Genre, homosexualité - évolution ou révolution ? (1)
Genre, homosexualité - évolution ou révolution ? (1)
Charles NICOLAS
Dieu a mis une loi en Israël pour qu'elle soit connue de la génération future, des enfants qui naîtraient, et que devenus grands, ils en parlent à leurs enfants... (Ps 78.5-8).
Traiter ce sujet en une heure n'est pas évident. Nous ne sommes pas des spécialistes ; nous sommes des chrétiens et nous nous interrogeons sur ce que nous voyons et entendons, comme le dit l'apôtre Paul : Examinez toutes choses et retenez ce qui est bon (1 Th 5.21). Je voudrais commencer par une anecdote et par une citation.
L'anecdote. Au début des années 2000, le lobby homosexuel commençait à se faire entendre un peu partout. Le professeur de la faculté de théologie de Montpellier André Gounelle a donné une conférence sur ce sujet, à laquelle j'ai assisté. Il a recensé les passages bibliques qui parlent de ce sujet, il a fait entendre que tous étaient défavorables aux pratiques homosexuelles, et a conclu que chacun était libre de se faire une opinion. Ce qui m'a frappé, c'est qu'au cours de sa conférence, à 3 ou 4 reprises, il s'est excusé auprès de ceux et celles que la seule mention de l'homosexualité pourrait choquer. Vous voyez combien les mentalités ont changé en 20 ans.
La citation est de l'écrivain russe Dostoïevski : Si Dieu n'existait pas, tout serait permis1. Le 4 mars dernier, l'affiche officielle des Jeux olympiques était dévoilée, montrant le dôme des Invalides sans sa croix. Au même moment, le Congrès à Versailles votait l'inscription du droit à l'avortement dans la Constitution. Vous savez en quels temps nous sommes, écrivait l'apôtre Paul (Ro 13.11). Oui, il faut le savoir.
1. Le terreau où cela grandit
Pourquoi dire cela ? Parce qu'un comportement ne vient jamais sans une idée qui le précède. Et une idée ne naît jamais toute seule : elle est le fruit d'un courant qui la précède. On pourrait remonter jusqu'à la tentation et la Chute de Genèse 3, mais le courant plus proche de nous qu'il faut mentionner, c'est celui qu'on appelle les Lumières (Emmanuel Macron s'y réfère souvent, en préconisant que ces valeurs-là sont universelles et devraient s'appliquer dans tous les pays). Ce courant s'est développé en Europe – et surtout en France – durant le XVIIIème siècle. La Révolution française en est un des fruits directs.
Si je devais définir ce mouvement en une formule, je dirai : La raison (l'Homme) est placée au-dessus de la Révélation (Dieu). Evidemment, cela change beaucoup de choses2 : aujourd'hui, dans les écoles et les Universités, à l'Assemblée nationale, dans les médias, les hôpitaux, etc., on ne va pas interdire la Révélation biblique, mais on va considérer que la raison est au-dessus3.
La question est : quelle est la fiabilité de cette Raison, de cette intelligence ? La Bible parle de la raison éclairée par le discernement que Dieu donne, dans la soumission à sa volonté, c'est-à-dire dans la foi (Ps 111.10 ; Pr 3.4 ; 13.15 ; 28.5). Mais si la raison est placée au-dessus de tout, alors la raison est éclairée par la raison (ou par les émotions, les deux n'étant pas si faciles à départager, contrairement à ce qu'on dit) ... C'est 'la raison autonome'4. Le verdict de Paul est clair : Se vantant d'être sages, ils sont devenus fous (Ro 1.22)5. C'est comme une boussole qui choisirait elle-même son propre Nord.
Divers courants de pensée se sont greffés sur la philosophie des Lumières6. Le plus récent est sans doute le Wokisme7, avec ce qu'on appelle la Cancel culture (c'est-à-dire la culture de l'effacement, de la table rase). Tous ces courants, dont nous respirons les effets sans nous en rendre compte, ignorent ou s'opposent à la révélation biblique8. Ils sont strictement horizontaux et n'ont d'autres espérance que de construire un monde meilleur, c'est-à-dire émancipé. Le Marxisme en est une claire illustration.
La banalisation de l'homosexualité, la théorie du genre, le féminisme radical..., ne sont que des éléments d'un tableau plus large. C'est ce qui explique, par exemple, la campagne de vaccination des enfants de 12 ans contre le papillomavirus, une maladie sexuellement transmissible. Il ne s'agit pas seulement de répondre aux attentes d'une minorité, il s'agit de promouvoir une nouvelle vision du monde, avec de nouvelles références et une nouvelle échelle de valeurs. Une nouvelle création ! Cela explique qu'il puisse, dans certains cas, devenir impossible de se comprendre, comme si on ne parlait pas la même langue. C'est un préalable des situations de persécution...
2. La théorie du genre
Notons qu'il n'y a pas que les croyants qui s'inquiètent de ces courants actuels9. Après le rejet de Dieu10, deux facteurs favorisent la théorie du genre : l'hyper-individualisme (c'est moi qui définis ce que je suis, par autodétermination) et l'effacement de la réalité (je suis ce que je veux être). C'est ainsi que le genre (qui est une construction psychique, sociale, culturelle), se dissocie du sexe biologique11. On parle de transitionnement ou de réassignation sexuelle. Un garçon peut dire à son professeur : Appelez-moi Lola.
Le professeur Sylvain Aharonian écrit : Rejetant la vision réaliste de l'altérité sexuelle, l'idéologie du genre veut attribuer à l'individu la liberté de choisir, subjectivement et indépendamment de son sexe biologique, son identité sexuelle, et de revenir autant de fois qu'il le veut sur son choix : je suis ce qu'à tout moment je décide d'être ! 12.
Dans ce sens, le mouvement Queer initié par Judith Butler, refuse de tenir compte de la différence anatomique des sexes pour ne faire cas que de l'orientation sexuelle susceptible de varier au gré de l'évolution de la volonté de l'individu13. L'hétérosexualité cesse de devenir normative, ce qui ouvre la porte à l'homosexualité14. Tout est lié.
Ce qui est étonnant, c'est que ces mouvements de pensée qui se réfèrent volontiers aux “dernières découvertes scientifiques” font volontiers fi de la science. Ils oublient que chaque cellule du corps d'un homme ou d'une femme est masculine ou féminine : un acte chirurgical ne peut pas changer cela, ni même un traitement aux hormones. Une bûche de chêne ne deviendra jamais une bûche de hêtre.
Que dit la Bible ? Une des caractéristiques de la Création est la différentiation. Dieu sépare la lumière et les ténèbres, la terre et la mer. Dieu crée les herbes et les arbres fruitiers, chacun portant sa semence (Gn 1.11)15. Puis Dieu crée les poissons et les oiseaux selon leur espèce ; et de même pour les animaux terrestres. Puis Dieu crée l'être humain à son image, à sa ressemblance ; il le crée homme et femme. Cela signifie que la distinction homme/femme a son origine non seulement dans la volonté de Dieu mais aussi dans son être, puis qu'elle en est un des reflets.
Par ailleurs, je ne me réduis pas à mon corps, mais je ne suis pas sans mon corps. Celui-ci fait partie de mon être. C'est dans son corps que chacun est appelé à assumer la vocation qui est la sienne16 : l'homme en tant qu'homme, la femme en tant que femme, le maître en tant que maître, le serviteur en tant que serviteur, etc. (1 Tm 6.1-2. Cf. 1 Co 7.20-24). Accepter cette vocation et y être fidèle n'est pas une marque de faiblesse ou d'esclavage, mais au contraire de liberté et de maturité17.
(à suivre)
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Notes :
1Cette citation a été reprise par le philosophe Jean-Paul Sartre. Je lis : Dostoïevski avait écrit : "Si Dieu n'existait pas, tout serait permis." C'est là le point de départ de l'existentialisme. En effet, tout est permis si Dieu n'existe pas, et par conséquent l'homme est délaissé, parce qu'il ne trouve ni en lui, ni hors de lui une possibilité de s'accrocher. L'existentialisme est une école de philosophe récente qui dit : La seule chose dont je puis être sûr, c'est que j'existe.
2Le philosophe Pierre Manent (auteur du livre Pascal et la proposition chrétienne, 2022) affirme : Si Dieu existe ou s'il n'existe pas, cela fait une très grande différence. Pourquoi la question est-elle toujours reportée à plus tard ?
3Un professeur de philosophie a écrit : Les Lumières, c'est l'éclairement qu'apporte à l'homme l'usage de sa raison et de son intelligence. La raison permet à l'homme d'écarter les préjugés, les superstitions, le fanatisme religieux, et sert de guide pour agir sur le monde (Amélie Vioux, https://commentairecompose.fr). Voir l'annexe 1.
4C'est cette raison-là (qu'à la Révolution on a appelée la Déesse Raison) qui va déterminer ce que sont les préjugés, les superstitions, et le fanatisme religieux. On a vu ce que cela a donné en Union soviétique (20 millions de détenus, 4 millions de mort dans les Goulags). On le voit avec le féminisme actuel, et ses revendications no limit.
5Voir l'annexe 1 sur la loi naturelle.
6 Le Romantisme, l'Evolutionnisme, la Psychanalyse, le Marxisme, le Positivisme, le Progressisme...
7Voir l'annexe 2 sur le wokisme. J'ai abrégé en 7 pages le livre de Jean-François Braunstein : La religion woke.
8Le Marxisme, par exemple, explique que la racine des injustices se situe au niveau économique et social. La Bible ne dit pas cela. L'Existentialisme athée, promu par Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, fait de la liberté de l'individu la référence la plus haute. Le Progressisme pense qu'un conducteur de TGV est beaucoup plus intelligent qu'un conducteur de diligence. Mais cela ne correspond pas du tout à la définition biblique de l'intelligence.
9Je mentionne deux ouvrages récents : La fabrique de l'enfant transgenre, de Caroline Eliacheff et Céline Masson, psychanalystes ; et Le phénomène trans, du philosophe Dany-Robert Dufour.
10Voir l'annexe 3 : La théorie du genre, un outil au service du totalitarisme ?
11Je ne sais pas si le wokisme permettra un jour à un homme de couleur de dire : Je suis un blanc. Pourquoi pas, s'il le sent comme cela ? En 2015 aux Etats-Unis, Rachel Dolezal (qui se fit appeler Nkechi Amare Diallo) fut la première personne à être identifiée comme transraciale. Voir : Théorie du genre : un ancien transgenre dénonce « un prosélytisme général.
12On peut parler d'utopie transhumaniste. S. Aharonian est professeur d'éthique à l'Institut biblique de Nogent. Il écrit : Quant à la France, on frémit devant l’intrusion de l’idéologie du gender dans la formation des professionnels de la petite enfance ou dans l’enseignement scolaire (Clarté sur le gender dans les Cahiers de l'IBN n° 164 de juin 2014).
13Cette volonté émancipatrice se fait aisément totalitaire. Dans ce sens, la philosophe américaine Christina Hoff Sommers écrit : On ne devrait autoriser aucune femme à rester à la maison pour s’occuper de ses enfants. Les femmes ne doivent pas avoir cette option, car si cette option existe, trop de femmes la choisiront ! (Voir le livre de Nathalie Heinich, Le Wokisme serait-il un totalitarisme ? Albin Michel, 2023). Le prêtre Joseph-Marie Verlinde écrit : Marx voulait construire une société sans classe ; le mouvement Queer cherche à édifier une société sans sexe.
14 L’Idéologie du gender comme identité reçue ou choisie ? (2012, p. 39). Voir aussi : La fabrique du post-humain (2015).
15Tu ne porteras point un vêtement tissé de diverses espèces de fils, de laine et de lin réunis ensemble (Dt 22.11).
16Voir l'annexe 4 sur la portée de la différenciation sexuelle et l'annexe 5 : Sauver la différence ses sexes.
17La psychologie dit cela quand, dans le processus de deuil par exemple, elle parle de l'étape de l'acceptation : c'est l'étape qui introduit l'apaisement - à l'inverse de Rachel qui n'a pas voulu être consolée (Mt 2.18). Placer une personne devant tous les choix possibles – comme le fait l'éducation positive – peut conduire à un vertige destructeur.
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