Quel fondement pour travailler ensemble ? (3)
Quelle légitimité les Unions d'églises ont-elles ?
Suite
Charles NICOLAS
Annexes
1. Quel fondement pour une collaboration féconde ?
Maurice Longeiret, Journal Nuance, avril 2019
1. Confirmer, par le témoignage intérieur du Saint-Esprit, que la Bible est tout entière Parole de Dieu (2 Tm 3.16).
Nous croyons que la Parole qui est contenue dans ces livres (de l'Ancien et du Nouveau Testament) a Dieu pour origine, et qu'elle détient son autorité de Dieu seul et non des hommes (Conf. de foi de La Rochelle, art. 5).
2. Confesser Dieu en tant que Père, Fils et Saint-Esprit et, notamment, que Jésus de Nazareth est la Parole de Dieu faite chair (1 Jn 2.23).
Nous croyons que Jésus-Christ, étant la sagesse de Dieu et son Fils éternel, a revêtu notre chair afin d'être Dieu et homme en une même personne et, en vérité, un homme semblable à nous, capable de souffrir dans son corps et dans son âme, ne différant de nous qu'en ce qu'il a été pur de toute souillure (art. 14).
3. Annoncer le salut acquis par le sacrifice expiatoire sur la croix par Jésus (1 Pi 3.18).
Nous croyons que par le sacrifice unique que le Seigneur Jésus a offert sur la croix, nous sommes réconciliés avec Dieu, afin d'être tenus pour justes devant lui et considérés comme tels (art. 17).
4. Prêcher la nécessité d'accueillir personnellement le salut offert (Ro 10.9).
Nous croyons que Dieu nous fait participer à cette justice par la foi seule, puisqu'il est dit que Jésus-Christ a souffert pour obtenir notre salut, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas (art. 20).
5. Vivre les enseignements de l'Evangile (2 Th 3.13).
Quant à l'Eglise véritable, nous croyons qu'elle doit être gouvernée selon l'ordre établi par notre Seigneur Jésus-Christ, à savoir qu'il y ait des pasteurs, des anciens et des diacres, afin que la pureté de la doctrine y soit maintenue, que les vices y soient corrigés et réprimés, que les pauvres et tous les affligés soient secourus dans leurs besoins, que les assemblées se tiennent au nom de Dieu, et que les adultes y soient édifiés, de même que les enfants (art. 29).
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2. Les anciens et les diacres
Les Réformateurs du XVIème siècle ont principalement retenu deux types de ministères : les anciens et les diacres. Y a-t-il un fondement néotestamentaire pour cela ? La réponse est oui. Paul s'adresse spécifiquement à eux au début de sa lettre aux Philippiens. Il précise les conditions qui doivent être remplies pour chacun de ces deux ministères au chapitre 3 de sa première lettre à Timothée. On remarque au passage que ces conditions sont assez semblables, hormis l'aptitude à enseigner qui n'est requise que pour les anciens.
Et les cinq ministères de la Parole ? Ils font partie des anciens, comme le dit Pierre (1 Pi 5.1). Et ceux que nous appelons les pasteurs, aujourd'hui ? Ils font normalement partie des anciens. Y a-t-il des anciens autres que ces cinq-là ? Il est permis de le penser, notamment à la lumière de 1 Timothée 5.17 : tous doivent être aptes à enseigner, mais tous ne vont pas se consacrer (à plein temps) à cette tâche.
Et les diacres ? Ils sont mentionnés à côté des anciens comme conducteurs de l'église locale (Ph 1.1). Conducteurs au même titre que les anciens ? Non, mais conducteurs quand même, car ils ont acquis une autorité légitime et des domaines importants de la vie de l'Eglise leur sont confiés. Des domaines matériels ? Pas seulement, des domaines en lien avec l'assistance à apporter aux membres les plus vulnérables de l'Eglise, et donc en lien avec la communion fraternelle.
Pourquoi, en France particulièrement, ces ministères d'anciens et de diacres ont-ils été tellement dévalués, quand ils n'ont pas simplement disparu ? L'histoire l'explique, qui pourrait faire l'objet d'un autre développement. A grands traits, on peut mentionner deux siècles de persécutions, un siècle dit des Lumières, un siècle de Concordat défini par l'Etat, un siècle de laïcité dans le moule profane des associations cultuelles...
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3. Juger ou ne pas juger ?
Nous avons souvent entendu qu'il ne fallait pas juger. Cela est écrit clairement dans le Nouveau Testament. Ne jugez pas afin que vous ne soyez pas jugés (Mt 7.1). Nous avons aussi remarqué que juste après cette injonction, Jésus donne la marche à suivre pour ôter la paille de l'œil de notre frère (7.5), avant de recommander de ne pas donner les choses saintes aux chiens (7.6). En Luc 6, l'appel à ne pas juger précède la question suivante : Un aveugle peut-il conduire un aveugle ? et encore cette leçon : Le disciple n'est pas plus grand que son maître, mais tout disciple accompli devient comme son maître. De tout cela, il n'est pas difficile de repérer l'intention du Seigneur : il y a une manière de juger qui est déplacée et qui va créer beaucoup de difficultés, et une manière de juger qui est absolument nécessaire. Le même terme grec est utilisé dans les deux cas.
Une des leçons est celle-ci : il faut une longue préparation personnelle associée à une démarche collégiale. Cela ressort de l'expérience de Moïse : sa précipitation (Ex 2.11-15) a été catastrophique ; il lui faudra quarante années d'apprentissage dans le désert et l'avertissement de Jéthro : Tu ne pourras y arriver seul, choisis des hommes sages qui puissent juger avec toi (Ex 18.21-22).
Les apôtres diront cela souvent : Devenez des adultes ! Frères, ne soyez pas des enfants pour ce qui est du jugement. Soyez des hommes faits ! (1 Co 14.20). Ici, être un enfant, c'est juger n'importe comment ; être adulte, c'est exercer un jugement fiable. Il y a donc deux écueils à éviter : celui d'agir trop vite, impulsivement, et celui de ne plus intervenir... pour ne pas se tromper.
Quand Jésus dit de ne pas juger en Luc 6, il utilise juste après le verbe condamner (v. 37). Paul associe les verbes juger et mépriser : Pourquoi juges-tu ton frère, pourquoi le méprises-tu, puisque nous comparaîtrons tous devant le tribunal de Christ ? (Ro 14.3, 10). Mais quand Jésus ajoute qu'un arbre se reconnaît à ses fruits (Lc 6.44), il montre que juger n'est pas nécessairement mépriser : c'est peut être aussi exercer un discernement élémentaire. Cela concerne-t-il tous les chrétiens : La réponse est oui. Examinez toutes choses et retenez ce qui est bon, commande l'apôtre Paul à tous (1 Th 5.21).
L'Evangile de Jean utilise le verbe juger d'une manière qui peut paraître contradictoire :
- Dieu n'as pas envoyé son Fils pour qu'il juge le monde, mais pour le sauver (3.17) ;
- Celui qui croit en lui n'est pas jugé ; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé (3.18).
Cela situe l'action de juger (se prononcer sur quelqu'un) dans la perspective de Dieu :
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d'une part, il ne faut pas juger car Dieu seul le peut. Qui suis-je moi pour le faire justement ?
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d'autre part, si Dieu le peut, c'est donc une action juste et nécessaire qui peut m'être confiée, pour autant que je sois à ma juste place et puisse agir dans sa lumière.
Paul affirme que toute action doit pouvoir être jugée dans l'Eglise : Ne savez-vous pas que les saints jugeront le monde ? Et si c'est par vous que le monde est jugé, êtes-vous indignes de rendre les moindres jugements ? Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges ? Et nous ne jugerions pas à plus forte raison des choses de cette vie ? Ainsi, il n'y a pas parmi vous un seul homme sage qui puisse prononcer entre ses frères ? (1 Co 6.2-5).
La question n'est donc pas : Faut-il juger ou s'abstenir ? La question est : Comment remplacer les jugements charnels (laxistes ou intransigeants) par des jugements spirituels exercés de la part de Dieu ?
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4. Quelques remarques sur les confessions de foi
d'après Henri Blocher
La problématique : Est-ce que la Bible fournit un fondement solide pour confesser sa foi ?
Henri Blocher distingue :
-
Confession de la Foi : c’est un credo. On affirme : je crois. Le mot confession peut se traduire par « dire de même, parler comme ». Le Nouveau Testament encourage les chrétiens à répondre : je crois, à la parole de leur salut. J’affirme que Jésus est mon Seigneur et je le glorifie.
-
Confession de foi : C’est une liste de textes plus élaborés, un résumé doctrinal faisant autorité dans l’Eglise. Elle a un rôle disciplinaire : elle permet de délimiter un accord indispensable à la pleine communion dans l’Eglise, de sauvegarder la paix et la liberté fraternelles. Paul écrit dans les épîtres à Timothée pour lutter contre les fausses doctrines. Il distingue ce qui est fondamental pour marcher d’un même pas, et ce qui est secondaire (il y aura une tolérance fraternelle dans la marche commune)
Pour la confession de foi, comme pour la confession de la foi, Henri Blocher affirme que le Nouveau Testament nous fournit, par son exemple et par quelques mentions, un fondement très suffisant.
Il évoque ensuite quelques objections : La confession de foi peut devenir une doctrine qui enferme. Comme les pharisiens très formalistes s’attachaient à la lettre, aux textes, la confession pourrait nous faire perdre notre liberté et notre intelligence. Henri Blocher répond que dans la Bible, il n’y a pas d’opposition entre l’enseignement de Jésus et sa vie, entre la vie et la doctrine. La discipline de la doctrine s’applique en premier lieu à ceux qui ont été chargés du ministère d’enseignement dans l’église. Dieu donne le sens, il règne sur notre intelligence. La passion de la vérité est essentielle à la foi, et ce n’est ni une prétention personnelle ni une satisfaction de supériorité.
Henri Blocher est très affirmatif : « Le Seigneur commande à ses disciples le courage de la différence et le courage de la conséquence… ». Je vois le rôle disciplinaire de la Confession de foi comme l’arête de cette différence ; elle tranche dans le vif des relations entre les personnes et les intérêts institutionnels.
Notes prises par Anne Curie.
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5. Déclaration de foi de l'alliance évangélique européenne (1846)
Nous croyons :
. Que l’Écriture Sainte est la Parole infaillible de Dieu,
autorité souveraine en matière de foi et de vie.
. En un seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit de toute éternité.
. En Jésus-Christ notre Seigneur, Dieu manifesté en chair,
né de la vierge Marie ; à son humanité exempte de péché,
ses miracles, sa mort expiatoire et rédemptrice,
sa résurrection corporelle, son ascension, son œuvre médiatrice,
son retour personnel dans la puissance et dans la gloire.
. Au salut de l’homme pécheur et perdu,
à sa justification non par les œuvres mais par la seule foi,
grâce au sang versé par Jésus-Christ notre Seigneur,
à sa régénération par le Saint-Esprit.
. En l’Esprit Saint qui, venant demeurer en nous,
nous donne le pouvoir de servir Jésus-Christ,
de vivre une vie sainte et de rendre témoignage.
. À l’unité véritable dans le Saint-Esprit de tous les croyants
formant ensemble l’Église universelle, corps de Christ.
. À la résurrection de tous :
ceux qui sont perdus ressusciteront pour le jugement,
ceux qui sont sauvés ressusciteront pour la vie.
L’Alliance Évangélique croit sans réserve aux doctrines fondamentales exprimées dans sa Déclaration de foi. Elle accueille ceux qui professent ces doctrines et s’y conforment par la pratique, en vue d’une collaboration active au service de notre Seigneur Jésus-Christ, malgré les différences d’opinion qui peuvent subsister sur d’autres points de doctrine ou d’organisation ecclésiastique ; elle obéit aux commandements de l’Écriture en renonçant à toute collaboration avec l’incrédulité ou l’apostasie qui éloignerait de ces doctrines ; elle reconnaît, dans le cadre de l’Alliance, la complète autonomie de ses membres, et s’interdit d’intervenir dans l’organisation ecclésiastique des églises ; elle se consacre à la réalisation d’un programme d’entraide mutuelle dans la propagation de l’Évangile, la défense des libertés chrétiennes et la recherche de solutions aux problèmes d’intérêt général.
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Notes :