pourraient se demander, puisque « en Christ, il n'y a plus ni homme ni femme » (Ga 3.28), si l'Eglise n'est pas appelée à régler la question en devenant une communauté « asexuée ». Ce n'est certainement pas le cas. Aux hommes de l'église de Corinthe, Paul dit : « Soyez des hommes ! » (16.13), rappelant qu'il leur revient de démontrer la parfaite compatibilité de la fermeté et de l'amour, à l'image de Christ. Quant aux femmes, leur attitude spécifique est décrite à plusieurs reprises (1 Co 11 ; 1 Tm 2 ; 1 Pi 3) et renvoie à la position de l'Eglise par rapport au Seigneur.

L'esprit de sacrifice qui marque l'attitude des maris (on pourrait dire : des hommes chrétiens d'une manière générale) est le prolongement de leur disposition à donner leur vie pour Jésus-Christ.
Et l'esprit de soumission qui marque l'attitude des épouses (on pourrait dire : des chrétiennes) est le prolongement de leur disposition à se soumettre au Seigneur Jésus-Christ. En disant cela, on fait apparaître tout à la fois la similitude de ces dispositions de cœur (le sacrifice est bien une forme de soumission, la soumission est bien une forme de sacrifice) et leur différence : le modèle de référence n'est pas le même.

S'il est souhaitable qu'elles puissent « trouver du repos dans la maison d'un mari » (Ruth 1.9), jamais elles ne sont regardées comme des êtres mineurs (Pr 31). Elles ne sont pas moins que les hommes des membres du corps de Christ ; Dieu peut révéler sa pensée, son conseil, son soutien par la bouche ou les gestes d'une femme autant que par ceux d'un homme. Ainsi, dans le couple comme dans l'Eglise, l'homme et la femme sont-ils en aide l'un pour l'autre, même si cela est dit, initialement pour la femme. Au fait, qui est le plus fort : celui qui aide ou celui qui est aidé ?

Il y a une sorte d'intelligence spirituelle ou de discernement qui doivent permettre de comprendre la mesure d'égalité et la mesure de différence qui doivent être respectées, avec les implications pratiques qui en découlent. Que ce soit dans le cadre de l'église ou celui de la maison, ou encore dans le cadre professionnel, elles ne doivent être oubliées ni l'une ni l'autre.




3. Christ et l'Eglise, l'Epoux et l'épouse

a. Ce mystère est grand


C'est Paul qui s'exprime ainsi pour clore l'enseignement qu'il a donné sur la relation entre maris et épouses, relation comparée – et donc comparable – à celle de Christ avec son Eglise (Ep 5.32). Nous ne pourrons ici sonder tout ce que cela implique. Tentons cependant de retenir quelques points instructifs en retenant que ces deux relations  peuvent s'éclairer l'une l'autre.

Commençons par celle qui est primordiale, la relation entre le Seigneur Jésus-Christ et son Eglise.

i. Jean chap. 17. Un des enseignements les plus profonds se trouve sans doute dans ce chapitre où nous voyons Jésus prier pour que l'unité spirituelle qui existe entre lui et son Père puisse exister également entre les membres de son Eglise, et encore entre son Eglise et lui. « … afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu'eux aussi soient un en nous » (17.21). Cela va certainement bien au-delà de ce que nous pouvons nous représenter ! En méditant cela, nous pouvons entendre ce que Jésus dit au sujet du lien conjugal : « Que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a uni » (Mt 19.6). Cette parole, reconnaissons-le, est en partie énigmatique. Ce que Dieu a uni ? Nous comprenons que, sans élever le lien conjugal au dessus de ce qu'il doit être – il ne semble pas qu'il ait une dimension d'éternité – nous devons lui reconnaître une portée plus grande qu'un simple lien social, qu'une simple institution culturelle. Dire cela aujourd'hui me paraît particulièrement important. Paul confirme explicitement ce lien qui existe entre l'union conjugale et l'union du Christ et de son Eglise et emploie le mot 'mystère' (Ep 5.31). Nous l'avons déjà dit : un mystère n'est pas quelque chose que l'on ne comprend pas du tout, mais c'est quelque chose qu'on ne comprend pas entièrement. Est-ce une raison pour le regarder légèrement ? Loin de là ! Il conviendra, au contraire, d'agir avec diligence. De même, nous devrions veiller attentivement à ne pas transformer l'Eglise en une sorte d'association où on passe de bons moments... Dit comme cela, c'est un peu choquant, mais reconnaissons que le risque n'est pas absent.

ii. La tête et le corps. Une autre image forte est celle de la tête et du corps (Ro 12.5 ; 1 Co 12.27). En réalité, cela est plus qu'une image et cela nous parle aussi d'unité... organique et vitale, et pas seulement d'une juxtaposition ou d'une grande proximité. En somme, ces deux premières comparaisons semblent dire qu'on ne peut réellement envisager l'existence de l'un sans l'autre. Le Père n'est pas sans le Fils, ni le Fils sans le Père, ni la tête sans le corps, ni le corps sans la tête. Jamais !

iii. L'union du cep et des sarments confirme ce lien vital, cette communauté de vie, cette participation de l'un à l'autre : nous en lui et lui en nous, traduite aussi avec le verbe 'demeurer'. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire ». De manière surprenante, il est vrai, Paul associe le mari à la tête et la femme au corps avec cette remarque logique : « C'est ainsi que les maris doivent aimer leurs femmes comme leurs propres corps » (Ep 5.28). Cela mérite qu'on y réfléchisse (les hommes, en tout cas !).

iv. Nous pouvons évoquer encore l'image du berger qui certes conduit, dirige, mais qui aussi connaît parfaitement, prend soin et donne sa vie « pour que ses brebis aient la vie et qu'elles l'aient en abondance » (Jn 10.10). Nous nous souvenons de sa joie pour une seule brebis perdue et retrouvée, car le berger et son troupeau forment un tout indissociable (Lc 15.6). Nous nous souvenons avec émotion de ce que Dieu dit par le prophète Jérémie : « Il n'en manquera aucune ! » (Jr 23.4). Le prophète Esaïe résume ce qui se trouve écrit en bien d'autres passages : « Comme la fiancée fait la joie de son fiancé, ainsi tu feras la joie de ton Dieu » (Es 62.5).

Comment résumer cela ? Je le ferai en soulignant la parfaite cohérence qui existe, dans toutes ces relations, entre l'autorité et l'amour. Comme en Dieu, l'autorité véritable est bienveillante, serviable, secourable ; et l'Amour est à la fois fort et doux. On peut souligner aussi la commune condition de chaque partie : Si on touche un membre du corps, la tête est elle-même affectée (Ac 9.5). Si un membre souffre, tous souffrent (1 Co 12) ; Paul le dit aussi pour le couple : Chacun prend soin de son propre corps et si un homme aime sa femme, il s'aime lui-même ! Il y a bien une commune condition et donc une réelle interdépendance, bien que la tête ne soit pas le corps, bien que le cep ne soit pas les sarments, bien que le berger ne soit pas le troupeau... Union sans confusion.   

 

b. Un don de soi de l'ordre du sacrifice


Quand on parle d'amour, on devrait préciser de quel amour on parle, car l'amour filial, l'amour conjugal, l'amour fraternel ne sont pas en tous points équivalents. Au chapitre 5 de la lettre aux Ephésiens, Paul parle de l'amour conjugal d'une manière que seuls les chrétiens peuvent comprendre ! La comprennent-ils ?

Dans ce passage, il ne dit pas que le mari est égal à Christ, mais que le mari doit aimer son épouse  de la même manière que Christ a aimé son Eglise. Comment ? « Il s'est livré lui-même pour elle... » (5.25).

Les divers passages relatifs à ce don de soi, dans le Nouveau Testament, parlent d'obéissance volontaire, de renoncement, de dépouillement, d'humiliation, d'esprit de service, et enfin de sacrifice consenti. On n'a pas pris sa vie à Jésus : il l'a donnée lui-même. Cf. Hé 10.5-10.

Le Nouveau Testament nous apprend que cet amour de Christ pour son Eglise ne se manifeste pas seulement par l'événement de la crucifixion mais aussi par son intercession constante : « Il intercède pour nous » (Ro 8.34 ; Hé 7.25). Cette constance est une caractéristique forte de l'amour du Seigneur pour nous. C'est là la dimension de l'alliance qui est tout autre chose qu'un contrat révocable. Paul y fait allusion quand il rappelle aux maris de ne pas s'aigrir contre leur épouse (Col 3.19). On pourrait le dire ainsi : un mari n'aime pas son épouse parce qu'elle est aimable et belle, mais son amour pour elle la rend aimable et belle. En tout cas, c'est ainsi pour ce qui est de la relation entre Christ et l'Eglise !

Cela nous apprend encore que l'autorité et l'esprit de service sont parfaitement compatibles. Jésus était serviteur, sans pour autant être asservi ou servile. On est loin de l'égoïsme qui, si on en croit ce qui se dit, caractériserait trop souvent l'attitude des maris.

Si les maris s'appliquent à aimer leur épouse de cette manière, celles-ci (qu'elles soient chrétiennes ou pas, gentilles ou pas..., le commandement est inconditionnel) seront bénies, renouvelées par la grâce et sans doute porteuses de beaux fruits ;

Ce faisant, ces maris démontreront à tous, adultes et enfants, hommes et femmes, croyants et incroyants, combien est bon et bénéfique l'amour que Jésus-Christ a pour son Eglise et combien celle-ci peut s'en remettre à lui en toute confiance. L'amour de chaque mari chrétien pour son épouse devrait être un témoignage de l'amour de Christ pour son Eglise, dans l'Eglise et dans le monde.

L'amour des maris pour leur épouse constitue une sorte de prédication de l'Evangile, dans l'Eglise et dans le monde.



c. Un don de soi de l'ordre de la soumission


Dans ce même passage, l'apôtre Paul enseigne que les épouses chrétiennes ont par rapport à leur mari une position semblable à celle de l'Eglise par rapport à Christ. Une remarque et deux questions peuvent être posées ici :

i. Si l'Eglise, comme les épouses, a une position caractérisée par la soumission volontaire et confiante, il convient de rappeler que l'Eglise est composée d'hommes et de femmes ! En tant que disciples de Christ, les hommes ont donc à trouver et à vivre la position féminine du repos de la soumission confiante. Ainsi, les chrétiennes qui démontrent cette même attitude sont des modèles pour les épouses chrétiennes vis-à-vis du Seigneur et de leurs maris et... pour les hommes chrétiens vis-à-vis du Seigneur !

ii. Le mot 'soumission' n'est-il pas dangereux ? Le mot 'soumission' qui est utilisé ici n'est pas pris isolément des autres caractéristiques de cette relation, mais il les résume toutes. Qu'est-ce qui caractérise la relation de l'Eglise par rapport à Jésus-Christ ? L'appartenance, la dépendance, la confiance, la reconnaissance, le désir d'être agréable, d'être pure et de servir de tout son cœur avec les forces qui sont accordées, chaque jour. Je crois que le mot 'soumission' est employé pour dire tout cela. Ce n'est pas une soumission qui met en danger, c'est une soumission qui est mue par l'amour et la joie de l'appartenance. Un des fruits de cette soumission est le repos (Ruth 1.9 ; Mt 11.28). Ce n'est pas une soumission contrainte ; ce n'est pas une soumission par faiblesse. Ce n'est pas une soumission aveugle ou absolue : c'est une soumission responsable, vécue sous l'éclairage d'une autre soumission, celle qui revient au Seigneur. Ainsi, il peut et (malheureusement) il doit arriver qu'une femme doivent dire non à son mari, pour une chose ou une autre : seulement, elle ne le fait pas dans un esprit d'insoumission, elle le fait dans un esprit de soumission à une autorité plus grande. Ce faisant, l'épouse rappelle à son mari que lui aussi a une soumission à vivre vis-à-vis du Seigneur.

iii. Cela ne nécessite-t-il pas que les maris soient parfaits comme Christ ? La réponse est non. Ce commandement est inconditionnel. Certes, cela ne sera pas vécu de la même manière si le mari est chrétien ou pas, si le mari est fidèle et bon ou pas. Certes, il peut y avoir des circonstances où cela peut devenir coûteux ; il peut même y avoir des circonstances où des cas de conscience peuvent se poser et où une épouse se verra contrainte de dire non à son mari parce que Dieu le lui demandera.  C'est ce que dit explicitement l'apôtre Pierre au chapitre 3 de sa première lettre. Comparer avec ce que dit Pierre aux serviteurs qui ont un maître au caractère difficile (1 Pi 2.18).

En vivant de cette manière, l'épouse chrétienne démontre à tous ceux qui la voient, chrétiens et non chrétiens, quelle est l'attitude de l'Eglise tout entière (hommes et femmes) vis-à-vis du Seigneur, dans les moments faciles et dans les moments difficiles (1 Pi 3.1-6). Elle démontre aussi le soutien qu'elle reçoit du Seigneur pour affronter la difficulté en étant nourrie de la grâce. Ce soutien peut être trouvé dans l'intimité de la relation avec Dieu et dans l'amour porté et transmis par la communion fraternelle.

Enfin, à ceux qui pensent que la soumission est quelque chose de difficile, on peut demander si le sacrifice est quelque chose de plus facile. La réponse est évidemment non. Ce qui est difficile, c'est quand il n'y a pas la réciprocité... ; ce qui est impossible, c'est de la vivre en dehors de la foi en Celui qui, par soumission et par amour, s'est sacrifié pour nous et nous a donné sa vie.

Admettons que cet enseignement soit à peu près irrecevable en dehors de la foi.
Admettons aussi que s'il était reçu et pratiqué par les chrétiens, dans la foi, la réalité et la puissance du Royaume de Dieu seraient manifestées dans une plus grande mesure au milieu de nous et dans ce monde.

L'amour des épouses pour leur mari constitue une sorte de prédication de l'Evangile, dans l'Eglise et dans le monde.



4. Le couple, la famille, l'Eglise

a. Un ordre de priorité ?


La question des priorités est à la fois importante et délicate. En effet il n'y a pas, dans la vie, que des choses bonnes ou mauvaises qui doivent être gardées ou rejetées. Il y a aussi, parmi les choses bonnes celles qui sont premières et celles qui sont secondes qui doivent donc être ordonnées. Le couple, la famille et l'Eglise sont trois domaines bons et précieux. Mais comment les articuler ? Lequel doit primer ? Il n'est pas si facile de répondre.

Jésus n'a-t-il pas, à plusieurs reprises, relativisé l'importance de la famille en demandant que la cause du Royaume de Dieu vienne résolument en première place ? Et pourtant, Jésus et les apôtres démontrent que ces relations loin d'être abolies demeurent capitales. Une chrétienne agit-elle bien en négligeant son mari non croyant pour se joindre aux réunions de son assemblée ? Sans doute que non. Alors ?

Une clé biblique ou théologique peut éclairer cette question, celle du « déjà - pas encore » de notre situation présente. Ainsi, usant de discernement, il y aura toujours une parole appropriée pour rappeler la dimension que l'on est tenté d'oublier. Le 'déjà' va souligner la priorité incontestable du Royaume de Dieu et de la communion fraternelle. Le 'déjà' permet à deux conjoints chrétiens de se considérer vraiment comme « frère et sœur en Christ ». Frère et sœur en Christ, c'est pour l'éternité, mari et femme, c'est pour un temps seulement. Le 'pas encore', c'est que cette homme est un époux et cette femme une épouse et que ce n'est pas encore le moment de s'émanciper des droits et des devoirs de ces deux vocations. L'apôtre Paul rappelle le 'déjà' en écrivant que ceux qui sont mariés soient comme ne l'étant pas (1 Co 7.29), et le 'pas encore' quand il dit au chrétien qu'il n'a pas à se séparer de son conjoint, même si celui-ci n'est pas croyant (v.10-14). Ainsi il faudra souvent corriger, tantôt en rappelant une perspective, tantôt une autre.

Il me paraît juste, cependant, d'établir un ordre de priorité général ainsi :

1. La relation personnelle de chacun avec le Seigneur. « Entre dans ta chambre et prie... ».
2. Pour ceux qui sont mariés, la relation du couple. « Mari, aimez votre femme ; épouse, ... ».
3. Pour ceux qui ont des enfants, la dimension de la famille. « Parents,... ; enfants, ... ».
4. L'engagement dans la communion fraternelle et l'édification de l'Eglise. "Aimez-vous les uns les autres...".

Je crois que ces divers engagements sont en réalité dépendants les uns des autres, dans tous les sens.  Cependant, il me semble légitime de suggérer cet ordre de priorité. Rappelons que le couple ne doit pas nuire à la relation que chacun continue à développer personnellement avec Dieu. En se tenant seul devant Dieu, le chrétien apaise son cœur, règle sa pensée et sa conduite selon la volonté de Dieu et s'édifie dans l'amour du Seigneur. Cela sera immédiatement en bénéfice pour le couple, pour les enfants et pour l'Eglise, selon le principe du débordement de la grâce.

Notons que l'apôtre Paul dans sa 1ère lettre à Timothée confirme cet ordre de priorité. En substance, il dit : Tu veux avoir une responsabilité dans l'Eglise, c'est très bien. Veille seulement à être d'abord fidèle dans ta vie de couple et dans ta vie de famille. Une phrase le dit de manière lapidaire : « Si quelqu'un ne sait pas diriger sa propre maison (cela vaut aussi pour les célibataires, d'ailleurs), comment prendra-t-il soin de l'Eglise de Dieu ? » (1 Tm 3.5).



b. Qui influence qui ?


Il est certain (même si cela ne se voit pas toujours...) que toute bénédiction vécue dans le cadre de l'Eglise aura un retentissement dans la vie d'une personne et dans ses relations, jusque dans sa maison. Quelqu'un a dit ainsi : « Si un homme se convertit, même le chat de la maison doit s'en apercevoir ! ». Demandes de pardon, engagements de sincérité, esprit de service, prière en commun, etc. peuvent bien se nourrir de la prédication et de la communion fraternelle et enrichir la vie personnelle et familiale.

Cependant, l'inverse est vrai également. Ce qui se vit dans les maisons – en positif et en négatif – influence grandement la vie de l'Eglise, plus sans doute qu'on ne pourrait l'imaginer, y compris sur la base d'habitudes ou d''attitudes non dévoilées. Mon  avis est que beaucoup de problèmes non réglés dans les églises ont leur racine dans des situations non réglées au niveau de la vie des couples et des familles. Le tabou qui enveloppe la vie privée empêche trop souvent d'aborder ces points de blocage, de résistance ou de tension, et les situations demeurent... malgré l'enseignement, malgré la prière. Cela est fort regrettable. Certes, ce n'est pas au pasteur ou aux anciens de diriger ce qui se vit dans les maisons à la place de ceux et celles qui ont cette charge. Cependant, osons dire qu'il ne devrait pas y avoir de domaines qui puissent s'abstraire d'une mise en lumière devant la Parole de Dieu. Paul dit bien que quoi que nous fassions, en parole ou en acte, nous devrions le faire pour la gloire de Dieu (1 Co 10.31 ; Co 3.17). Rappelons-nous que le peuple d'Israël a subi une grave défaite, un jour, parce que quelque chose d'interdit était caché sous le tapis d'une tente dans une famille d'Israël – et personne ne le savait (Josué 7).


c. Voir ce qui est plus grand


Tout sur la terre renvoie à quelque chose de plus grand. « Les cieux racontent la gloire de Dieu » écrit David (Ps 19.2). Le pain et le vin de la cène renvoient aux noces de l'Agneau dans le Royaume de Dieu et la plus petite communauté renvoie à la multitude des rachetés.

Jésus a admiré la foi intelligente du centenier qui a comparé le rapport d'autorité qu'il avait avec ses supérieurs et ses subordonnés à la soumission que Jésus vivait vis-à-vis de son Père et à l'autorité qu'il avait dès lors pour commander qu'un malade soit guéri ! (Lc 7.8-10).

Tout renvoie à quelque chose de plus grand : n'est-ce par la raison pour laquelle nous remercions Dieu pour le pain que le boulanger a fait cuire, pour le repas que la maman (ou le papa, parfois !) a préparé ? C'est ainsi que nous éviterons de donner aux choses que Dieu nous demande de vivre et de gérer ni plus d'importance qu'elles doivent en avoir... ni moins.

Nous l'avons déjà dit : l'attitude de l'épouse chrétienne renvoie à l'attitude de l'Eglise, l'Epouse de Christ, confiante, soumise, zélée et aimante. L'attitude des maris chrétiens renvoie à celle de Christ qui n'est « pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup » (Mt 20.28). L'attitude des mamans renvoie à l'amour protecteur de Dieu qui pourvoit à nos besoins (Ph 4.19), et celle des papas à la direction du Berger qui, lui aussi protège et indique la direction à suivre. Enfin, l'attitude des enfants renvoie à celle des disciples confiants, obéissants, grandissant en maturité et en grâce.

Ainsi, ce que vit une église (rassemblée ou dispersée, au temple, dans les maisons ou ailleurs) prêche plus fort et plus efficacement que les meilleures prédications.

En écrivant que « les parents doivent être les bergers de leurs enfants et gérer leurs maisons comme de petites églises », Calvin ne confond pas la maison et l'Eglise. Il rappelle seulement que tout est lié et que si on est fidèle dans les petites choses, on le sera aussi dans les grandes (Lc 16.10). A cet égard, la fidélité que Dieu nous demande et nous donne de vivre en tant qu'homme ou femme est d'une grande importance. Elle est en partie mystérieuse, il est vrai, mais cela rappelle les limites à l'intérieur desquelles peut et doivent se vivre la grâce et la bénédiction.

Charles Nicolas


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Annexe 1.

Quelques considérations sur la mixité



Je dois faire attention à ce que je vais dire sur ce sujet ! Seulement quelques pistes de réflexion ; rien d'achevé.

La question un peu simpliste qu'on pourrait se poser est celle-ci : Etait-ce mieux avant ou est-ce mieux maintenant ? La difficulté que l'on peut avoir pour répondre à cette question justifie qu'elle soit posée. En d'autres termes, si la séparation opérée souvent entre filles et garçons autrefois (dans les écoles, les gymnases et le milieu professionnel et même à la maison) pouvait créer certaines difficultés, peut-on considérer que la mixité à peu près totale qui est vécue actuellement a résolu ces  difficultés et n'en a pas créé d'autres ?

Beaucoup d'ouvrages ont abordé cette question ces dernières années et je ne les ai pas lus. Il m'apparaît seulement qu'une séparation trop marquée pose problème et qu'une mixité sans limites en pose également, qui ne sont pas forcément moindres.

Le regard que garçons et filles (hommes et femmes) ont les uns sur les autres actuellement est-il plus lucide, plus clairvoyant, davantage empreint d'égards et de respect qu'auparavant ? Je ne suis pas sûr que l'on puisse répondre oui. Garçons et filles ont beau être ensemble depuis la maternelle jusqu'à l'Université, ils demeurent à bien des égards mystérieux les uns pour les autres et les relations demeurent marquées par beaucoup d'incompréhensions, de craintes et, souvent malheureusement, de mépris.

Il ne s'agit pas de noircir le tableau. Il s'agit d'observer ce qui se passe autour de nous. Le concubinage peut être considéré comme une sorte de mixité. On vit tout simplement en couple avec son petit ami ou sa petite amie, pour voir si ça marche. Evidemment, cela peut sembler plus raisonnable que ce qui se faisait avant, quand le mariage unissait des personnes qui ne s'étaient vues que trois ou quatre fois. Cependant, les statistiques sont là. Je lisais hier qu'en Suisse, on compte un divorce pour deux mariages. Est-ce un progrès ?

En banalisant la relation garçons-filles, on a probablement facilité certains rapports, mais pas tous. Je vois de jeunes adultes développer ainsi des relations entre eux qui se situent à la croisée de la camaraderie, de l'amitié et de l'affection, sans que cela permette de construire quelque chose de réellement fondé. En un sens, c'est très beau, mais certaines responsabilités sont ainsi contournées plutôt qu'assumées pleinement. Pour le dire en raccourci : le tutoiement facilite la relation mais ne résout pas tout ! Je me demande même si on ne peut pas parler d'une sorte de déni de la différence, une manière de résoudre une difficulté en la niant.

Les mouvements féministes, les associations ou instances officielles qui luttent contre les discriminations ont parfois donné de belles démonstrations dans ce sens. Sylvianne Agacinsky ne disait-elle pas récemment que la seule différence irréductible entre l'homme et la femme était la maternité, encore que... l'avènement de l'utérus artificiel pourrait bien aider à dépasser cette différence. On croit rêver. Je ne dis pas qu'une réflexion ne puisse pas être menée pour déterminer ce qui est culturel et ce qui est plus fondamental dans notre compréhension des rôles et des vocations. Encore faudrait-il que cette réflexion ne soit pas inféodée à des idéologies partisanes, ni dans un sens (le traditionalisme) ni dans un autre (le progressisme nourri d'anarchisme). Les garçons en bleu et les filles en rose, ce n'est pas forcément la clé de tout. Mais l'uniformisation à la Mao Tsé Toung non plus. Comment les choses se passent-elles à l'école ?


Retenons que l'humanité commune à l'homme et à la femme doit constamment être rappelée, qu'elle est porteuse de nombreuses réciprocités possibles, de belles collaborations et de riches amitiés (y compris dans le couple !). Rappelons également que la différence irréductible entre l'homme et la femme est une richesse voulue de Dieu et non pas un accident malheureux, et que tout ce qui préserve cette richesse et la met en valeur est souhaitable au plus haut point.




Annexe 2.

Quelques considérations sur l'homosexualité



Les repères énoncés ci-dessous sont en grande partie repris d'une étude du professeur de théologie Eric Fuchs, de l'Université de Genève. Bien que ne partageant pas tous ses présupposés théologiques, je trouve ses remarques instructives.

L'enseignement biblique sur la Création est confirmé par Jésus (Mt 19 ; Mc 10) qui conclut son enseignement ainsi : Que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a uni. « Or, la gravité de cet engagement conjugal est aujourd'hui singulièrement minimisée... L'exigence de fidélité est vécue comme une mise en cause de la liberté... Le mariage n'est plus une affaire familiale ou sociale, mais le résultat d'un choix personnel dont les époux sont les seuls responsables ».

Au principe de la recherche de l'épanouissement personnel s'ajoute l'augmentation considérable de la durée de la vie qui allonge le temps probable de la vie commune. « Devant une évolution aussi rapide et profonde, les Eglises sont prises au dépourvu ». Deux sujets imposent leur questionnement : le divorce (en Suisse, un divorce pour deux mariages...) et l'homosexualité.

« Dans la tradition biblique, la sexualité est décrite d'une part comme le don fait par le Créateur à l'être humain pour mettre en échec sa solitude (« Il n'est pas bon que l'homme soit seul » Gn 2.18) et la mort (« Soyez féconds et remplissez la terre » Gn 1.28), et d'autre part comme le lieu d'une expérience malheureuse toujours possible, celle de l'esclavage du désir (« Tu seras avide de ton homme et lui te dominera », Gn 3.16). L'homme et la femme se désirent et se craignent. La différence sexuelle, voulue par le Créateur (Gn 1.17), est donc reconnue comme positive ; elle définit l'être humain comme appelé à se réaliser par son rapport à un autre, l'autre sexe étant la figure emblématique de l'altérité à laquelle chacun doit se confronter pour exister vraiment. Mais la différence ouvre aussi sur l'inconnu. Elle est ainsi la cause d'une peur, d'un jeu de pouvoir angoissant, chaque sexe se sentant menacé par l'autre ».

« Dans cette perspective biblique, l'homosexualité est comprise comme l'une des conséquences les plus significatives de la peur inconsciente de l'altérité... Ce qui manque  (selon cette anthropologie biblique) à la relation homosexuelle, ce n'est pas l'amour (que deux êtres du même sexe peuvent parfaitement éprouver (l'amour avec tout ce que cela signifie de fidélité, d'engagement réciproque et de confiance mutuelle), ce qui manque, c'est l'expérience du déplacement radical que la différence sexuelle symbolise ».

« Si l'Ecriture affirme avec force que l'être humain est un homme et une femme, jamais l'un sans l'autre (Gn 1.27), et qu'il est ainsi à l'image de Dieu, c'est que la différence entre l'homme et la femme n'est pas accidentelle et qu'il ne faut pas chercher à la réduire puisqu'elle est du même ordre que celle qui distingue Dieu de l'être humain. Elle doit donc être respectée comme la condition de la vie juste et de la transmission de celle-ci... Ce sont les deux raisons qui expliquent pourquoi l'homosexualité est récusée par la tradition biblique : impossibilité de manifester la valeur symbolique de la différence dans son rapport avec la différence Dieu-être humain, et impossibilité de répondre à la vocation créatrice de la sexualité (l'enfantement)... De là découle la condamnation de l'homosexualité, répétée à plusieurs reprises (Lv 18.22 ; 20.13 ; Ro 1.26ss ; 1 Co 6.9 ; 1 Tm 1.9ss).
Après cette approche Eric Fuchs présente des éléments qui doivent permettre, selon lui, de dépasser l'enfermement moral.

Pour cela, il différencie la morale (qui est nourrie par la loi de Dieu et par les évidences de l'expérience, avec le risque du moralisme ou le légalisme) et l'éthique dont la finalité est « l'exigence du respect absolu de la personne d'autrui »... « C'est ce qui a conduit les Eglises protestantes à accepter le divorce lorsque ce respect des personnes n'était plus assuré ». Eric Fuchs présente le Sermon sur la montagne comme la correction d'une démarche morale (« Vous avez appris... ») par une démarche éthique (« Mais moi je vous dis... »). Il trouve la même démarche chez l'apôtre Paul quand celui-ci dissocie l'appartenance religieuse ou politique (Juif ou Grec), sociale (esclave ou homme libre) et sexuelle (homme ou femme) de celle que nous avons « en Christ ». « Dans l'Eglise, le seul marqueur de l'identité est la foi en Christ ».

« Dès lors, le message de l'Eglise ne peut négliger ni la responsabilité morale ni l'exigence éthique... Il est nécessaire de maintenir la tension existant entre ces deux pôles de sens. Oublier l'un, c'est absolutiser l'autre, c'est à dire tomber dans un fanatisme sans amour ou dans une indifférence sans reconnaissance de l'altérité d'autrui ».



Annexe 3.

Quelques mots sur la question des ministères



La question a été débattue ces dernières années dans la plupart des Eglises, souvent avec âpreté, quelques fois avec douleur. Il faut dire que bien des présupposés non avoués soustendent les prises de position, ce qui ne favorise pas l'approche objective, l'écoute des autres et l'accord sensible qui pourtant serait hautement souhaitable.
Il n'est pas question ici de reprendre tout le débat, ni d'aborder les questions délicates du voile sur la tête ou du silence dans l'assemblée (1 Co 11 ; 14). Pourquoi pas une autre fois.

Je voudrais ici me borner à évoquer deux aspects de la question.

1. La plupart du temps, nous avons débattu du ministère féminin sans définir ce qu'on entendait par ministère. Ministère commun à tous les chrétiens ? Qu'est-ce que cela signifie ? Ministère de nature pastorale (anciens et pasteurs) ? Qu'est-ce que cela implique ? Ministère de nature diaconale ? Quel en est le sens ? En voulant répondre de manière globale, on a voulu répondre sans poser correctement la question. Quand on a agi ainsi avec Jésus, il n'a simplement pas répondu.

A très grands traits, il nous faut rappeler qu'il y a en effet un ministère commun à tous les chrétiens, hommes et femmes, petits et grands, c'est celui qui est lié à la position que chacun a en Christ. Comme habitation de Dieu en esprit, comme adorateur en esprit et en vérité, comme témoin du Seigneur Jésus, comme membre vivant de son corps, chaque chrétien sans exception est participant à la louange, au témoignage, à l'édification de l'Eglise par les dons que Dieu lui a confiés, en paroles et en actes. Voir 1 Co 12 ; Ep 4. Le mot 'tous' dans le Nouveau Testament, les expression 'les uns les autres', 'réciproquement', etc. désignent et impliquent tous les chrétiens, tous.

A cet égard en effet, il n'y a ni homme ni femme, ni esclave ni homme libre, ni juif ni grec. Celui ou celle qui est consacré(e) et disponible entre les mains du Seigneur, c'est celui ou celle qu'Il utilisera et auquel il accordera une mesure d'autorité spirituelle légitime.

La venue de Jésus-Christ a aboli le sacerdoce particulier, la prêtrise, mais elle n'a pas abolie les ministères (1 Co 12 ; Ep 4 ; 1 Tm 3). Dans les Eglises dites de la Réforme, ces ministères se distinguent en deux catégories (Ph 1.1 ; 1 Tm 3) : les ministères de nature pastorale, assimilés souvent aux ministères dits « de la parole », et les ministères de nature diaconale. Ces deux types de ministères ont pour objectif commun de contribuer à l'unité spirituelle et à l'édification de l'Eglise, mais ils le feront au travers de services distincts et complémentaires. Ils ont en commun de ne pas agir à la place de la communauté mais pour elle et avec elle. Ils ont également en commun de se fonder sur la pédagogie des modèles. C'est ce qui ressort notamment de ce que dit Paul en 1 Timothée 3, qui laisse apparaître aussi la différence entre ces deux types de ministères : les ministères de nature pastorale sont aptes à l'enseignement ; cela n'est pas demandé des diacres (bien que ceux-ci doivent avoir une compréhension saine de ce qui constitue l'Evangile et la foi).

Le passage déterminant, me semble-t-il, pour ce qui est de la participation des femmes aux ministères établis, se situe au chapitre deux de la première lettre à Timothée. Paul écrit : « Je ne permets pas à la femme d'enseigner, ni de prendre autorité sur l'homme ; mais elle doit demeurer dans le silence. Car Adam a été formé le premier et Eve ensuite ; et ce n'est pas Adam qui a été séduit, c'est la femme qui, séduite, s'est rendue coupable de transgression » (1 Tm 2.12-14).

Ce passage est clair. Encore faut-il comprendre correctement ce que signifient ici 'enseigner' et 'prendre autorité'. Toute prise de parole constitue-t-elle un enseignement ? Non. Instruire est-il synonyme d'enseigner ? Je ne crois pas non plus. Une femme ne peut-elle pas acquérir une autorité dans l'Eglise ? Bien-sûr que oui. Il y a donc une certaine manière de parler dans l'Eglise qui relève de l'enseignement et qui constitue – avec certaines prises de décision – un acte d'autorité. Cela est confié par Dieu à des hommes, pas à des femmes. Les raisons sont données : elles ne sont en aucun cas culturelles mais relèvent des deux événements majeurs qui sous-tendent toute la révélation biblique : la Création et la Chute.

Il reste à déterminer si les ministères de nature pastorale impliquent les prises de parole évoquées ci-dessus. Je crois que la réponse est oui. En d'autres termes, pratiquement tout ce que fait un pasteur, une femme peut le faire et bien le faire ; mais la charge pastorale devrait être confiée à des hommes. Pour ce qui est du ministère diaconal, je crois que des femmes peuvent y avoir accès. Si un diacre porte la responsabilité de diriger l'ensemble des diacres de l'église, hommes et femmes, je crois que ce devrait être un homme. Cela, à mes yeux, découle naturellement de ce que l'apôtre dit. Je suis prêt cependant à accepter que les avis diffèrent sur la manière d'appliquer les principes qui, eux, devraient être respectés avec soin.

Rappelons qu'avoir autorité est une manière de servir et pas seulement d'exercer un pouvoir. Rappelons qu'exercer l'autorité n'implique pas qu'on ait toujours raison ou qu'on puisse se dispenser d'écouter et d'approuver ce qu'un autre, ce qu'une autre aura dit.



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